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mardi 10 juin 2025

12.80 - MON AVIS SUR LE FILM BONO STORIES OF SURRENDER DE ANDREW DOMINIK (2025)


 Vu le film Documentaire de Bono Stories of Surrender de Andrew Dominik (2025) Présenté au Festival de Cannes 2025 ; un autoportrait entre lumière et pénombre 

Bono: Stories of Surrender, plus qu’un simple documentaire musical, s’apparente à une confidence scénique. Réalisé par Willie Williams, le film prolonge la tournée "Stories of Surrender" de Bono, inspirée par ses mémoires publiées en 2022, et propose une expérience à mi-chemin entre le théâtre, le récital et l’essai introspectif. Il ne s’agit donc pas d’un concert filmé de U2, ni d’une grande fresque biographique, mais d’un monologue accompagné de quelques musiciens, où Bono, seul en scène ou presque, livre un autoportrait mêlé de souvenirs, d’interrogations et d’émotions. 

La grande force du film réside dans cette sincérité qui traverse chaque mot. Bono n’a plus rien à prouver, il le sait, et s’autorise ainsi à montrer ses fragilités, ses contradictions, ses blessures. Il revient sur son enfance à Dublin, sa relation compliquée avec son père, son engagement politique, son mariage, sa foi, ses obsessions. Ces thèmes sont abordés avec une élégance sobre, parfois poignante, et toujours dans un souci de transmission. L’homme se raconte avec une intelligence rare, dans une langue simple mais pensée, articulée par un sens du récit bien rôdé. 

La mise en scène en noir et blanc très stylisé donne une patine grave au propos. Ce choix esthétique est cohérent avec le ton du spectacle : intimiste, sobre, presque confessionnel. Mais à mesure que le documentaire avance, cette austérité visuelle devient un carcan. L’absence de variations, le minimalisme assumé, l’unité de ton finissent par peser. On en vient à regretter quelques respirations visuelles, quelques images d’archives, quelques éclats de lumière. Le noir et blanc fige parfois ce qui aurait mérité plus de chair, plus d’élan. 

La parole de Bono est riche, mais elle demande une écoute attentive, presque studieuse. Or, on sent le spectateur (surtout s’il n’est pas fan absolu du groupe) attendre impatiemment les moments musicaux pour respirer, se laisser emporter. Et quand ces instants arrivent — "With or Without You", "Beautiful Day", "Sunday Bloody Sunday", revisités en acoustique — ils sont comme des oasis dans un désert de mots. Ils touchent, immédiatement, par leur simplicité et leur intensité. Le contraste avec les longues plages de récit rend ces chansons encore plus précieuses… mais souligne en creux le déséquilibre du film. 

Le documentaire est donc inégal, tiraillé entre l’introspection théâtrale et le besoin de vibrer musicalement. Les fans inconditionnels de Bono y trouveront un précieux témoignage, une plongée dans l’esprit d’un artiste engagé, complexe, spirituel. Les autres risquent de trouver le rythme lent, le dispositif répétitif, et de décrocher avant la fin. Pourtant, difficile de ne pas être touché par la générosité de l’homme, par sa capacité à douter, à questionner, à se mettre en scène sans cynisme. 

Bono: Stories of Surrender n’est pas un film spectaculaire. Il est profondément humain. Et c’est dans cette humanité que réside sa valeur. Même si l’on attend plus souvent qu’il chante qu’il ne parle, même si l’on aurait voulu plus de visuels, plus de ruptures, plus de souffle, on sort du film avec le sentiment d’avoir été reçu dans un salon intérieur. Bono nous y invite, nous y parle, et parfois — à travers ses silences — il nous touche. 

NOTE :

 

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