Vu le film Daffy et Porky Sauvent le Monde Film d’Animation de Peter Browngardt (2024)
Pour les enfants des années 80 et 90, Daffy Duck et Porky Pig, ce ne sont pas seulement des icônes de l’animation : ce sont des camarades de récré, des complices d’imaginaire avec qui on a grandi en se marrant, en imitant leurs voix improbables ou en recopiant leurs grimaces dans les marges de nos cahiers. Et les voilà qui reviennent, plus en forme que jamais, dans un long-métrage qui ne manque ni d’ambition, ni d’amour pour ses héros historiques. Dans Daffy et Porky sauvent le monde de Peter Browngardt — l’un des artisans du renouveau des Looney Tunes Cartoons — transforme ce duo comique en derniers remparts contre une menace planétaire. Oubliez Bruce Willis, c’est le canard le plus égoïste du cosmos et le cochon le plus bègue de l’univers qui se chargent de la mission. Et franchement… on y croit à fond !
Daffy, fraîchement licencié d’un parc d’attractions minable qu’il a accidentellement détruit, tombe par hasard sur une conspiration cosmique : un milliardaire mégalo, croisement entre Jeff Bezos et Marvin le Martien, veut "rebooter" la Terre en la remplaçant par un monde numérique aseptisé. Grâce à un complot technologique impliquant des hologrammes, une IA gloutonne et des lapins-clones sous stéroïdes, l'humanité est peu à peu désintégrée… façon cartoon, bien sûr. Daffy et Porky, en voulant simplement livrer une pizza (oui, c’est comme ça que ça commence), se retrouvent les seuls à pouvoir arrêter l’apocalypse. Une mission qui les conduira de leur banlieue absurde à la Lune, en passant par un centre commercial devenu forteresse cyberpunk.
Le génie de Browngardt, ici, c’est de n’avoir jamais cherché à moderniser les Looney Tunes de force. Il ne les a pas lissés, ni mis à la sauce "Woke vs Édgy", ni transformés en héros sérieux pour plaire aux parents. Au contraire : Daffy reste ce loser magnifique, narcissique, bruyant, ingérable et pourtant profondément attachant ; Porky, lui, continue de bégayer, mais son calme, sa gentillesse et sa loyauté en font une ancre touchante dans ce maelström comique. Le duo fonctionne à merveille, comme un vieux couple dont les frictions font des étincelles. Leur aventure, improbable, est traversée d'une galerie de personnages secondaires tous plus délirants les uns que les autres : Elmer devenu survivaliste, Bugs Bunny en hologramme coach de méditation, ou encore Speedy Gonzales pirate informatique.
Le rythme est infernal — dans le bon sens du terme. Pas une minute de répit. Le film saute d’un gag à l’autre, multiplie les genres (science-fiction, action, parodie de super-héros, satire technologique), et s’amuse avec les codes de l’animation comme un gamin qui aurait mis la main sur une console de montage. Certaines séquences sont de vraies pépites : une course-poursuite dans un monde inversé où Daffy devient temporairement un héros rationnel (ça ne dure pas), un flash-back animé façon anime japonais, ou encore une scène de tribunal intergalactique menée par Titi, devenu juge cosmique.
Mais au-delà du délire assumé, Daffy et Porky sauvent le monde fonctionne aussi parce qu’il est émotionnellement sincère. Sous les explosions, les grimaces et les ruptures de ton, le film porte une vraie tendresse pour ses personnages et ce qu’ils représentent. Il y a une mélancolie douce derrière les blagues : celle d’un monde qu’on essaie de faire rentrer dans des cases, où le chaos est mal vu, où les figures trop bruyantes dérangent. Daffy et Porky, eux, résistent. Et c’est peut-être pour ça que ce film, aussi burlesque soit-il, touche quelque chose de profondément générationnel.
Certes, le passage du court au long métrage brouille un peu le tempo. Quelques séquences traînent, et l’intrigue principale, bien que solide, aurait pu gagner en épure. Mais cela ne gâche pas le plaisir. C’est un joyeux bordel, un feu d’artifice d’idées, un hommage vibrant à l’animation old school qui ne cherche jamais à séduire tout le monde… et finit par embarquer tout le monde quand même.
Enfin, n’oublions pas les dialogues : si l’humour est souvent visuel, certaines répliques font mouche avec une ironie bien sentie. Les plus jeunes riront des grimaces et des chutes, mais les adultes souriront à des allusions politiques, des références à la pop culture ou à des punchlines dignes des meilleures comédies américaines. Le tout sans cynisme, avec la joie communicative de ceux qui aiment encore jouer avec leurs jouets d’enfance.
En conclusion, Daffy et Porky sauvent le monde est un film nécessaire : il rappelle que l’humour absurde, le non-sens assumé et les personnages maladroits ont encore leur place dans un monde saturé de récits calibrés. C’est un film qui parle à notre cœur d’enfant tout en flattant notre esprit adulte. Une réussite.
Et comme dirait l’un des héros du film, en filant à toute allure sur un scooter à rétrofusée : « Th-th-th-that’s the apocalypse, folks ! »
NOTE : 11.60
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Pete Browngardt
- Scénario : Darrick Bachman, Pete Browngardt, Kevin Costello, Andrew Dickman, David Gemmill, Alex Kirwan, Ryan Kramer, Jason Reicher, Michael Ruocco, Johnny Ryan et Eddie Trigueros, basé sur les Looney Tunes
- Montage : Nick Simotas
- Musique : Joshua Moshier
- Société de production : Warner Bros. Animation
- Sociétés de distribution : Le Pacte (France), Ketchup Entertainment (États-Unis)
- Budget : 15 000 000 $

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