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vendredi 20 juin 2025

9.20 - MON AVIS SUR LE FILM L'ENNEMI PUBLIC NUMERO 1 DE HENRI VERNEUIL (1953)


 Vu le film L’Ennemi Public Numéro 1 de Henri Verneuil (1953) avec Fernandel Zsa Zsa Gabor Paolo Stoppa David Opatoshu Nicole Maurey Jess Hahn Louis Seigner Paul Barge 

Joé Calvet, un Américain moyen affligé d'une effrayante myopie, emporte par erreur le pardessus d'un gangster dans un cinéma. À partir de cet instant, il est pris pour l'ennemi public numéro 1 et se trouve entraîné dans un concert d'aventures rocambolesques. 

 À la suite du succès du Gendarme à New York (1965), où Louis de Funès affrontait avec maladresse les codes américains, il serait tentant de croire que L’Ennemi public numéro 1 (sorti pourtant douze ans plus tôt !) s’inscrit dans une même logique : celle du Français moyen, propulsé outre-Atlantique, à la rencontre d’un monde plus grand, plus fort, plus étranger. Henri Verneuil, alors jeune cinéaste, orchestre ici une comédie construite sur un malentendu, portée par un Fernandel au sommet de sa popularité… mais pas forcément de son art. 

Le pitch est d’un classicisme absolu : Joseph, modeste coiffeur marseillais au physique inoffensif, débarque aux États-Unis pour y retrouver un oncle. Par un concours de circonstances et de quiproquos, il est pris pour un dangereux gangster international. On devine dès lors la mécanique comique : incompréhensions linguistiques, différences culturelles, poursuites, et le fameux contraste entre le physique de Fernandel (long, mou, bonhomme) et l’image de l'ennemi public tel qu'on se l'imagine dans les films noirs américains. 

Ce qui rend le film singulier, au moins sur le papier, c’est qu’il a été coécrit par Max Favalelli, bien connu du grand public pour ses jeux de mots et ses définitions retorses dans Des chiffres et des lettres. Mais on chercherait en vain dans L’Ennemi public numéro 1 l’humour finement ciselé d’un verbicruciste. Le film repose sur un comique bien plus physique, visuel et répétitif, avec peu de dialogues réellement brillants. Il y a bien quelques jeux de mots bon enfant, mais l’ensemble reste très premier degré, presque scolaire dans son écriture. 

La réalisation de Verneuil est honnête, sans grande inspiration. Elle aligne des décors américains (ou de studio soigneusement reconstitués), quelques stock shots de gratte-ciel, et un rythme soutenu, mais sans folie. La caméra semble aussi perdue que son héros dans cette grande Amérique fantasmée. Le choc des cultures, pourtant prometteur, est effleuré sans jamais être exploité : Joseph ne s’oppose pas à un modèle américain, il s’y glisse maladroitement, presque passivement. Le potentiel satirique du décalage franco-américain est noyé dans un vaudeville à l’internationale. 

Fernandel, lui, fait du Fernandel. C’est à la fois le charme et la limite du film. Il est partout, omniprésent, souvent drôle, mais parfois en pilote automatique. Son jeu à base de grimaces, de claquements de langue, de regards appuyés, fonctionne sur les enfants ou les nostalgiques, mais laisse les autres à la porte. Il est pourtant touchant, dans cette errance burlesque d’un homme seul au milieu d’un monde qui ne le comprend pas, et qui le fantasme autrement. 

Zsa Zsa Gabor, en vamp de pacotille, apporte un parfum d’exotisme sexy. Elle est l’un des rares éléments véritablement américains du film — et encore : sa présence semble plus décorative que narrative. Elle joue l'étrangère fatale avec une application charmante mais totalement déconnectée du reste de l’intrigue. Son duo avec Fernandel fonctionne mal, faute de direction d’acteurs claire. 

L’Ennemi public numéro 1 apparaît comme une curiosité cinématographique. Il évoque un cinéma comique populaire, accessible, mais daté. Un film d’un autre temps, comme on dit souvent, mais pas d’un mauvais temps : juste un temps où l’on pouvait encore croire que faire débarquer un acteur français connu dans une grande ville étrangère suffisait à faire une comédie. Ce qui fonctionne parfois (et fonctionnait peut-être en 1953), mais qui aujourd’hui manque cruellement d’enjeux, de mordant et d’originalité. 

Un film à voir pour Fernandel et l’histoire du cinéma populaire français, mais qui a vieilli dans ses ressorts comiques et n’a pas la richesse d’un grand Verneuil. On sourit, parfois, on regarde distraitement… mais on n’en retient pas grand-chose. À part, peut-être, le sourire ahuri de Joseph face à une Amérique qu’il ne comprend pas — et qui ne le comprend pas davantage. 

NOTE : 9.20

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DISTRIBUTION


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