Pages

samedi 28 juin 2025

16.20 - LES FLICS NE DORMENT PAS LA NUIT DE RICHARD FLEISHER (1972)


 Vu le Film Les Flics ne Dorment pas la Nuit de Richard Fleisher (1972) avec George C.Scott Stacy Keach Richard E.Kalk Erik Estrada Scott Wilson Rosalind Cash Clifton James Jane Alexander 

Roy Fehler est un jeune étudiant en droit qui s'engage dans la police pour faire vivre sa famille. Il fait son apprentissage sous la direction du vétéran Kilvinski. Roy apprend ainsi les trucs du métier, procède à des rafles dans les quartiers louches, se heurte tous les jours à de petits truands, parfois à des gangs. 

Adapté du roman de Joseph Wambaugh (ancien officier de police devenu écrivain), Les Flics ne dorment pas la nuit est bien plus qu’un film de policiers. C’est une plongée implacable dans la vie quotidienne des flics de Los Angeles, dans ce qu’elle a de plus banal, de plus dangereux, de plus désespéré aussi. Richard Fleischer signe ici l’un de ses films les plus humains et les plus graves, loin des effets de manche hollywoodiens ou des poncifs du "cop movie" à la Dirty Harry. 

L’histoire suit deux personnages principaux : Roy Fehler, un jeune homme idéaliste, encore naïf, incarné par Stacy Keach, et Andy Kilvinsky, vétéran désabusé approchant la retraite, magnifiquement joué par George C. Scott. Le film s’ouvre sur les premiers pas de Roy dans la police : tout juste sorti de l’académie, il patrouille en duo avec Kilvinsky, et découvre peu à peu la réalité brute du métier, loin de ses illusions universitaires et de ses aspirations à devenir avocat. 

Ce que montre le film, avec une sobriété poignante, c’est que la police n’est pas un monde d’action trépidante, mais un univers régi par l’ennui, la fatigue, la peur, la violence et le découragement. Pas de superflics ici, mais des hommes fragiles, confrontés à la misère sociale, à l’injustice, aux contradictions du système. La caméra de Fleischer, sèche et directe, refuse tout esthétisme : les scènes d’intervention sont filmées avec une précision quasi-documentaire, sans effet de style. On est dans la rue, au ras du bitume, dans les quartiers pauvres de Los Angeles où l’on sent la tension, la misère, la colère latente. 

Ce qui rend le film si bouleversant, c’est la façon dont il traite ses deux héros. Kilvinsky, vieux flic expérimenté, connaît les rouages et les limites du métier. Il tente de transmettre à Roy une forme de philosophie, un détachement lucide, presque stoïcien. Mais Roy, malgré son admiration, ne parvient pas à préserver son équilibre. Peu à peu, il perd sa famille, son objectif initial, sa santé mentale. La police le dévore de l’intérieur, comme tant d’autres. 

La performance de George C. Scott est bouleversante, tout en retenue, en gestes simples, en regards. Son personnage ne cherche jamais à briller, mais c’est dans cette modestie que se loge une profonde humanité. Stacy Keach, de son côté, fait preuve d’une grande intensité dramatique, traduisant la désintégration d’un homme ordinaire qui croyait pouvoir faire la différence, et qui finit broyé par l’absurdité du réel. 

Le film aborde des thèmes rarement traités à l’époque dans les fictions policières : la solitude, le burn-out, l’alcoolisme, le suicide, les rapports distendus avec les proches, la perte de sens… On y sent la pression constante, la peur de mourir au travail, mais aussi l’invisibilité sociale d’un métier pourtant central dans nos sociétés. La population les méprise, l’institution les use, et le monde civil les rejette. 

La scène où Kilvinsky prend sa retraite est d’une force tragique inouïe. Elle symbolise la vacuité qui attend ceux qui ont tout donné à leur métier sans rien construire d’autre. Ce vide existentiel, Richard Fleischer le filme sans pathos, dans une grande dignité. C’est là que le titre prend tout son sens : les flics ne dorment pas… parce qu’ils sont en alerte permanente, mais aussi parce qu’ils ne peuvent plus retrouver la paix intérieure, même loin de leur fonction. 

La mise en scène de Fleischer, froide, clinique, quasi chirurgicale, épouse parfaitement cette vision noire. Pas de musique héroïque, pas de climax artificiel. Juste des fragments de vie, captés avec rigueur et humanité, dans une Amérique urbaine à la dérive. Le film est traversé par un pessimisme lucide, qui touche au documentaire sans jamais renoncer à l’émotion. 

Les Flics ne dorment pas la nuit est donc un véritable drame social, un film existentiel sur la vocation, le désenchantement, la solitude et l’effondrement intérieur. Il n’est pas question ici de poursuites spectaculaires ni de corruption à grande échelle : juste d’hommes qui tentent de survivre, en uniforme, dans une société indifférente. 

Un film essentiel, dur, humain, dépouillé, qui ne cherche pas à plaire mais à dire. Et il le fait avec une puissance qui traverse les décennies. 

NOTE : 16.20

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire