Vu le film Fair Game de Mario Andréacchio (1986) avec Cassandra Delaney David Sandford Peter Ford Garry Who Carmel Young Don Baker
En Australie, Jessica gère une réserve naturelle, véritable havre de paix pour de nombreuses espèces. L'équilibre du lieu est bouleversé quand trois chasseurs de kangourous ultraviolents s'attaquent aux animaux, avant de s'en prendre à Jessica... Face à l'ignoble trio, la jeune femme est contrainte de faire face
Il y a des films qu’on oublie, et d’autres qu’on n’a pas forcément envie de revoir, mais qui vous marquent au fer rouge. Fair Game, modeste série B australienne signée Mario Andreacchio en 1986, appartient sans conteste à cette seconde catégorie. Issu de cette « Nouvelle Vague australienne » qui, au tournant des années 70-80, produisit un lot improbable de films à la fois rugueux, déviants et éminemment visuels (les Long Weekend, Wake in Fright ou Razorback en tête), ce survival fauve annonce sans fard les fureurs d’un certain Mad Max – sans en avoir la portée mythologique, mais avec un grain de folie et une sécheresse qui lui donnent aujourd’hui un statut culte.
L’histoire ? Elle tient sur un ticket de caisse, et c’est ce qui fait sa force. Jessica (Cassandra Delaney), jeune femme indépendante, vit dans une ferme isolée au fin fond du bush australien. Elle protège les animaux blessés, gère son coin de désert avec une rage tranquille, quand débarquent trois braconniers abrutis, violents et bas-du-front, dont l’unique plaisir semble être l’humiliation de cette femme qu’ils ne supportent pas de voir tenir tête. Très vite, la situation dérape. Insultes, intrusion, torture psychologique, puis physique. Le film ne recule devant rien : c’est cru, frontal, sale. Le viol est suggéré mais l’atmosphère d’agression est si dense qu’il semble se produire cent fois. Un rape and Revenge qui, sans le dire, assume sa radicalité tout en évitant (de justesse) le sordide complaisant.
Si le scénario avance comme une ligne droite en pente glissante vers l’horreur, il est compensé par une mise en scène fiévreuse. Andreacchio ne joue pas la subtilité mais adopte une caméra sèche, presque documentaire, qui suit la montée en pression avec un sens du cadre très affirmé. Les plans sur la steppe australienne sont somptueux, presque lyriques, mais toujours inquiétants : on ressent la chaleur, la poussière dans la gorge, le danger qui rôde sous les pierres. C’est un western, oui, mais passé par la moulinette post-apocalyptique.
Et au cœur du cyclone : Cassandra Delaney. L’actrice, alors débutante, s’est préparée physiquement durant trois mois pour incarner cette femme traquée. Son interprétation n’est pas du genre bavard ou introspectif : elle transpire, elle saigne, elle grimace. On croit à cette survivante, autant dans sa peur que dans sa colère. Et lorsque vient le moment de la riposte – que l’on attend avec fébrilité – elle explose, littéralement. La dernière demi-heure est une vendetta sèche, brutale, presque jouissive, où Jessica reprend la main, monte à cheval, manie le fusil et la bagnole comme une amazone furieuse.
Là réside sans doute la vraie force du film : sa simplicité narrative lui permet de pousser tous les curseurs à fond, sans frein moral ni psychologie superflue. Il s’agit de se défendre, de rendre coup pour coup, et si possible plus fort. La violence des braconniers était ignoble ; celle de Jessica est libératrice. On comprend que ce type de film, dans le climat actuel, aurait bien du mal à exister sous cette forme aussi brute, aussi nue. Et pourtant, son message – très primaire, certes – garde un écho contemporain : une femme seule contre une violence masculine impunie, qui finit par prendre le pouvoir, non par la loi, mais par la rage.
Il faut aussi saluer l’ambiance sonore, discrète mais efficace, et les effets visuels (cascades, explosions, poursuites) très maîtrisés pour un film au budget modeste. La photographie, sèche et contrastée, donne à chaque plan un côté surchauffé, comme si tout pouvait exploser à chaque instant – et c’est souvent le cas.
Fair Game, c’est 86 minutes de tension, de violence frontale, d’hystérie masculine punie, de bush écrasant, de sueur et de sang. Ni plus, ni moins. Le film ne cherche pas à faire passer un message subtil sur la condition humaine. Il veut vous coller à la rétine, au ventre, et il y parvient. Une série B qui transpire l’âpreté australienne, injustement oubliée, mais qui mérite sa place parmi les œuvres les plus féroces du genre. Un cauchemar poussiéreux et féministe à sa manière, qu’on regarde le souffle court. Et parfois, c’est largement suffisant.
NOTE : 7.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Mario Andreacchio
- Scénario : Rob George
- Cassandra Delaney : Jessica
- Peter Ford : Sunny
- David Sandford : Ringo
- Garry Who : Sparks
- Don Barker : Frank
- Carmel Young : Moira
- Adrian Shirley : Victor
- Wayne Anthony : Derek

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