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jeudi 26 juin 2025

15.80 - MON AVIS SUR LE FILM BIEVENUE A GATTACA DE ANDREW NICOL (1998)


 Vu le film Bienvenue à Gattaca de Andrew Nichol (1998) avec Ethan Hawke Jude Law Uma Thurman Loren Dean Gire Vidal Vincent Nielson Maya Rudolph Dean Norris Gabrielle Reece Tony Shaloub Alan Arkin 

Dans un futur proche, notre société pratique l'eugénisme à grande échelle : les gamètes des parents sont triés et sélectionnés afin de concevoir in vitro des enfants quasi parfaits. Malgré l'interdiction officielle, les entreprises recourent à des tests ADN discrets afin de sélectionner leurs employés. Ainsi, les personnes conçues naturellement se voient reléguées à des tâches subalternes. 

L’escalier est central dans le film entre deux étages de la résidence de Jerôme Morrow (Law) et sa difficulté à y accédé avec son handicap 

Il y a des films qui impressionnent par leur budget, leur vacarme, leurs effets en cascade. Et il y en a d’autres, plus rares, qui marquent à vie par leur élégance, leur lucidité, leur souffle humaniste. Bienvenue à Gattaca appartient à cette seconde catégorie : une œuvre de science-fiction discrète, sans explosion, sans poursuites, mais dont la portée morale et philosophique dépasse de loin bien des blockbusters tonitruants. Andrew Niccol, qui signait ici son premier long-métrage en 1997, imagine un futur aseptisé, d’apparence calme, épuré, presque luxueux – et pourtant glacial. Un futur où l’humain n’est plus qu’un code génétique, où l’ADN détermine le destin, où l’imperfection est devenue illégale. 

Le monde de Gattaca n’est pas une dystopie spectaculaire, mais un cauchemar doux, feutré, où l’on sélectionne les enfants avant leur naissance pour en faire des êtres « valides », optimisés, sans maladies ni faiblesses, sans surprises non plus. Les autres, les enfants dits « naturels », sont cantonnés aux basses fonctions, relégués aux marges d’une société qui cache sa violence derrière des mots technocratiques. Cette société eugéniste, organisée selon la perfection biologique, crée une nouvelle forme de ségrégation : la discrimination génétique. 

C’est dans ce cadre que l’on suit l’histoire de Vincent Freeman (Ethan Hawke), un « enfant de l’amour », né sans manipulation génétique, et donc condamné à ne jamais atteindre son rêve : partir dans l’espace. Dès sa naissance, son avenir a été scellé par un test sanguin : myopie, prédisposition cardiaque, espérance de vie limitée. Il sera un homme de ménage, pas un cosmonaute. Mais Vincent est tenace, prêt à tout pour franchir cette barrière invisible, quitte à devenir un autre. Grâce à une transaction clandestine, il endosse l’identité de Jerôme Morrow (Jude Law), un ancien champion de natation génétiquement parfait mais aujourd’hui paralysé après une tentative de suicide. Tandis que Jerôme lui fournit urine, sang et cheveux pour tromper les tests omniprésents de la société Gattaca (nom de l’agence spatiale), Vincent prend sa place dans le système, jusqu’au moment fatidique : son départ programmé pour Titan. 

La tension monte lorsqu’un meurtre survient dans les locaux de Gattaca. Une enquête s’ouvre, mettant en péril l’imposture de Vincent. C’est là que le film tisse habilement une intrigue policière sous-jacente, tout en maintenant son propos principal : la résistance de l’individu face à une société qui prétend le connaître mieux qu’il ne se connaît lui-même. Le hasard, l’effort, l’ambition personnelle – tout ce qui fait la singularité humaine – n’a plus sa place dans ce monde. Et pourtant, c’est cela qui permet à Vincent d’y survivre. 

La relation entre Vincent et Jerôme est l’un des cœurs battants du film : deux hommes que tout oppose, mais qui se rencontrent dans l’échec et la solitude. L’un rêve, l’autre regrette. L’un monte, l’autre chute. L’échange de leurs identités n’est pas seulement physique, c’est un pacte tragique, une forme de solidarité entre êtres humains brisés. Jude Law, dans un rôle secondaire mais bouleversant, incarne Jerôme avec une ironie et une élégance qui illuminent chaque scène. Ethan Hawke, tout en sobriété, exprime la rage froide de celui qui refuse sa place assignée. Et Uma Thurman, en collègue fascinée puis amoureuse, complète ce trio avec un mélange de distance et de trouble, à la fois attirée et dérangée par cet homme qui ne devrait pas être là. 

Ce qui frappe aussi, c’est la mise en scène : sobre, épurée, toute en lignes droites, en couleurs froides, en surfaces vitrées qui reflètent le vide. On sent l’influence de l’architecture moderniste, des films de Tarkovski ou Kubrick, mais sans imiter : Andrew Niccol crée un style à lui, élégant, stylisé sans être artificiel. Les effets spéciaux sont rares mais précis, discrets, parfaitement intégrés dans ce monde presque déjà là. La science-fiction n’est pas ici une fantaisie, mais un miroir tendu à notre présent. Car si le film date de 1997, il n’a rien perdu de sa brûlante actualité, à l’heure des tests ADN grand public, du tri embryonnaire et des débats bioéthiques. 

La musique, signée Michael Nyman, est une pure merveille : minimaliste, répétitive, lyrique. Elle épouse parfaitement la trajectoire de Vincent, sa mélancolie, son obstination. Certaines séquences, portées par ces notes simples et poignantes, touchent au sublime – notamment la scène finale, d’une beauté à couper le souffle. 

Bienvenue à Gattaca est un bijou rare : un film de science-fiction émouvant, politique, poétique, qui ne cède jamais à la facilité. Il nous interroge sur ce que signifie être humain. Sur la valeur de l’imperfection. Sur le droit de rêver. Un monde parfait est-il encore un monde humain ? Ce film répond sans hausser le ton, mais en plantant une graine durable dans l’esprit du spectateur. 

À voir. À revoir. Et à méditer. 

NOTE : 15.80

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

 

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