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lundi 16 juin 2025

9.50 - MON AVIS SUR LE FILM PIEGE DAVID YAROVESKY (2025)


 Vu le film Piégé de David Yarovesky (2025) avec Bill Skarsgård, Anthony Hopkins 

Un voleur s'introduit dans une voiture de luxe et se retrouve piégé à l'intérieur. Il découvre que son énigmatique propriétaire en a le contrôle total et qu'il va exercer sur lui une vengeance diabolique. 

Piégé (Trap) de David Yarovesky, remake américain du film argentin 4x4 (2019) de Mariano Cohn, est un huis clos psychologique qui voulait jouer la carte de l’ambiguïté morale et du thriller social, mais se prend un peu les pieds dans ses intentions. Là où l’original parvenait à maintenir une tension presque constante dans l’espace réduit d’un véhicule, cette version hollywoodienne mise davantage sur les effets de contraste – et finit par s’éloigner de l’épure qui faisait la force du film argentin. 

L’histoire est simple, tendue, mais prometteuse : un jeune marginal, Tom (Bill Skarsgård), s’introduit dans une voiture de luxe pour y voler quelques effets. Le véhicule se referme automatiquement, piégeant l’homme à l’intérieur. Commence alors un jeu cruel entre le voleur et le propriétaire du véhicule, un certain Dr. Adler (Anthony Hopkins), chirurgien de renom, qui observe et manipule son prisonnier à distance. Ce dernier semble vouloir faire de Tom un exemple, ou une expérience. Mais pourquoi ? Et jusqu’où ira-t-il ? Ce huis clos mécanique se transforme vite en confrontation idéologique et morale entre deux hommes que tout oppose. 

D’emblée, le film peine à justifier son changement d’échelle. En ajoutant des éléments de flash-back, des dialogues explicatifs, un soupçon de pathos familial (la mort de la fille du docteur), et surtout la présence de Anthony Hopkins, il perd en simplicité ce qu’il espère gagner en prestige. Le choix de placer Hopkins en tête d’affiche – alors qu’il n’apparaît à l’image qu’après près d’une heure – relève presque de la publicité mensongère, surtout pour le spectateur VF qui ne profite même pas de la voix caverneuse et hypnotique du comédien. Certes, son jeu est sobre, plein de retenue amère, mais le rôle manque de consistance et d’enjeu réel. Il incarne un médecin riche, blessé, devenu juge et bourreau, mais tout cela reste à la surface. 

À l’opposé, Bill Skarsgård est convaincant, souvent même touchant, dans le rôle du pauvre type largué par la vie. Son personnage est construit comme un stéréotype inversé du voleur à la petite semaine : ancien père de famille, un peu paumé, vivant d’aides sociales, sans violence réelle, mais accusé implicitement de profiter du système. Le film tente un jeu de miroir entre lui et Hopkins, entre le voleur pauvre mais humain et le riche propriétaire devenu monstre sous l’effet de la souffrance. Malheureusement, cette idée, bien que prometteuse, reste peu approfondie. 

On sent bien que Yarovesky essaie de livrer plus qu’un simple thriller : il glisse vers une fable sociale, parfois maladroite, où la justice individuelle prend le pas sur les institutions. Le film pose alors une question : jusqu’où peut-on aller pour venger la mort d’un être aimé ? Et qui a vraiment le droit de juger ? Mais à force de souligner les oppositions – le riche vs le pauvre, l’assisté irresponsable vs le méritant amer, le gentil vs le malade devenu méchant – le film finit par simplifier son propos. Là où 4x4 laissait planer l’ambiguïté (le propriétaire était-il fou ? ou seulement extrémiste ?), Piégés choisit une voie plus explicative, presque moralisatrice. 

La mise en scène, efficace mais parfois démonstrative, insiste sur la claustrophobie. Le véhicule devient un théâtre, presque une cellule de laboratoire. Les jeux de lumière, les angles serrés, les variations de son – tout concourt à créer une atmosphère anxiogène, mais le rythme s’effondre par moments, en partie à cause des allers-retours narratifs et des digressions inutiles. Le suspense retombe alors qu’il devrait monter. 

Ce qui devait être une confrontation brutale, tendue et organique entre deux hommes devient un duel théorique, un peu figé, parasité par des ajouts scénaristiques sans réel impact. Le film veut faire réfléchir, mais sans y mettre la subtilité nécessaire. Au final, le spectateur perçoit la matière – les idées de classe, de vengeance, de responsabilité sociale – mais ne sent jamais que le film ose en tirer pleinement parti. Tout reste sage, convenu, presque poli. 

Reste une expérience de visionnage intrigante, portée par un Bill Skarsgård habité, qui sauve en grande partie le film de l’oubli. Mais pour ceux qui ont vu 4x4, l’impression est tenace : ce remake a grossi le cadre sans en comprendre le nerf. Le huis clos devient discours, et le piège du titre s’applique finalement au film lui-même : pris dans ses ambitions, il n’en ressort pas indemne. 

NOTE : 9.50

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : David Yarovesky
  • Scénario : Michael Arlen Ross, d'après le scénario du 4x4 écrit par Mariano Cohn et Gastón Duprat
  • Musique : Tim Williams
  • Décors : Grant Armstrong
  • Costumes : Autumn Steed
  • Photographie : Michael Dallatorre
  • Montage : Andrew Buckland et Peter Gvozdas
  • Production : Zainab Azizi , Petr Jákl, Ara Keshishian, Sean Patrick O'Reilly et Sam Raimi
Producteurs délégués : Martin J. Barab, Mariano Cohn et Gastón Duprat, Marty Gillespie, Eric Gold, Tyler Gould, Daniel Govia, Warren Goz, Samuel Hall, Paul W. Hazen, Matthew Helderman, David Kopple, Majd Nassif, Eric Rebalkin, Michael Rothstein, Divya Shahani et Luke Taylor

DISTRIBUTION

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