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vendredi 13 juin 2025

16.10 - MON AVIS SUR LE FILM LE VILLAGE DES DAMNES DE WOLF RILLA (1961)


 Vu le film Le Village des Damnés de Wolf Rilla (1961) avec George Sanders Barbara Shelley Laurence Naismith Martin Stephens Michael Gwynn Richard Warner Sarah Long Peter Vaughan Charlotte Mitchell 

Le village de Midwich en Angleterre est le théâtre d'un phénomène mystérieux : habitants et animaux tombent soudain inconscients, comme tous les militaires qui cherchent à y pénétrer bien qu'équipés de masques à gaz. Lorsque la population se réveille trois heures plus tard, aucune enquête des autorités ne trouve d'explication au phénomène. Mais quelques mois plus tard, les femmes du village en âge d'enfanter se retrouvent inexplicablement enceintes. 

Dans le paisible village anglais de Midwich, tout bascule un jour d'automne : une force invisible plonge tous les habitants – hommes, femmes, enfants… et même les animaux – dans une mystérieuse inconscience. La zone est comme coupée du monde. Quelques heures plus tard, tous se réveillent, indemnes, mais sans souvenir. Peu après, toutes les femmes en âge de procréer se découvrent enceintes. Neuf mois plus tard, elles donnent naissance à des enfants blonds, pâles, calmes… mais étrangement semblables. Ce sont des garçons et des filles dotés de capacités mentales anormales : télépathie, intelligence supérieure, et surtout, un contrôle mental implacable. 

Le professeur Gordon Zellaby (incarné avec subtilité par George Sanders), un scientifique local, est le père « adoptif » de l’un de ces enfants. D’abord fasciné, il comprend vite qu’il s’agit d’une menace. Ces enfants, unis en esprit, évoluent comme une seule entité. Leur comportement glacial et leur regard perçant, presque inhumain, inspirent une peur instinctive. Sont-ils humains ? Résultat d’une mutation ? Infiltration extraterrestre ? Ou manifestation d’un pouvoir surnaturel, tapi dans les failles de la société ? 

La mise en scène, d’une grande sobriété, accentue la terreur. Wolff Rilla ne cherche pas l’effet, il installe. Par petites touches, il distille le malaise, dans ce décor de campagne anglaise que la photographie transforme en paysage mental : étouffant, étrangement figé. La tension est sans relâche, mais feutrée, presque « britannique ». Les enfants – dont la chevelure d’un blond spectral semble concentrer toute la lumière du film – incarnent une angoisse collective, celle d’un avenir incontrôlable, d’une génération qui échappe à ses géniteurs. 

À la frontière de la science-fiction et du conte moral, Le Village des Damnés s’apparente à un épisode étendu de La Quatrième Dimension. Ce n’est pas tant un film sur des envahisseurs que sur l’altérité radicale : ces enfants ne sont pas seulement d’autres, ils sont au-delà de l’humain, sans émotions, sans hésitation morale. Ils incarnent un monde logique, programmé, où l’humanité n’a plus sa place. 

Et c’est là toute la réussite du film : avec un budget modeste, une réalisation discrète, peu d’effets, il construit une atmosphère terrifiante. Le malaise vient du silence, des regards, de l’ambiguïté de la menace. Un seul froncement de sourcil de ces enfants suffit à faire basculer la scène dans l’horreur. Le regard est l’arme, et aussi le miroir tendu au spectateur. 

George Sanders, impérial en patriarche sceptique mais lucide, est accompagné de Barbara Shelley, tout en retenue, et du savoureux Laurence Naismith. Un casting digne d’un thriller d’Hitchcock, où la bienséance britannique est peu à peu rattrapée par une peur atavique : celle de perdre le contrôle sur l’avenir, sur la descendance, sur ce que la science elle-même n’explique plus. 

La dernière partie du film pose une question vertigineuse : ce phénomène est-il isolé ? Un cas unique ? Pas du tout. D'autres villages, ailleurs dans le monde, ont été touchés… et certains enfants ont survécu. Le film laisse cette ouverture angoissante, sans réponse, comme un écho aux peurs de la guerre froide, aux expérimentations secrètes, aux mutations possibles du vivant. 

 

Le Village des Damnés est un chef-d’œuvre d’économie narrative et de terreur intellectuelle. À la fois film d’anticipation, fable philosophique et drame psychologique, il utilise l’apparente banalité du quotidien pour mieux en révéler la faille. C’est un film dont on se souvient longtemps… parfois en cauchemars. 

NOTE : 16.10

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