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mercredi 25 juin 2025

9.30 - MON AVIS SUR LE FILM DIS MOI JUSTE QUE TU M'AIMES DE ANNE LE NY

 


Vu le film Dis Moi Juste que tu m’aimes de Anne Le Ny (2024) avec Omar Sy Elodie Bouchez Vanessa Paradis José Garcia Marie Ayissi Sopghie Ricci  

Au bout de quinze ans de mariage, une crise met à l'épreuve l'union de Julien et Marie. Dans le couple, cette dernière a toujours été celle qui aimait le plus, aussi, au moment où Anaëlle, le grand amour de jeunesse de son mari Julien, réapparait dans le paysage, Marie panique. Perdue dans une spirale infernale de jalousie et d'autodépréciation, Marie se laisse entraîner dans une aventure avec Thomas, son nouveau supérieur hiérarchique. Celui-ci va se révéler aussi manipulateur que dangereux. 

Anne Le Ny est une réalisatrice que l’on suit avec une certaine fidélité, souvent capable de capter les tensions intimes avec justesse (Les Invités de mon père, La Monnaie de leur pièce), maniant avec doigté les registres entre drame feutré et comédie sociale. C’est dire la déception que représente Dis-moi juste que tu m’aimes, un film à la fois boursouflé, mal fagoté et psychologiquement inconsistants, à mille lieues de ce que la cinéaste a pu proposer par le passé. 

Sur le papier déjà, le projet inquiétait : un titre évocateur de roman de gare, un casting clinquant censé attirer les foules, et un postulat digne d’un mauvais épisode de série sentimentale. L’histoire est celle de Marie (Élodie Bouchez), épouse apparemment comblée de Victor (Omar Sy), un ingénieur solaire avenant et attentif. Mais voilà que surgit, comme une ombre sortie du passé, Anna (Vanessa Paradis), premier amour de Victor, disparue de sa vie depuis vingt ans. La peur d’une résurgence amoureuse ravive les angoisses de Marie, qui, au lieu de parler, se jette sans transition dans les bras de son supérieur hiérarchique, Alexandre (José Garcia), un homme trouble, manipulateur, et surtout déjà amoureux d’elle depuis longtemps. À partir de là, le film hésite entre vaudeville toxique, drame psychologique et thriller sentimental… sans jamais embrasser aucune de ces voies avec cohérence. 

Le problème fondamental du film tient dans son écriture, que signe seule Anne Le Ny. À vouloir tout faire reposer sur un enchaînement de décisions absurdes, le scénario finit par s’effondrer. Les comportements des personnages sont aussi incompréhensibles que mal motivés : rien ne nous prépare au basculement de Marie dans une liaison extraconjugale, si ce n’est un soupçon, une crainte vaguement évoquée. On voudrait croire à une tragédie intérieure, à une spirale du doute et du manque, mais tout sonne faux. Les dialogues, souvent pesants ou théâtraux, semblent écrits pour des intentions que les comédiens peinent à incarner. 

Et c’est là que le bât blesse : côté casting, l’édifice chancelle très vite. José Garcia, en manipulateur à la limite du psychopathe, rejoue avec application une partition qu’il a déjà exploitée mille fois, dans Le Couperet comme dans La Boîte noire. Son jeu, plein d’effets de sourcils froncés et de silences pesants, n’a aucune subtilité. Omar Sy, quant à lui, reste fidèle à lui-même : chaleureux, affable, mais toujours dans la même gamme émotionnelle. On ne lui demande pas ici de faire rire, mais il ne parvient pas non plus à exprimer le trouble, le doute, ni la passion perdue. Son personnage devient un simple prétexte narratif, creux, sans enjeux. 

Vanessa Paradis, pourtant centrale dans la mécanique du récit, est quant à elle sous-employée. Présente par petites touches, élégante comme toujours, elle n’a guère d’espace pour nuancer son rôle, réduit à une sorte de projection fantasmatique de ce que fut un amour de jeunesse. On ne sait rien d’Anna, sinon qu’elle revient sans crier gare, provoquant un cataclysme sans logique ni profondeur. À l’inverse, Élodie Bouchez, seule à réellement tirer son épingle du jeu, porte le film sur ses épaules. Elle insuffle à Marie une nervosité palpable, une sincérité dans le désarroi, une tension physique qui, à plusieurs reprises, évite au film de sombrer dans le ridicule. Elle joue les failles, la confusion intérieure, les désirs contrariés avec un vrai engagement. 

Malheureusement, une performance ne fait pas un film. Et Dis-moi juste que tu m’aimes finit par ressembler à ce que le cinéma français offre parfois de plus indigeste : une "production de qualité", très bien photographiée, avec une direction artistique soignée, mais fondamentalement vide. La tentative de thriller sentimental tombe à plat, car rien ne tient debout : ni les ressorts dramatiques, ni les enjeux relationnels, ni les motivations des personnages. La mécanique de la jalousie et de la manipulation est désamorcée par l’absurdité de la situation de départ. 

Même les thématiques sous-jacentes — la peur de vieillir, la résurgence du passé, le vertige de la fidélité — auraient pu être passionnantes, si elles n’avaient pas été traitées à coup de surlignage scénaristique et de rebondissements mécaniques. On sent par moments ce que Le Ny voudrait dire : les décisions irrationnelles d’une femme qui sent sa vie lui échapper. Mais à l’écran, cela devient un enchaînement d’actes absurdes, privés de chair et d’âme. 

Dis-moi juste que tu m’aimes est un film qui échoue à tous les niveaux : une histoire invraisemblable, des personnages figés, des acteurs mal dirigés (à l’exception d’une Élodie Bouchez admirable), et un ton flottant entre drame sentimental et thriller de pacotille. Un produit formaté, léché mais creux, symptomatique d’un certain cinéma français à gros budget qui confond densité émotionnelle et gesticulation narrative. Un film dont on sort lessivé, agacé, parfois gêné pour ses interprètes. Un rendez-vous manqué. 

NOTE : 9.30

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation et scénario : Anne Le Ny
  • Musique : Benjamin Esdraffo
  • Décors : Samuel Deshors
  • Costumes : Camille Rabineau
  • Photographie : Laurent Dailland
  • Son : Logan Lelièvre et Frédéric de Ravignan
  • Montage : Virginie Bruant
  • Production : Bruno Levy
    • Production déléguée : Sylvie Peyre
  • Sociétés de production : Move Movie, en co-production avec La Compagnie Cinématographique, France 2 Cinéma, Korkoro, Panache Productions et SND
  • Sociétés de distribution : SND (France) ; Frenetic Films (Suisse romande), Megarama Distribution (Maroc), Vertigo Films Distribution (Belgique)

DISTRIBUTION

 

 

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