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lundi 23 juin 2025

16.20 - MON AVIS SUR LE FILM LE FUGITIF DE ANDREW DAVIS (1993)

 


Vu le film Le Fugitif de Andrew Davis (1993) avec Harrison Ford Tommy Lee Jones Sela Ward Joe Pantoliano Julianne Moore Andreas Katsulas Jane Lynch Drue Ann Anderson 

Le chirurgien David Kimble mène une vie paisible jusqu'au jour où il retrouve son épouse avec le crâne fracassé et est accusé du meurtre. Pour rétablir la vérité, il doit d'abord s'évader et reprendre l'enquête de zéro, avec toute la police à ses trousses. 

Adapté de la célèbre série télévisée des années 60, Le Fugitif est l’un des très rares exemples d’une transposition réussie du petit au grand écran. La série originelle, diffusée entre 1963 et 1967, mettait en scène le docteur Richard Kimble, accusé à tort du meurtre de sa femme, qui échappait à la police pour traquer le vrai coupable : un mystérieux manchot. Le final de la série, suivi par des millions d’Américains, est resté un moment culte de l’histoire télévisuelle. Autant dire que le passage au cinéma, près de 30 ans plus tard, constituait un défi d’ampleur — mais que le réalisateur Andrew Davis relève avec une intelligence et une efficacité remarquables. 

L’histoire du film reprend les grandes lignes de la série, en les modernisant avec brio : Richard Kimble, éminent chirurgien de Chicago, rentre un soir pour trouver sa femme assassinée. Condamné malgré ses protestations d’innocence, il s’échappe fortuitement lors d’un spectaculaire accident de train. Dès lors, traqué sans relâche par un marshal fédéral inflexible, Samuel Gerard, Kimble plonge dans une cavale haletante où il tente de retrouver le véritable assassin et de faire éclater la vérité. Le film réussit à conjuguer l’énergie du polar classique avec une tension presque constante : chaque scène semble contenir un enjeu, chaque décor urbain ou industriel devient un théâtre de suspense. 

Ce qui frappe, c’est la capacité de Davis à conserver l’ADN de la série tout en donnant un souffle neuf à l’intrigue. On y retrouve cette dualité centrale entre le fugitif moralement intègre et l’homme de loi implacable, mais le film y ajoute un sens du rythme et une maîtrise du montage qui empêchent tout relâchement. C’est une mécanique presque Hitchcockienne, où chaque minute compte, où la tension est tendue comme un fil, sans jamais paraître artificielle. 

La réussite du film repose aussi, pour beaucoup, sur son duo d’acteurs magistral. Harrison Ford, impeccable en médecin tourmenté, donne à Kimble une gravité silencieuse, une intensité d’homme traqué mais digne, qui n’a rien à prouver si ce n’est son innocence. À ses trousses, Tommy Lee Jones campe le marshal Gerard avec une pugnacité glaciale : rigide, concentré, inébranlable, il incarne la loi dans ce qu’elle a de plus mécanique et absolue. Et pourtant, le film lui donne aussi une profondeur inattendue. Loin du cliché du flic borné, Gerard évolue subtilement : confronté à un suspect qui n’a rien du criminel ordinaire, il devient malgré lui une figure ambivalente. Tommy Lee Jones mérite amplement l’Oscar du meilleur second rôle qu’il a remporté pour ce personnage inoubliable. 

Ce jeu du chat et de la souris se double d’une intrigue secondaire à coloration politique, autour d’un scandale pharmaceutique — clin d’œil au goût des années 90 pour les thrillers conspiratoires à la The Firm ou Presumed Innocent. Cela ajoute au film une couche de réalisme social, sans jamais alourdir la trame principale. L’action reste le moteur, mais elle est toujours justifiée par l’enquête ou l’urgence narrative : une poursuite dans un tunnel, une infiltration dans un hôpital, une confrontation dans une conférence médicale — chaque scène a son efficacité, chaque séquence alimente la tension croissante. 

On étouffe de plaisir, en effet. Et c’est là que réside peut-être la plus grande force du film : il ne nous lâche jamais. Que l’on ait connu ou non la série originale, peu importe. On entre dans Le Fugitif comme dans une course contre la montre, sans répit, sans pause, mais avec une jubilation de spectateur. La mise en scène d’Andrew Davis est précise, nerveuse mais lisible, et ses choix de décors — notamment cette ville de Chicago grise et granitique — ajoutent une authenticité urbaine qui ancre le récit dans un monde tangible, presque documentaire. 

Si le film est aujourd’hui encore cité comme l’un des meilleurs thrillers des années 90, c’est qu’il synthétise plusieurs qualités rarement réunies : une intrigue solide, une adaptation fidèle mais moderne, un tandem d’acteurs au sommet, un rythme millimétré et une réalisation qui privilégie l’efficacité sans sacrifier la subtilité. C’est aussi une œuvre qui parle de justice, de morale et de la place de l’individu face à une machine judiciaire aveugle — des thèmes toujours d’actualité. 

Le Fugitif n’est pas seulement un excellent film d’action ou une adaptation réussie d’un classique de la télévision : c’est un modèle de thriller hollywoodien, tendu et intelligent, qui mérite amplement sa place dans la mémoire collective. Que l’on ait ou non connu les discussions de cour d’école à propos du "docteur Kimble" et du manchot, ce film agit comme un classique instantané, au croisement du cinéma populaire et de la grande narration. 

NOTE : 16.20

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

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