Vu le film Maria de Pablo Larrain (2024) avec Angelina Jolie Halik Bildiner Alba Rohrwacher Pierfrancesco Savino Valéria Golino Suzie Kennedy Aggelina Papadopoulou Caspar Philipson Kodit Smlith-McPhee Vincent Macaigne Lyes Salem
La soprano américano-grecque Maria Callas se retire à Paris après une vie glamour et tumultueuse aux yeux du public. Dans ses derniers jours, la diva s'interroge sur son identité et sa vie.
Maria de Pablo Larraín n’est pas un biopic dans le sens académique du terme. Il est plutôt une élégie, un long adieu à une femme qui fut plus qu'une voix, plus qu'une diva : une présence. Le film s'ouvre sur le silence d’un appartement parisien et se referme sur une forme de méditation funèbre, celle d’une femme recluse dans ses souvenirs, dans la fragilité de son corps et la perfection de sa voix. C’est un film qu’on regarde, certes, mais surtout qu’on écoute.
Il y a des films qu’on suit les yeux grands ouverts, happés par les décors, les costumes, les visages. Et puis il y a ceux qui nous invitent à fermer les yeux. Pas d’ennui ici, mais une forme de recueillement : face à cette voix – celle, intacte, de Maria Callas –, on se surprend à ne plus voir, à seulement entendre. Comme si le cinéma faisait place à la radio de nos âmes. Larraín joue de cette ambivalence avec une douceur parfois frustrante. Il ne filme pas la tragédie tonitruante d’une vie, mais ses silences, ses interstices. Il nous montre Maria Callas retirée du monde, abîmée par la solitude, la vieillesse prématurée, la mémoire d’un amour trahi. Il ne montre pas la passion avec Onassis, il la laisse peser, absente comme un fantôme qu’on n’a jamais réussi à faire partir.
On sent Larraín fasciné, une fois encore, par une femme forte mais vacillante – après Jackie et Spencer, Maria s’inscrit dans une trilogie de femmes publiques en proie à une intimité douloureuse. Mais là où ses précédents films jouaient sur la tension permanente, celui-ci semble presque sage. On attend un cri, une colère, un débordement. Il n’arrive jamais. Larrain semble hypnotisé par sa muse, Angelina Jolie, qu’il filme comme une apparition : visages sculptés par la lumière, robes sublimes, présence spectrale. Jolie trouve ici un rôle en or : elle ne chante pas, elle respire Callas, elle la mime avec une précision qui frôle parfois l’abstraction. Ce n’est pas une performance à Oscar, c’est une performance à écouter.
Ce paradoxe est au cœur du film : Maria est fait pour ceux qui écoutent. Ceux qui connaissent Callas ou qui, même sans aimer l’opéra, sont touchés par cette voix qui dépasse les mots. Vous qui n’êtes pas amateur de musique classique, vous avez pourtant été emporté – non pas par la technicité, mais par l’émotion pure de cette voix, cette voix que Maria jugeait parfaite, quand bien même elle se sentait, elle, profondément imparfaite. C’est là que réside la beauté du film. Dans ce contraste entre une musique qui s’élève et un être qui se délite.
Le récit, lui, reste ténu : nous sommes à Paris, dans les dernières années de la diva. Elle vit seule, s’inquiète de sa santé, prend des médicaments contre l’avis de ses médecins. Son entourage s’interroge, mais Larraín ne cherche pas à construire une tension dramatique. Il préfère la lenteur, la contemplation. Certains y verront un manque d’épaisseur, d’autres – comme vous – une forme d’hommage indirect. Un écrin fait de lumière, de beauté, et de vide.
Certes, le film survole des aspects cruciaux : la relation avec Onassis est à peine esquissée, les conflits artistiques ou intimes sont dilués. Mais cela semble volontaire. Larraín ne cherche pas à tout raconter. Il veut capter une atmosphère, un état d’âme, une fin. Il filme Maria Callas non pas comme un personnage, mais comme une icône en voie de disparition. Un être dont la voix continue de vivre alors que tout, autour, s’efface.
Il y a donc, dans Maria, quelque chose d’imparfait, d’incomplet. Mais peut-être est-ce le seul moyen d’approcher un mythe. La musique – les airs d’opéra qu’on croyait connaître – se révèlent à nouveau puissants, car ici débarrassés de toute mise en scène spectaculaire. Ils accompagnent la solitude, l’attente, la fin.
On reconnaître les excellents Pierfrancesco Savin, Kodit Smlith-McPhee et notre excellent Vincent Macaigne
Et c’est en cela que le film peut toucher même ceux qui ne sont pas familiers du genre. quand la musique se mêle aux images, elle devient cinéma. Et quand le cinéma ose se taire pour laisser la musique parler, il touche parfois au sacré.
NOTE ; 13.90
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Pablo Larraín
- Scénario : Steven Knight
- Musique : n/a
- Direction artistique : Attila Illés
- Décors : n/a
- Costumes : Massimo Cantini Parrini
- Photographie : Edward Lachman
- Montage : n/a
- Production : Jonas Dornbach, Juan de Dios Larraín et Lorenzo Mieli
- Producteur délégué : Miki Emmrich
- Sociétés de production : Apartment Pictures, Fabula Pictures, Fremantle Media Company et Komplizen Film
DISTRIBUTION
- Angelina Jolie : Maria Callas
- Aggelina Papadopoulou : Maria Callas jeune
- Valeria Golino : Yakinthi Callas
- Haluk Bilginer : Aristote Onassis
- Alba Rohrwacher : Bruna Lupoli
- Pierfrancesco Favino : Ferruccio Mezzadri
- Kodi Smit-McPhee : Mandrax
- Alessandro Bressanello : Giovanni Battista Meneghini
- Caspar Phillipson : John Fitzgerald Kennedy
- Vincent Macaigne : docteur Fontainebleau
- Lydía Koniórdou : Lista Callas, mère de Maria et Yakinthi
- Stephen Ashfield : Jeffrey Tate

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