Vu le film Le Fils de Géronimo de Georges Marshall (1952) avec Charlton Heston Susan Morrow Peter Hansen Joan Taylor Richard Robert Donald Porter Ted de Corsia Ian McDonald Milburn Stone
Quelques années après la fin de la guerre de Sécession.
Un convoi en route vers l'Ouest traversant le territoire Sioux est attaqué par un groupe de Crows. Le convoi est massacré et seul le jeune Jim Ahern survit. Il est recueilli et élevé chez les Sioux, auprès du chef Geronimo qui le considère comme son fils. Mais la guerre contre les Blancs approche et, lors d'un conseil, Jim dit Cœur vaillant est envoyé au fort pour espionner les soldats. Cœur vaillant va devoir choisir entre son peuple d'origine et son peuple d'adoption.
"Quand l’Apache croise le Sioux, c’est Hollywood qui perd le nord."
Ce qu’on appelle un "western de studio", Le Fils de Géronimo est l’un de ces films produits à la chaîne dans les années 1950, avec budget raisonnable, grands espaces, cavaliers en pagaille et des tonnes de plumes. Mais ici, le cheval boit la tasse dès la première scène. On ne croit à rien. Ni aux personnages, ni au récit, ni même aux paysages.
L’histoire ? Disons plutôt le prétexte : un jeune blanc adopté par des Indiens (Charlton Heston grimé de manière discutable) grandit parmi eux et, devenu adulte, se retrouve pris entre deux mondes. Il devra choisir entre loyauté envers son peuple d’adoption ou soumission aux autorités américaines — un dilemme mille fois vu et, ici, traité sans la moindre subtilité. Pour pimenter le tout, Hollywood plaque Géronimo sur l’affiche, comme s’il s’agissait d’un gage d’authenticité ou d’exotisme guerrier.
Mais Géronimo, dans ce film, n’est qu’un leurre : les Indiens représentés sont des Sioux, les décors sont ceux des Black Hills (territoire traditionnel sioux), et l’on s’éloigne de plusieurs milliers de kilomètres et de toute cohérence historique. Confondre Apaches et Sioux est une faute majeure — c’est comme faire se croiser un samouraï et un mousquetaire à la cour de Louis XIV. L'invention d’un "fils de Géronimo" sorti de nulle part, sans ancrage ni vérité, achève de réduire ce western au rang de folklore en carton.
Le scénario n’a ni souffle ni colonne vertébrale. Tout semble écrit à la va-vite, sur un coin de bureau de producteur pressé. Les dialogues sont souvent risibles, les motivations des personnages incohérentes, les tensions artificielles. On n’échappe pas à la traditionnelle rivalité amoureuse entre deux femmes sans caractère, reléguées ici au rang de décors humains. L’une est une belle Indienne muette de l’intérieur, l’autre une bourgeoise compréhensive — et toutes deux parfaitement interchangeables tant elles sont mal écrites.
Charlton Heston, pourtant capable de magnétisme et d’intensité dans d’autres rôles (on pense à Ben-Hur ou Les Dix Commandements), semble perdu ici. Jamais crédible en "blanc élevé par les Indiens", il cabotine, prend des poses, surjoue ou ne joue pas. Son regard est vide, son jeu mécanique. Rarement aura-t-on vu Heston aussi mal dirigé. Peut-être sentait-il, lui aussi, le projet sans direction, ni conviction.
George Marshall n’est pas un tâcheron, loin de là. Il a signé quelques solides classiques du western (La Vallée de la poudre, La Vallée du soleil), et une belle carrière dans plusieurs genres. Mais ici, il semble à bout de souffle ou, plus probablement, prisonnier d’un cahier des charges absurde. On imagine sans peine une production qui impose une histoire "indienne" taillée pour les programmes du samedi soir, sans se soucier de logique ou de respect culturel.
Côté mise en scène, rien de notable : quelques plans larges corrects, beaucoup de scènes statiques, de costumes propres mais trop neufs pour être vrais, et des batailles filmées sans énergie. Même le dépaysement ne fonctionne pas : tout sent le studio, la poussière artificielle et le cheval bien nourri. On regarde tout cela sans émotion, sans tension, sans le moindre émerveillement.
Le seul à tirer un vague sourire est un militaire moustachu au second plan, qui semble avoir un peu plus de chair et de fantaisie que le reste du casting. Mais cela ne suffit pas à relever un film qui navigue entre ignorance et désintérêt.
En fin de compte, Le Fils de Géronimo est un western d’exploitation qui trahit autant l’histoire amérindienne que le genre auquel il appartient. Il accumule les clichés, mélange les peuples sans discernement, donne dans le spectacle paresseux et l’exotisme de bazar. Un film qui aurait dû rester dans les tiroirs des studios, ou au mieux sur une affiche de cinéma de quartier, entre deux westerns oubliables.
NOTE : 8.70
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : George Marshall
- Scénario : Sydney Boehm d'après le roman " The Renegade " de L.L. Foreman
- Musique : Paul Sawtell
- Directeur de la photographie : John F. Steiz
- Décors : Sam Comer et Ray Moyer
- Direction artistique : William Flannerry et Hal Pereira
- Maquillage : Wally Westmore
- Costumes : Édith Head
- Montage : Arthur P.Smidt
- Produit par Mel Epstein pour Paramount
- Charlton Heston (VF : Jean Davy) : Jim Ahern, Cœur Vaillant
- Susan Morrow (VF : Jane Val) : Thérèse Hathersall
- Peter Hansen (VF : Roger Rudel) : lieutenant Weston Hathersall
- Joan Taylor (VF : Thérèse Rigaut) : Luta
- Richard Rober (VF : Richard Francœur) : capitaine Vaughant
- Donald Porter (VF : Claude Bertrand) : Running dog, Chien courant
- Ted de Corsia (VF : Marcel Raine) : Iron breast, Aigle blanc
- Ian MacDonald (VF : Pierre Morin) : Yellow Eagle, Geronimo
- Milburn Stone (VF : Robert Dalban) : caporal Martin
- Angela Clarke (VF : Marie Francey) : Pehangi
- Howard Negley (VF : Christian Argentin) : colonel Robert Ellis
- John Miljan (VF : Abel Jacquin) : White thunder, flèche ardente
- Ben Black elk sr. (VF : Jean Clarieux) : chef crow
- David Miller (VF : Maurice Dorléac) : Stanley
- Michael Tolan : Long Mane, longue main
- Orley Lindgren : Jim enfant
- Acteurs non crédités
- Iron Eyes Cody : un guerrier
- Jim Hayward : un docteur
et les voix de :
- Raymond Loyer : Ours brun
- Lucien Bryonne : officier au bal

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