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jeudi 26 juin 2025

16.90 - MON AVIS SUR LE FILM WEST SIDE STORY DE STEVEN SPIELBERG (2021)

 


Vu le film West Side Story de Steven Spielberg (2021) avec Ariana de Bose Rachel Zegler Mike Faist Rita Moreno Ansel Elgort Maddie Ziegler Josh Andres Rivera David Alvarez Kyle Allen Patrick Higgins Ben Cook 


Le coup de foudre frappe le jeune Tony lorsqu'il aperçoit Maria lors d'un bal en 1957 à New York. Leur romance naissante contribue à alimenter la guerre entre les Jets et les Sharks, deux gangs rivaux se disputant le contrôle des rues. 

Je fais partie de ces amoureux de la version originelle de West Side Story (1961) — celle de Robert Wise et Jerôme Robbins — qui abordait le remake de Spielberg avec crainte, presque comme une profanation. Et pourtant, West Side Story (2021), signé Spielberg, parvient à relever un défi de taille : rendre hommage sans répéter, moderniser sans trahir, illuminer sans altérer le drame. Le film est moins une relecture qu’une régénération. 

L’histoire, fidèle à la trame de Roméo et Juliette, oppose deux clans dans le New York des années 1950 : les Jets (gang blanc) et les Sharks (Portoricains). Sur ce fond de haine raciale et de violence sociale naît l’amour pur entre Tony, ancien chef des Jets, et Maria, sœur du leader des Sharks. L’intrigue conserve donc sa charge shakespearienne : la fatalité, le poids des appartenances, la jeunesse sacrifiée. 

Mais Spielberg, loin de se contenter de re-filmer, infuse une énergie neuve dans le mythe. Dès l’ouverture, il "aère" le récit Les décors naturels — la poussière, les gravats d’un quartier promis à la démolition — deviennent presque des personnages. La caméra bouge avec une fluidité virtuose, les plans sont chorégraphiés avec un sens du rythme qui étonne de la part d’un cinéaste peu habitué à la comédie musicale. Et pourtant, il est à son sommet : ses travellings, sa science du découpage, sa direction d’acteurs... tout respire la maîtrise. 

Spielberg ne cherche pas à "actualiser" artificiellement l’œuvre. Il ne surligne rien. Il n’y a pas de discours forcé, pas de wokisme plaqué, comme on aurait pu le craindre dans une relecture de 2021. L’âme du film original est respectée. Il est même troublant de constater que certains thèmes — le racisme, la marginalité, la violence des territoires urbains — sont toujours d’actualité.  Le personnage trans de Anybodys existait déjà en 1961 : ce n’est donc pas un ajout opportuniste, mais une continuité naturelle. 

Le casting, lui, est d’une justesse redoutable. Mike Faist (beau à en faire trembler Hollywood, en Riff, réussit l’exploit de ne pas faire oublier Russ Tamblyn, mais de lui offrir un écho contemporain, plus nerveux, plus effilé, avec ce magnétisme à la James Dean. Ariana DeBose, dans le rôle d’Anita, est un feu d’artifice. Elle insuffle à ce personnage une vitalité insolente, un tempérament volcanique qui rappelle, sans la copier, l’énergie de Rita Moreno. D’ailleurs, le plus beau geste du film est peut-être d’avoir intégré cette dernière, l’inoubliable Anita de 1961, dans un nouveau rôle taillé sur mesure : Valentina, version féminisée de Doc. Une présence-pont qui relie les deux époques, les deux films, et qui bouleverse dans cette scène magnifique où Anita (DeBose) vient chercher Maria chez Doc (Moreno). L’échange silencieux, pudique, entre les deux générations d’Anita, est l’un des sommets émotionnels du film. 

Tony (Ansel Elgort), s’il est parfois un peu en retrait, parvient à incarner cette innocence fragile (peut-être trop beau, ce garçon qui croit pouvoir s’extraire du destin. Rachel Zegler, en Maria, est lumineuse. Elle n’a peut-être pas l’intensité tragique de Natalie Wood, mais elle en a la grâce. Mais : Maria restera Maria pour toujours. 

Musicalement, Spielberg ne touche pas à Bernstein, et il a raison. Les chansons sont respectées, replacées parfois différemment dans le récit, avec une belle efficacité dramaturgique. Le duo avec Sondheim pour les paroles reste intemporel. La photo de Janusz Kamiński donne au film un éclat doré, une lumière presque baroque, qui contraste avec la noirceur du propos. On est dans une sorte de fresque musicale tragique, où l’esthétique sublime la dureté du réel. 

En définitive, Spielberg ne signe pas son West Side Story. Il signe un West Side Story — celui d’un amoureux du cinéma qui rend hommage au film de son enfance tout en osant le revisiter avec un regard de cinéaste accompli. Il n’a pas fait un remake pour corriger, mais un film pour transmettre. À ceux qui, comme toi, vénéraient l’original, il offre une version alternative, respectueuse, émouvante. Et aux plus jeunes, il tend un miroir magnifique : celui de l’éternelle jeunesse du drame de Shakespeare. 

 NOTE : 16.90

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

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