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mardi 24 juin 2025

18.90 - MON AVIS SUR LE FILM IL ETAIT UNE FOIS DANS L OUEST DE SERGIO LEONE (1968)


 Vu le film Il Etait une fois dans l’Ouest de Sergio Leone (1968) avec Charles Bronson Henry Fonda Claudia Cardinale Jason Robards Woody Strode Jack Elam Frank Wolff Lionel Stander Gabrielle Ferzetti Paolo Stoppa Keenan Wynn 

Alors qu'il prépare une fête pour sa femme, Bet McBain est tué avec ses trois enfants. Jill McBain hérite alors les terres de son mari, terres que convoite Morton, le commanditaire du crime (celles-ci ont de la valeur maintenant que le chemin de fer doit y passer). 

Il était une fois dans l’Ouest (Once Upon a Time in the West, 1968) est bien plus qu’un western. C’est un requiem cinématographique, un opéra crépusculaire, une œuvre-monde où chaque plan semble respirer l’Histoire, la poussière, le sang et le mythe. Avec ce film, Sergio Leone signe sans doute son plus grand chef-d’œuvre, et l’un des plus beaux monuments du septième art. Il clôt la flamboyante trilogie du Dollar avec une apothéose silencieuse, tout en ouvrant sa nouvelle trilogie – celle de l’« Il était une fois » – consacrée à la genèse de l’Amérique, à sa violence fondatrice et à ses rêves avortés. Et il le fait avec une maîtrise qui confine au génie. 

Dès la scène d’ouverture, Leone impose son tempo : celui de l’attente, du silence, du mystère. Trois hommes stationnent sur le quai d’une petite gare isolée. Aucun mot. Seulement des sons : une mouche qui tourne autour d’un visage, une éolienne grinçante, des gouttes d’eau s’écrasant paresseusement sur un chapeau. Cette séquence hypnotique dure presque dix minutes. Dix minutes de tension pure, où l’on retient son souffle. Et puis, l’homme à l’harmonica apparaît – silhouette venue d’ailleurs – et en une poignée de balles, le mythe est lancé. Leone n’a pas seulement changé la grammaire du western : il a redéfini notre rapport au temps, à l’espace, à l’attente. Il sublime l’ellipse. Il fait du vide une matière narrative. 

Le film suit plusieurs trajectoires. Jill McBain (Claudia Cardinale), ancienne prostituée, arrive dans l’Ouest pour commencer une nouvelle vie. Mais en arrivant, elle découvre que son mari et ses enfants ont été massacrés. Autour d’elle gravitent deux figures solitaires et mythiques : le mystérieux Harmonica (Charles Bronson), muet et vengeur, et Cheyenne (Jason Robards), bandit au grand cœur. Face à eux, un homme diabolique, glacial : Frank, interprété par Henry Fonda, à contre-emploi total. Avec ses yeux d’un bleu tranchant, Fonda incarne le Mal dans sa forme la plus rationnelle. En brisant l’image de l’acteur de La Poursuite infernale ou Les Raisins de la colère, Leone crée un choc visuel et moral, et donne à Frank une aura inédite dans le western. 

L’histoire de Il était une fois dans l’Ouest est celle de la fin d’un monde – celui des cow-boys errants – et de l’avènement d’un autre : celui du progrès, du chemin de fer, de l’Amérique moderne. Leone regarde cette mutation avec nostalgie et fascination. Les personnages sont tous en sursis. Jill, la seule survivante, représente le futur. Elle incarne la résilience, la possibilité d’une renaissance. À travers elle, Leone offre une figure féminine complexe, forte, émouvante. Claudia Cardinale, d’une beauté solaire, donne à son personnage une profondeur rare. 

Et puis il y a Charles Bronson. Son regard, son mutisme, son harmonica comme une cicatrice sonore : tout en lui respire la vengeance et la douleur. Son duel final avec Frank est une leçon de mise en scène. Leone étire le temps, suspend chaque geste, chaque respiration. Quand enfin les balles fusent, c’est l’Histoire elle-même qui s’effondre. On découvre alors, dans un flashback aussi simple que bouleversant, la vérité sur ce qui lie Harmonica à Frank. En une image – celle d’un enfant forcé à porter son frère pendu sur ses épaules – tout s’éclaire. Le silence de l’homme à l’harmonica devient tragédie. 

Mais ce qui élève ce film au rang d’œuvre d’art totale, c’est bien sûr la musique d’Ennio Morricone. Rarement une bande originale n’a autant fusionné avec l’image. Chaque personnage a son thème : lyrique pour Jill, funèbre pour Harmonica, dansant et tragique pour Cheyenne. Les envolées orchestrales de Morricone, portées par la flûte, les cordes et les voix célestes, transforment le désert en cathédrale. Le thème de Jill, utilisé à plusieurs reprises, est une des plus belles partitions jamais écrites pour le cinéma. Il transcende l’image, la magnifie, l’immortalise. 

Leone filme comme un peintre et un poète. Les paysages sont sublimes : Monument Valley, les étendues arides, les bâtisses en bois, les rails encore inachevés. Il capte les visages en très gros plan, comme des masques antiques. Il entrelace lyrisme et violence, contemplation et brutalité. Chaque plan semble pensé pour durer à jamais dans notre mémoire. Les scènes de transition – un train qui arrive, une porte qui s’ouvre, un regard – ont plus d’intensité que la plupart des scènes d’action de blockbusters actuels. 

En France, le film fut un triomphe. Quinze millions de spectateurs se sont pressés pour découvrir ce western italien où tout semblait plus grand, plus profond, plus vrai que nature. Ce succès hexagonal dit quelque chose de notre lien à ce cinéma du décalage : un regard européen sur les mythes américains, une distance affectueuse, critique, cinéphile. Les États-Unis, eux, mirent du temps à reconnaître la grandeur du film. Mais aujourd’hui, Il était une fois dans l’Ouest est universellement salué comme un chef-d’œuvre, l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma. 

Ce n’est pas qu’un hommage au western. C’est un adieu. Leone y enterre le genre qu’il a contribué à réinventer. Il rend hommage à Ford, à Hawks, à Mann, tout en signant son œuvre la plus personnelle, la plus ample, la plus émouvante. Dans Il était une fois dans l’Ouest, chaque plan est un testament, chaque son une prière, chaque geste une trace de ce que le cinéma peut être : un art du temps, de la mémoire et de la beauté. 

NOTE : 18.90

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