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mercredi 18 juin 2025

14.10 - MON AVIS SUR LE FILM HATARI ! DE HOWARD HAWKS (1962)


 Vu le film Hatari ! De Howard Hawks (1962) avec John Wayne Hardy Kruger Gérard Blain Red Buttons Elsa Martinelli Michèle Girardon Valentin de Vargas Bruce Cabott Eduard Franz Queenie Léonard 

En Tanzanie, un groupe hétéroclite mais soudé de chasseurs d'animaux pour les zoos mènent leur vie. À leur tête, Sean Mercer, un personnage bourru dont va bientôt s'éprendre Dallas, une ravissante photographe qui vient d'arriver dans la réserve. Peu habituée à la vie sauvage, cette dernière va vivre une succession de situations inédites. 

Il faut, pour bien juger Hatari!, se replacer dans le contexte de sa sortie au début des années 60, à une époque où la conscience écologique et la défense animale n’étaient pas encore des thèmes médiatisés. Le film suit une équipe de chasseurs d’animaux sauvages, non pas pour les tuer mais pour les capturer vivants et les envoyer dans des zoos à travers le monde. Si cette pratique peut aujourd’hui provoquer un malaise, elle n’était alors nullement perçue comme problématique, et le film lui-même ne donne jamais dans une brutalité gratuite. Aucun acte de cruauté manifeste n’est à signaler à l’écran, et Hawks adopte un regard avant tout émerveillé sur les animaux, qu’il filme avec un respect évident. Cela n’ôte rien au fait que Hatari! n'aurait probablement plus cours aujourd'hui sous cette forme, mais il serait injuste de lui reprocher ce qu'il ne pouvait pas encore anticiper. 

Le tournage, réalisé en Afrique (Tanzanie), impressionne encore aujourd'hui par l'authenticité des scènes de capture, tournées sans trucage, avec les véritables animaux sauvages, par les acteurs eux-mêmes. C’est sans doute ce qui confère au film cette vitalité rare, ce frisson d’aventure que seuls les grands cinéastes savent transmettre. La maîtrise de Hawks est là : caméra fluide, montage souple, et surtout, cet art si personnel de faire exister un groupe. Car Hatari! est moins un film sur la chasse qu’un film sur la coexistence, sur le lien qui se tisse entre une poignée d’individus perdus dans l’immensité africaine. 

Pas vraiment de narration tendue ou de suspense ici : Hawks construit son film par touches, par scènes autonomes, par petits moments quotidiens. La structure est presque musicale, alternant les scènes d’action (souvent impressionnantes, comme celles avec les rhinocéros ou les buffles) avec des scènes plus douces, drôles ou romantiques. Ce choix déroute parfois : Hatari! est un film très long (2h40) et son absence de véritable enjeu dramatique peut peser à la vision adulte. Mais cette nonchalance fait aussi son charme : on s’y sent bien, comme dans une grande maison où chacun a sa place. 

Hawks parvient avec brio à gérer un casting large sans jamais perdre un personnage en route. Il y a bien sûr John Wayne, monolithique mais attendrissant, figure de stabilité dans ce monde mouvant. Elsa Martinelli, radieuse, incarne l’intrusion du féminin dans un monde de mâles : sa relation avec les petits éléphanteaux est l’une des plus belles idées du film. Hardy Krüger, Red Buttons ou Gérard Blain apportent chacun une note spécifique au groupe, entre humour, charme et maladresse. On sent entre les acteurs une réelle alchimie, comme si Hawks avait réussi à créer non pas des rôles, mais une communauté de jeu. 

Ce qui frappe aussi, c’est la chaleur humaine qui se dégage de ce film. Hawks ne filme pas des héros, mais des gens simples, soudés par le travail et les émotions. On rit souvent, on s’attendrit, on admire leur compétence autant que leurs maladresses. Le groupe est mouvant, accueillant, parfois bancal, mais il avance. Hawks, fidèle à sa vision d’un monde harmonieux fait de petites solidarités, de respect mutuel, d’amitiés sincères, trouve là une de ses expressions les plus douces. 

La musique d’Henry Mancini, enjouée, célèbre cette ambiance presque pastorale. Le thème principal, joyeux et entraînant, reste dans les mémoires. Il participe à cette impression d’un film généreux, solaire, profondément bienveillant. 

Bien sûr, Hatari! n’est pas sans défauts. Sa longueur excessive, sa construction répétitive (chasse – pause – romance – chasse), et un certain manque de tension dramatique pourraient le rendre désuet aux yeux de certains spectateurs actuels. Mais ces réserves sont contrebalancées par la maîtrise du rythme, la beauté du cadre naturel, et l’amour évident que Hawks porte à ses personnages. 

En tant qu’enfants, nous étions fascinés par ce monde d’aventure, d’animaux sauvages et de compagnonnage viril mais tendre. Revoyant le film aujourd’hui, avec un œil plus critique, on peut être tenté de le relativiser, notamment sur la question animale. Mais Hatari! mérite d’être jugé pour ce qu’il est : une œuvre pleine de vie, portée par un grand cinéaste à son apogée, qui savait faire du cinéma une affaire d’humanité. 

Un très beau film d’équipe, solaire et généreux, qui résiste à l’épreuve du temps, en gardant l’œil curieux — et bienveillant — de l’enfance. 

NOTE : 14.10

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