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mardi 3 juin 2025

13.10 - MON AVIS SUR LE FILM LE PASSAGER DE LA PLUIE DE RENE CLEMENT (1970)


 Vu le film Le Passager de la Pluie de René Clément (1970) avec Marlène Jobert Charles Bronson Annie Cordy Robert Hossein Jill Ireland Gabrielle Tintin Elen Bahl Jean Gaven Corine Marchand Marcel Pérès Gabriele Tinti Jean Piat 

Dans la banlieue de Marseille, Mellie s'ennuie dans sa grande maison isolée en bord de mer en l'absence de son mari, pilote de ligne. Lorsqu'un inconnu pénètre chez elle un soir et la viole, la jeune femme, terrorisée, parvient à abattre son agresseur avant de se débarrasser du cadavre. Le lendemain, elle fait connaissance du mystérieux Harry Dobbs, un Américain qui semble connaître son secret. 

Le Passager de la pluie (1970) est un polar étrange, presque vénéneux, signé René Clément, tiré d’un scénario original de Sébastien Japrisot, qui nous avait déjà piégés avec Compartiment tueurs et piquera fort quelques années plus tard avec L’Été meurtrier. Chez Japrisot, le suspense tient souvent à ce qu’on ne dit pas, à ce qu’on cache, à cette manière très française de faire durer le mystère en y mêlant sexe, culpabilité et faux-semblants. Le Passager de la pluie n’échappe pas à la règle. 

L’histoire s’ouvre sous une pluie battante, alors que Méline (Marlène Jobert, délicieusement juvénile et ambivalente), jeune épouse de militaire, se fait agresser chez elle. Elle abat son agresseur, cache le corps… et pense que l’histoire est terminée. Mais un certain Dobbs (Charles Bronson), Américain au regard d’acier et au passé trouble, débarque et la suit comme une ombre. Il veut des réponses. Elle veut l’oublier. Le film devient alors un jeu du chat et de la souris entre ces deux solitudes, l’une toute en fragilité ironique, l’autre en virilité impassible. 

Clément, grand technicien (on se souvient de Jeux interdits, Plein soleil), déploie ici une mise en scène à la fois élégante et efficace. Dès le générique, on est happé : travelling nerveux, musique de Francis Lai entêtante, et ce titre — Le Passager de la pluie — magnifique, poétique, inquiétant, presque métaphysique. Qui est ce passager ? Ce qu’il transporte est-il de la violence, de la vérité ou simplement un secret ? Le film ne tranche pas vraiment. Il installe. 

La Provence y est filmée comme un décor de western à la française : ruelles vides, villas ensoleillées, mer turquoise mais regards noirs. L’été étouffe, les silences pèsent, et ce soleil-là ne réchauffe rien. On est dans un monde où chacun ment, même (surtout) à lui-même. La figure de Dobbs, mi-justicier, mi-voyeur, incarne une morale qui interroge plus qu’elle ne tranche. Il n’est pas là pour sauver Méline mais pour l’ébranler. Et elle, sous ses airs mutins, est bien plus retorse qu’il n’y paraît. 

Marlène Jobert est ici dans un rôle charnière : jeune femme apparemment naïve, elle insuffle pourtant à Méline une vraie noirceur larvée. Elle joue sur deux registres : la peur feinte et la provocation, la fuite et la séduction. Charles Bronson, quant à lui, ne sort pas de sa carapace, mais c’est précisément ce mutisme, ce regard en coin, qui rendent le duo si fascinant. Leur affrontement est tout en tension sous-jacente. 

Ajoutez à cela des seconds rôles savoureux : Annie Cordy, étonnamment grave et attachante en mère un peu dépassée, et Jill Ireland, alors épouse de Bronson à la ville, qui vient apporter une touche de mystère supplémentaire dans un petit rôle mais marquant. 

Le film a bien vieilli, c’est vrai. Il garde cette étrangeté qui fait les œuvres durables. Le rythme est lent par moments, notamment au début, mais il installe une atmosphère particulière : une torpeur inquiète, une menace diffuse, une sensualité trouble. La musique de Francis Lai, bien loin de ses partitions plus sentimentales (comme dans Love Story), participe pleinement de cette ambiance : ses petites ritournelles, presque enfantines, viennent en contrepoint des scènes les plus sombres. 

Le Passager de la pluie, c’est un polar qui joue avec les codes du genre pour mieux les détourner. Ce n’est pas tant le "qui a fait quoi" qui compte que ce qui circule entre les personnages : regards, silences, soupçons, regrets. René Clément signe là son dernier grand film, entre classicisme du cadre et modernité du propos. Un film ambigu, atmosphérique, presque fétichiste, où chaque détail compte : la robe à fleurs, les grains de beauté de Jobert, la voix off qui nous ment autant qu’elle nous guide. 

Un vrai film de transition entre deux époques du cinéma français, entre le goût du suspense hitchcockien et l’approche psychologique plus dérangeante des années 70. 

NOTE : 13.10

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