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vendredi 27 juin 2025

16.80 - MON AVIS SUR LE FILM SPARTACUS DE STANLEY KUBRICK (1961)


 Vu le film Spartacus de Stanley Kubrick (1961) avec Kirk Douglas Laurence Olivier Tony Curtis Jean Simmons Peter Ustinov Charles Laughton Woody Strode John Gavin Nina Foch George Kennedy 

Rome, 69 avant Jésus Christ. Une révolte de gladiateurs éclate. À sa tête, Spartacus, esclave et gladiateur, mène ses troupes contre l'armée romaine. Sur le chemin de la liberté, il doit affronter une armée surpuissante commandée par Crassus, dont le pouvoir est absolu à Rome. Symbolisant la lutte éternelle de l'homme pour sa liberté, Spartacus mêle réalité historique, grand spectacle et passion. Un grand classique ! 

Spartacus (1960) de Stanley Kubrick – Une fresque de révolte, de pouvoir et de dignité brisée 

Film fleuve de près de trois heures, Spartacus est bien plus qu’un péplum spectaculaire : c’est une œuvre de combat, à la fois politique, existentielle et cinématographique. Si Stanley Kubrick s’y retrouve presque malgré lui – engagé par Kirk Douglas en remplacement d’Anthony Mann –, le réalisateur imprime pourtant sa marque dans ce qui demeure l’un des grands films de studio hollywoodiens des années 60. Tourné en pleine guerre froide, en plein retour de bâton du maccarthysme, Spartacus se distingue aussi comme un geste de résistance : celle d’un scénariste blacklisté, Dalton Trumbo, qui signe enfin à visage découvert son propre nom. 

Inspiré de la révolte de gladiateurs menée par Spartacus en 73 av. J.-C., le film retrace l’épopée tragique de ces hommes qui osèrent défier la puissance de Rome. Mais l’histoire, dans les mains de Trumbo et Kubrick, n’est pas un récit d’émancipation héroïque : c’est une dénonciation amère du pouvoir, de la manipulation politique, et de l’illusion de liberté. Dès les premières scènes dans les mines, jusqu’au final glaçant sur la route bordée de crucifiés, la trajectoire du personnage principal s’impose comme une lente montée vers la lucidité, puis l’anéantissement. On est loin du happy end hollywoodien. 

Kubrick filme les hommes au bord de l’abîme, et les femmes (notamment Varinia, jouée par Jean Simmons) comme derniers reflets d’humanité. Le regard du cinéaste, bien que contraint par la production, reste souvent froid, distancié. Il capte la cruauté du pouvoir avec un réalisme sec, sans emphase. La scène finale, où Spartacus est crucifié sans que Rome ne soit ébranlée, en dit long sur la vision désabusée d’un monde gouverné par des hommes corrompus, calculateurs, impassibles. 

L’un des sommets symboliques du film reste la célèbre scène des « huîtres et escargots », entre Crassus (Laurence Olivier) et son esclave Antoninus (Tony Curtis). Sous couvert d’un dialogue sur les préférences gustatives, c’est bien d’une métaphore sur la bisexualité et la domination qu’il s’agit. Le sous-texte homoérotique – une audace rare en 1960 – frôle la provocation, et a d’ailleurs été atténué dans les versions d’époque. Ce passage témoigne de la finesse de Trumbo et de la résistance subtile à une censure encore omniprésente, que ce soit celle du code Hays ou celle, plus insidieuse, du conservatisme hollywoodien post-maccarthyste. 

Spartacus bénéficie aussi d’un casting d’exception. Kirk Douglas, acteur-producteur, y impose une intensité brute, une colère digne et contenue. Laurence Olivier campe un Crassus glaçant de morgue et d’ambition. Tony Curtis, dans un rôle plus tendre, apporte de la fraîcheur, tandis que Peter Ustinov, en marchand cynique, glisse une ironie amère dans cette tragédie. Chaque acteur contribue à faire de Spartacus un théâtre antique de passions et de manipulations, bien plus complexe qu’il n’y paraît. 

Les décors, la reconstitution historique, la musique majestueuse d’Alex North : tout concourt à faire de ce film une œuvre ample, soignée, spectaculaire – mais jamais gratuitement. Contrairement à d’autres péplums contemporains, Spartacus ne cherche pas seulement à en mettre plein la vue : il sonde les blessures profondes du pouvoir, de l’obéissance, de la liberté. 

À sa sortie, le film fut un succès critique et populaire, mais son importance dépasse largement les chiffres. Il marque une brèche dans l’ordre moral d’Hollywood, amorce la fin du code Hays, et réhabilite Dalton Trumbo, symbole de ceux que la peur avait réduits au silence. 

Aujourd’hui, Spartacus résonne encore puissamment. Dans un monde où les élans de révolte sont souvent récupérés, où les puissants se déchirent au sommet tandis que les faibles payent le prix des idéologies, cette histoire d’un esclave devenu symbole de résistance demeure d’une brûlante actualité. 

Et surtout, Spartacus, c’est ce genre de film rare qu’on allait voir adolescent pour les batailles et les costumes, et qu’on redécouvre adulte comme une leçon politique et humaine. Une œuvre colossale et tragique, où l’épopée devient une élégie. 

NOTE : 16.80

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

Acteurs non crédités


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