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mercredi 11 juin 2025

17.50 - MON AVIS SUR LE FILM LES INCORRUPTIBLES DE BRIAN DE PALMA (1987)


 Vu le film Les Incorruptibles de Brian de Palma (1987) avec Kevin Costner Robert de Niro Andy Garcia Sean Connery Charles Martin Smith Billy Drago Patricia Clarkson Valentino Cimo Jack Kehoe 

À Chicago durant les années trente, lors de la prohibition, Al Capone règne en maître absolu sur le réseau de vente illégale d'alcool. Décidé à mettre un terme au trafic et à confondre Al Capone, l'agent Eliot Ness recrute trois hommes de confiance, aussi intraitables que lui. Ensemble, les quatre incorruptibles partent en guerre contre le gang de Capone. 

Il y a les films adaptés de séries télévisées, et puis il y a Les Incorruptibles de Brian De Palma, film-somme, film-pari, film-victoire. Adapté de la série culte des années 50-60, ce long-métrage transcende son matériau d’origine pour imposer une œuvre cinématographique à part entière, nourrie de souffle, de style et de tension. De la première à la dernière scène, De Palma orchestre une plongée virtuose dans le Chicago de la Prohibition, au cœur d’un affrontement mythique entre Eliot Ness et Al Capone, les deux visages d’une Amérique en guerre contre elle-même. 

L’histoire commence dans les années 30. Al Capone règne sans partage sur Chicago, entre corruption, trafics et meurtres déguisés en accidents de comptoir. Le Trésor Public, impuissant à faire tomber le caïd pour ses crimes, décide d’attaquer par un angle inattendu : la fraude fiscale. Le jeune agent fédéral Eliot Ness (Kevin Costner, sobre et lumineux) est nommé pour constituer une équipe incorruptible, capable d’enquêter sans céder aux intimidations. Il s’entoure d’un vétéran de la police, Jim Malone (Sean Connery, impérial), d’un jeune tireur d’élite, George Stone (Andy Garcia, qu’on découvre avec ferveur), et d’un comptable zélé, Oscar Wallace. Quatre hommes contre un empire. 

Ce qui frappe d’entrée, c’est la maîtrise absolue de la mise en scène. De Palma joue avec les figures du western, du film noir et du mélodrame, tout en injectant ses propres obsessions formelles : split screens, travellings glissants, montages parallèles étouffants. La scène d’ouverture, avec la bombe dans le bar, annonce déjà l’alliance de violence sèche et d’esthétique léchée qui va imprégner tout le film. À mesure que les Incorruptibles avancent, l’étau se resserre, les pertes s’accumulent, et le duel devient personnel, charnel, presque biblique. 

Al Capone, incarné avec une férocité théâtrale par Robert De Niro, est une présence écrasante, presque absurde dans sa démesure. Sa folie des grandeurs, ses accès de rage, sa manière de cogner un traître à coups de batte en pleine réunion… Tout sonne comme une messe noire. De Palma filme Capone comme un roi maudit, barricadé dans ses palaces, tandis que Ness, porté par sa foi en la justice, se débat dans les ruelles poisseuses du réel. Deux mondes qui ne peuvent coexister. 

Et puis, au cœur du film, il y a cette scène devenue légendaire : l’escalier de la gare, où Ness attend un témoin capital. C’est un pur exercice de style, un hommage évident au Cuirassé Potemkine, mais aussi une leçon de suspense. Le montage au ralenti, le bébé dans sa poussette, les coups de feu, les cris, les regards... Cette scène à elle seule justifie l’existence du cinéma de genre. Elle n’est pas qu’un clin d’œil cinéphile : elle synthétise le combat de Ness, son engagement total, sa volonté d’endiguer le chaos même quand il surgit au cœur de la banalité. 

La musique d’Ennio Morricone sublime chaque image. Dès les premières notes, la tension est palpable. Ses thèmes entêtants — à la fois mélancoliques, martiaux et intimes — donnent au film une respiration tragique. Il y a du western italien dans ces compositions : on pense à Il était une fois en Amérique, bien sûr, mais aussi aux partitions plus sombres de Sacco et Vanzetti. Morricone, comme De Palma, connaît les codes et les transcende. 

Quant à Sean Connery, Oscar du Meilleur second rôle, il offre l’une de ses performances les plus humaines. Malone, ce vieux flic désabusé, incarne la sagesse populaire et le courage brut. Sa mort, d’une brutalité inouïe, reste l’un des grands moments de tragédie du cinéma américain des années 80. 

Avec Les Incorruptibles, De Palma ne signe pas seulement un grand film de genre. Il crée une fresque morale, où la vertu n’est jamais lisse, où la justice se gagne dans la douleur, et où chaque plan transpire l’amour du cinéma. Costner, encore jeune, y trouve un de ses rôles mythiques, et Andy Garcia confirme dès sa première apparition qu’il a l’étoffe des plus grands. 

Un film parfait ? Sans doute, si l’on mesure la perfection à l’aune de l’impact émotionnel, de la beauté plastique et de la cohérence narrative. Rien n’est en trop, tout est en place. Et le spectateur, comme Ness, avance dans un monde sale avec la tête haute, porté par la foi qu’un petit groupe d’hommes intègres peut encore changer l’ordre des choses. 

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Les Incorruptibles est bien plus qu’un film policier ou une relecture de série télé : c’est une œuvre cinématographique majeure, à la fois classique et baroque, frontale et élégante. Il s’inscrit dans la grande tradition du cinéma américain des années 80, tout en rendant hommage à Eisenstein, Leone et Hawks. Un chef-d’œuvre à la beauté intacte, presque 40 ans après sa sortie. 

NOTE : 17.50

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