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dimanche 29 juin 2025

12.00 - MON AVIS SUR LE FILM LE GARCON DE ZABOOU BREITMAN ET FLORENT VASSAULT (2023)


 Vu le film Le Garçon de Zabou Breitman et Florent Vassault  (2023) avec Isabelle Nanty François Berléand Damien Sobieraff Florence Muller Nicolas Avinée Sarah Thiery Jean Paul Bordes 

À partir d'une enveloppe, contenant des photographies de famille, trouvée dans une brocante, deux personnes vont chercher à retracer l'histoire d'un garçon présent sur plusieurs de ces images. Ils décident d'en faire un film 

 

Avec Le Garçon, Florent Vassault et Zabou Breitman livrent une œuvre subtile, inclassable, à la croisée du documentaire et de la fiction. Ce projet singulier explore une disparition familiale survenue il y a plusieurs décennies, et propose au spectateur de reconstruire un puzzle émotionnel fait de silences, d’ombres et de fragments de mémoire. Le film intrigue, émeut et interroge, tout en restant d’une grande retenue. 

Le point de départ est simple : un homme, surnommé « le garçon », a disparu un jour des radars familiaux. Parti brusquement du village, sans laisser d’adresse ni d’explication, il ne donne plus signe de vie pendant plus de trente ans. Sa disparition devient une béance au sein de la famille, un tabou que l’on préfère oublier. Jusqu’à ce que l’un des membres décide de revenir sur cette absence et de poser la question qui dérange : que lui est-il arrivé ? 

Le film repose sur un dispositif à deux voix : Florent Vassault mène une enquête documentaire, en allant à la rencontre de ceux qui ont connu ou croisé le garçon – voisins, cousins, habitants du village. Des témoins parfois embarrassés, parfois émus, souvent amnésiques. Le spectateur assiste à ces entretiens avec une tension palpable : on sent que chacun sait quelque chose, mais personne ne veut tout dire. Parallèlement, Zabou Breitman imagine et met en scène des fragments de fiction inspirés de ces témoignages, dans lesquels des acteurs – dont Isabelle Nanty, remarquable de sobriété – rejouent les scènes supposées, les souvenirs partiels, les hypothèses. 

Ce principe de va-et-vient entre réel et fiction fonctionne à merveille, car il ne cherche pas à trancher entre vérité et invention, mais à faire ressentir ce qu’on ne saura peut-être jamais complètement. La disparition du garçon n’est pas un fait divers tragique, ni une énigme policière : il a simplement quitté le village pour vivre librement, ailleurs, avec un garçon rencontré à Paris. Un amour naissant, une envie d’émancipation, un refus du regard pesant d’un monde étroit. Mais ce départ a été perçu par ses proches comme une rupture, une trahison, presque une insulte au cadre établi. D’où le silence. D’où l’oubli organisé. 

Le film questionne en creux la violence sourde de certaines structures sociales, rurales ou familiales. On ne crie pas, on ne rejette pas frontalement – on gomme, on raye, on ne parle plus. C’est cette mécanique d’effacement que le film déplie avec une grande finesse. Sans jamais forcer l’émotion, sans pathos, il évoque pourtant des douleurs profondes : celle d’un fils effacé, d’un amour interdit, d’un départ vécu comme un abandon. 

Isabelle Nanty, dans les séquences fictionnelles, apporte une justesse désarmante. Loin de ses rôles comiques habituels, elle incarne avec pudeur ces femmes à la fois témoins et complices du silence. Les scènes sont sobres, souvent banales en apparence, mais empreintes d’un poids symbolique fort. La mise en scène de Breitman, tout en ellipses, en non-dits, épouse parfaitement le trouble qui habite cette histoire. 

Le Garçon est un film exigeant, lent par endroits, mais d’une densité émotionnelle rare. Il ne donne pas de réponses toutes faites, mais invite à une réflexion sur la mémoire familiale, l’homosexualité dans les campagnes françaises des années 70-80, et le droit de disparaître pour vivre sa vie. Il ne condamne personne, mais éclaire les zones d’ombre avec humanité. 

Froid ? Peut-être. Mais jamais distant. Le regard est respectueux, le ton retenu, le dispositif original. Et surtout, cette histoire qui aurait pu n’être qu’un fait mineur devient, à travers ce film, une parabole universelle sur le besoin d’être soi, même au prix du silence. Une œuvre discrète, mais essentielle. 

NOTE : 12.00

FICHE TECHNIQUE


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