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mercredi 4 juin 2025

17.80 - MON AVIS SUR LE FILM LA CHARGE HEROIQUE DE JOHN FORD

 


Vu le film La Charge Héroïque de John Ford (1949) avec John Wayne Victor McLaglen Ben Johnson Joan Dru John Agar Harry Carey Jr Mildred Natwick George O’Brien Arthur Shields Michael Dungan Noble Johnson Chef John Big Tree Irving Pichel Harry Woods Peter Julien Ortiz 

En 1876, après la défaite de Custer à Little Big Horn, la tension s’intensifie sur les frontières de l’Ouest, où les tribus indiennes commencent à se regrouper pour partir en guerre contre les « visages pâles », qu'ils veulent chasser de leurs terres. Dans un poste isolé, le capitaine Nathan Brittles (John Wayne), à la veille de prendre sa retraite, doit faire face à ce soulèvement. Ami d’un vieux chef indien, il fera tout pour éviter que le sang soit versé et, à cette fin, effectuera en dernier ressort un raid audacieux, mais pensé pour ne coûter la vie à personne. Entre-temps, nous assistons au déroulement de la vie quotidienne au Fort, où notamment deux jeunes lieutenants se disputent les faveurs de la nièce du commandant (Joanne Dru). Celle-ci arbore un ruban jaune (le yellow ribbon du titre original) signifiant, dans la tradition de la cavalerie américaine, que son cœur est pris   

Le désert celui de du Monument Valley Navajo Tribal Park cher au cinéma de John Ford, terre aride et meurtrière 

La Charge Héroïque : un chant de fin de parcours sous les cieux immenses du western 

Après Le Massacre de Fort Apache, La Charge Héroïque constitue le second volet de la célèbre trilogie que John Ford consacra à la cavalerie américaine, laquelle se clôturera avec Rio Grande. À chaque épisode, John Wayne est au rendez-vous, véritable totem de cette Amérique mythique que Ford interroge autant qu’il célèbre. 

Ici, Ford livre bien plus qu’un western. Il signe l’un des plus grands films du genre, un chef-d’œuvre de mise en scène où chaque plan semble animé par le souffle de la légende et de la finitude. La Charge Héroïque raconte l’histoire poignante du capitaine Nathan Brittles, vieux soldat usé mais droit, qui voit approcher l’heure de sa retraite comme une menace sourde — tic-tac inexorable que symbolise sa montre, constamment consultée, même après l’heure ultime. Cette horloge n’est pas un simple accessoire, elle devient le métronome du temps qui passe et du devoir qui s’achève. 

Ford filme cette marche vers la sortie avec une élégance infinie. Les grands espaces de l’Ouest ne sont pas que des décors : ils sont des personnages à part entière, vastes, muets, presque sacrés. Monument Valley, dont Ford fait une terre natale de cinéma, devient le théâtre d’un adieu digne et mélancolique à une époque, à une fonction, à une certaine idée de l’honneur. 

À travers la figure de Brittles, Ford dresse le portrait d’un homme qui persiste à accomplir sa mission, coûte que coûte. Une mission inutile, peut-être, mais belle dans sa pureté. Le film n’est pas une célébration naïve de la guerre ou de l’armée, mais un hommage à ceux qui vont jusqu’au bout de leurs engagements, dans un monde qui change sans eux. L’honneur, la loyauté, le sens du devoir : voilà les piliers de ce récit, qui n’a pas pris une ride tant il parle de valeurs humaines profondes et universelles. 

L’intensité dramatique du film est soutenue par une tension sourde. Les scènes d’action, rares mais puissantes, sont orchestrées avec une science du rythme qui force l’admiration. Ford ne filme pas pour épater, il filme pour marquer. Chaque affrontement, chaque geste, chaque silence résonne comme une étape vers l’inéluctable. 

Le titre original, She Wore a Yellow Ribbon, fait référence à une vieille coutume : arborer un ruban jaune pour signaler l’attente d’un être aimé, souvent un soldat parti au front. Cette image poétique, presque discrète dans le film, est en réalité son cœur battant. Elle évoque l’amour, l’attente, la fidélité, autant de fils invisibles qui relient les vivants à ceux qui s’éloignent. 

John Wayne, dans un registre inhabituel, livre une performance bouleversante. Loin du cow-boy arrogant, il incarne ici un homme vieillissant, rongé par le doute, mais inébranlable dans ses principes. Il vampirise l’écran, oui, mais sans jamais écraser les autres. Joanne Dru, tout en retenue, et surtout le formidable Victor McLaglen, irrésistible en sergent porté sur la bouteille mais loyal jusqu’à l’os, apportent des respirations bienvenues. Le comique de situation n’enlève rien à la gravité du propos — au contraire, il en souligne l’humanité. 

Si, dans ce film, Ford filme les Indiens comme les ennemis du peuple américain, il est important de noter qu’il saura, plus tard, remettre en question cette vision. Son dernier western, Les Cheyennes, portera un regard infiniment plus nuancé et empathique. Ce cheminement intellectuel et artistique témoigne de l’honnêteté du cinéaste, capable d’évoluer, et c’est aussi pour cela qu’il reste, dans cette période du cinéma, le GOAT, comme on dirait aujourd’hui. 

La Charge Héroïque est donc bien plus qu’un western. C’est une élégie, un poème filmé, une méditation sur le passage du temps, le poids du devoir et l’élégance du renoncement. Ford transcende le genre pour livrer une œuvre d’une beauté plastique et morale rare. Il nous rappelle que le cinéma peut être à la fois divertissement et réflexion, spectacle et émotion pure. 

Un film inoubliable. Un chant du cygne. Un monument. 

 NOTE : 17.80


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