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dimanche 1 juin 2025

11.40 - MON AVIS SUR LE FILM SAINT ANTOINE MARIE CLARET DE PABLO MORE?O ET CLAUDIA ZIE


 Vu le film Saint Antoine Marie Claret de Pablo Moreno & Claudia Zie (2021) avec Antonio Reyes Carlos Canas Alba Recondo Assumpta Serna Scott Cleverdon Pablo Vina Laura Contreras 

En 1930, Azorín, écrivain espagnol, découvre que les écrits du fondateur des ClaretainsAntoine-Marie Claret, ont été altérés. À partir de son travail, le film nous plonge dans l'Espagne et Cuba du XIXe siècle, autour de ce personnage qui a été archevêque de Santiago de Cuba, et confesseur de la reine Isabelle II. 

Entre foi et feu, le destin d’un homme habité" 

Il y a des films religieux qui prêchent, d’autres qui cherchent. Saint Antoine-Marie Claret, biopic espagnol consacré à l’archevêque et missionnaire fondateur des Claretains, tente de conjuguer les deux tendances : raconter la vie d’un homme de foi, tout en gardant un œil sur les tumultes politiques et sociaux de son temps. Mais si l’intention est noble et la facture soignée, l’ensemble reste réservé à un public disposé à s’abandonner à la lente gravitée de la spiritualité filmée. 

L’histoire débute en pleine tourmente du XIXe siècle espagnol. Claret (1807-1870), né en Catalogne, d’abord simple prêtre puis missionnaire, est nommé archevêque de Santiago de Cuba avant de devenir confesseur de la reine Isabelle II. Il traverse un siècle d’instabilité politique, d’anticléricalisme virulent, d’exils et de contradictions entre service de l’Église et fidélité à l’Évangile. Mais le film s’ouvre avec une idée intéressante : un écrivain du XXe siècle découvre que les textes diffamatoires écrits contre Claret sont basés sur des mensonges. Ce fil de la vérité reconstruite sert de prétexte narratif à une série de retours en arrière où l’on suit la trajectoire de cet homme hors norme, plus mystique que doctrinaire. 

Pablo Moreno et Claudia Zie s’inscrivent dans une tradition espagnole de cinéma catholique : sobre, respectueux, marqué par une grande vénération de la figure centrale. Rien d’explosif ici. Ni controverse frontale, ni provocation façon Buñuel ou Pasolini. Claret est présenté comme un être de lumière, de combat, d’humilité – parfois trop parfait pour être vrai. Là réside une partie de la limite du film : sa sainteté semble déjà acquise dès la première scène, rendant son évolution psychologique presque inexistante. 

La mise en scène est propre, bien cadrée, un brin académique. Les éclairages très doux, la musique liturgique et les intérieurs tamisés participent d’un style "cinéma transcendantal" dans la lignée de Bresson, Schrader ou même Tarkovski – mais sans l’ambiguïté ni la tension métaphysique qui habitent ces derniers. Ici, la transcendance est affirmée, jamais interrogée. Le film préfère montrer Claret en prière, en silence, en action, plutôt qu’en doute. Ce choix plaira à certains croyants, moins à ceux qui préfèrent les saints en lutte intérieure. 

Les comédiens, eux, livrent des prestations sincères. Antonio Reyes, dans le rôle-titre, est sobre, incarné, presque monacal dans son jeu. Il impose un calme et une dignité qui soutiennent le film même dans ses longueurs. Les seconds rôles sont solides, mais souvent réduits à des fonctions : le roi, le prêtre complice, la noble hostile… tout est clair, presque trop. 

Pour un spectateur athée ou simplement non-croyant, le film peut apparaître comme austère, hermétique à la complexité humaine. Il y a bien quelques scènes de confrontation avec les puissants, quelques rappels des compromissions politiques de l’Église, mais ces moments sont noyés dans une admiration pieuse qui efface presque toute zone grise. Le message est clair : Claret avait raison. Il reste debout dans la tourmente, fidèle à son Dieu, malgré les coups du monde. Cette posture peut inspirer… ou lasser. 

L’élément le plus intéressant du film est sans doute ce que l’on devine entre les lignes : la manière dont un homme pieux peut être pris au piège d’un système ecclésiastique et monarchique qui se sert de sa sainteté pour justifier des décisions douteuses. Mais le film préfère évacuer cette ambiguïté. Il reste dans la révérence. 

Saint Antoine-Marie Claret est un film rigoureux, appliqué, sincère — et sans doute utile pour ceux qui veulent connaître une figure oubliée de l’Église espagnole. Il s’inscrit dans un courant de cinéma spirituel qui valorise le silence, la foi vécue dans l’intime, la patience des causes justes. Mais il manque ce trouble, cette faille, ce vertige qui font les grandes œuvres mystiques. Croire n’est pas devoir, comme vous le dites. Et ici, croire semble un fait accompli, pas un chemin. 

NOTE : 11.40

FICHE TECHNIQUE


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