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dimanche 8 juin 2025

14.80 - VU LE FILM LA PAMPA DE ANTOINE CHEVROLLIER (2024)


 Vu le film La Pampa de Antoine Chevrollier (2024) avec Sayyid El Alami Amaury Faucher Artus Damien Bonnard Florence Janas Léonie Dahan-Lamort Mathieu Demy Axelle Fresneau Laetitia Clément Crystal Shepherd-Cross 

Sur le terrain de moto-cross de « La Pampa », Jojo s'entraîne sous les yeux attentifs de son père David et de son entraîneur Teddy, espérant remporter des titres nationaux. Son meilleur ami, Willy, l'aide avec la mécanique, et assiste régulièrement David et Jojo dans leurs travaux quotidiens au lieu de réviser pour le bac. À la suite du décès de son père, Willy vit avec sa mère et sa sœur, et a du mal à accepter que sa mère refasse sa vie et souhaite déménager. 

La campagne, l'amitié, le secret… et le fracas d’un monde qui refuse encore d’aimer. 

Il arrive que certains films, discrets à leur sortie, frappent plus fort que bien des productions tapageuses. La Pampa, premier long-métrage d’Antoine Chevrollier, est de ceux-là. Connu pour la série Oussekine, Chevrollier poursuit sa plongée dans la jeunesse confrontée à la violence sociale et identitaire, en l'ancrant cette fois dans la province française. Un territoire où l’on s’amuse, oui, mais où les drames surgissent avec une vérité brute. 

La "Pampa", ici, ce n’est pas une grillade entre copains, mais une épreuve sauvage de motocross, un rite de passage local, presque tribal, où les adolescents s’élancent dans la boue et les bosses à la recherche de sensations, de reconnaissance, de liberté. Willy et Jojo y participent, inséparables, vivants, fraternels. Mais Jojo a un secret : il aime les garçons, et personne ne le sait. Pas même Willy. 

Jojo entretient une relation secrète avec Teddy, un homme plus âgé, joué par Artus, dans un rôle inattendu, à contre-courant de son registre comique habituel. Artus n’incarne pas ici un camarade de lycée mais un adulte, sans doute le seul à offrir à Jojo un espace de désir et de tendresse. Une liaison clandestine, dans une région où tout finit par se savoir, surtout à l’ère des réseaux sociaux. Une vidéo circule, les soupçons se confirment, et Jojo devient le paria du village. 

Chevrollier filme la descente aux enfers de ce garçon avec une sobriété admirable. Les coups ne sont pas spectaculaires, mais ils pleuvent : les insultes, les regards, le harcèlement, l’homophobie crasse des parents. L’inéluctable devient évident. Et dans ce monde étouffant, une seule figure tient bon : Willy, son ami, son frère de cœur, celui qui ne lâche pas, qui reste. 

Sayyid El Alami, découvert dans Oussekine, est magistral dans le rôle de Willy. Il porte le film sur ses épaules, avec une intensité calme, une humanité bouleversante. Face à lui, Amaury Foucher, pour son premier rôle, donne à Jojo une fragilité solaire, un mélange de pudeur, de douleur et de grâce. On sent le poids du monde sur ses épaules, et l’impossibilité d’y échapper. 

Le film évite le piège du romantisme naïf. Ce n’est pas une bluette adolescente. Chevrollier ne nous propose pas un Close à la française. Il n’y a pas d’ambiguïté entre les deux amis, et c’est là l’un des grands mérites du film : il parle d’amitié, pas d’amour frustré. Il montre le soutien inconditionnel, la loyauté, la beauté du lien non-romantique, rare au cinéma. 

La Pampa, c’est aussi un portrait sans fard d’une France rurale, celle qui étouffe ses jeunes dans des carcans étroits, qui n’a pas encore fait le deuil de ses préjugés. Mais Chevrollier n’accable jamais. Il observe. Il filme la violence ordinaire, sans effets, sans cris inutiles, avec une économie de dialogues qui rend les silences encore plus éloquents. 

La photographie capte à merveille les terres vallonnées, les bosquets, les hangars, les routes poussiéreuses. Ce n’est pas une France de carte postale, c’est une France vraie, où les rêves des jeunes sont souvent sacrifiés sur l’autel des traditions ou du regard des autres. 

Le film est court, tendu, sans gras. Il va droit au cœur. La dernière scène vous laisse vidé. Non pas parce qu’elle vous surprend, mais parce qu’elle résonne avec une forme de fatalité qu’on espérait éviter. Et parce que cette amitié entre Willy et Jojo, aussi pure soit-elle, ne suffit pas à sauver de tout. 

La Pampa est un grand film d’amitié, de courage et de deuil, une chronique locale qui touche à l’universel. Sans fard, sans effets, mais avec une justesse bouleversante. Et si les larmes coulent, ce n’est pas à cause de la tristesse seulement, mais aussi parce qu’on y voit une vérité nue, criante, trop souvent tue. 

NOT E: 14.80

FICHE TECHNIQUE

Réalisation : Antoine Chevrollier Scénario : Antoine Chevrollier, Bérénice Bocquillon et Faïza Guène Musique : Sacha Galperine et Evgueni Galperine Décors : Gladys Garot Costumes : Margot Lavaleix Photographie : Benjamin Roux Son : Martin Boissau, Charlotte Butrak et Emmanuel Croset Montage : Lilian Corbeille Production : Nicolas Blanc Société de production : Agat Films Société de distribution : Tandem (France) Budget : 3 millions d'euros

DISTRIBUTION



 

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