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lundi 23 juin 2025

16.90 - MION AVIS SUR LE FILM LE CERCLE ROUGE DE JEAN PIERRE MELVILLE (1970)


 Vu le film Le  Cercle Rouge de Jean Pierre Melville (1970) avec Bourvil Alain Delon Gian Maria Volonté François Périer Yves Montand Jean Pierre Posier Anna Douking Jacques Leroy Pierre Amiot Jean Marc Boris 

(Les escaliers il y a plusieurs scènes mais je retiens celle de cette escalier qui va vers la bijouterie en étage)  

Le Cercle Rouge (1970) de Jean-Pierre Melville s’ouvre sur une fausse citation attribuée à Ramakrishna – invention absolue mais merveilleuse, presque une légende en soi – qui donne immédiatement le ton : nous sommes dans un univers où le destin, la fatalité, la solitude et l’honneur gouvernent les hommes plus sûrement que les lois ou la morale. « Quand les hommes, même s’ils s’ignorent, doivent se retrouver un jour… » Voilà la promesse du film. Et elle sera tenue. 

Le récit suit quatre trajectoires : Corey (Alain Delon), un truand au regard glacé qui sort de prison ; Vogel (Gian Maria Volontè), un prisonnier évadé qui s’échappe du train sous la garde du commissaire Mattei (Bourvil, extraordinaire contre-emploi) ; Jansen (Yves Montand), ancien flic ravagé par l’alcool et les hallucinations ; enfin, Mattei lui-même, figure implacable de la traque, homme à chats, obsessionnel, plus flic que policier. 

Chacun de ces hommes suit un itinéraire solitaire, presque philosophique. Ils ne sont pas psychologisés, ils sont stylisés. Chez Melville, la personnalité s’exprime par le port du manteau, le pli du pantalon, le claquement d’un briquet, la tension d’un regard. Les dialogues sont réduits à l’essentiel, parfois même au néant : c’est dans les silences, les gestes précis, la lenteur assumée des mouvements que se déploie toute la densité dramatique du film. On est dans du cinéma pur. Du cinéma qui pense avec ses images, qui parle avec ses cadrages, qui agit avec ses silences. 

La scène du casse de la bijouterie, longue de 27 minutes sans un mot, en est le sommet. Mélange de précision chirurgicale et de chorégraphie minimaliste, elle rend hommage à Rififi chez les Hommes de Jules Dassin tout en poussant encore plus loin la logique du rituel. Ce n’est pas un vol, c’est un acte sacré. Il n’y a pas de place pour l’improvisation, ni pour le bruit. On est dans le royaume du code, du pacte tacite entre des hommes qui ne se connaissent presque pas mais qui fonctionnent en parfaite harmonie. Ce qui rend leur fin d’autant plus poignante. 

Le style de Melville est austère, mais jamais froid. Il s’impose comme une discipline. L'image, signée Henri Decaë, baigne dans une lumière blafarde, hivernale, presque monochrome. Paris n’a jamais été aussi vide, aussi silencieuse, aussi grise. La bande-son est parcimonieuse, les rares notes musicales de Michel Colombier et d’Éric Demarsan accentuent l’abstraction et la tension. C’est un polar qui s’épure jusqu’à la quintessence. 

Et puis il y a les acteurs. Delon, déjà mythifié, est d’une froideur souveraine, hiératique. Volontè apporte une fièvre, un trouble, une animalité qui rompent avec l’ordre. Montand, dans un rôle intérieur et tragique, joue un homme qui revient à la vie à l’instant même où il choisit de la risquer. Et Bourvil, bouleversant de rigueur silencieuse, incarne une forme de loyauté désespérée à sa fonction – peut-être le plus melvillien de tous, au fond. 

Autour d’eux, une galerie de seconds rôles d’exception : François Périer en patron ambigu, Jean Pierre Posier André Ekyan… tout est calibré avec une rigueur quasi militaire. On ne sort pas de Le Cercle Rouge sans l’impression d’avoir assisté à une cérémonie. Ce n’est pas un simple film policier, c’est une méditation sur la solitude, la loyauté, le destin – et la possibilité d’un lien éphémère entre des hommes que tout, au fond, séparait. 

Le cercle rouge, c’est cette zone d’inévitabilité tracée par la vie ou la mort, le crime ou la loi, où tous les chemins convergent. Ils se retrouveront là, inéluctablement. Et nous, spectateurs, nous sommes happés à notre tour dans ce cercle. 

NOTE : 16.90

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