Vu le film La Seconde Vérité de Christian Jacq (1966) avec Robert Hossein Michelle Mercier André Luguet Bernard Tiphaine Pascale de Boysson Raymond Gérôme Jacques Castelot Bernard Musson Jean Pierre Darras Fernand Guiot Pierre Louis
Pierre Montaud, célèbre avocat, marié, s'éprend d'une jeune étudiante, Nathalie. Mais elle ne supporte plus de le voir en cachette et décide de rompre. Jaloux, il la menace avec un revolver, avant de perdre la mémoire. Le lendemain, un cadavre est découvert, avec son arme à proximité.
La Seconde Vérité s’inscrit dans une veine judiciaire et psychologique que n’aurait sans doute pas reniée André Cayatte. Un homme respecté, un avocat (Robert Hossein), se réveille un matin dans une maison isolée, en état de choc, couvert de sang, incapable de se souvenir de ce qui s’est passé. Dans une pièce voisine, le corps sans vie d’un autre homme. La victime ? Le mari de sa maîtresse (Michèle Mercier), elle-même bientôt compromise dans l’enquête. Ce postulat dramatique, à la fois simple et efficace, ouvre la porte à toutes les ambiguïtés : crime passionnel ? coup monté ? vengeance ? légitime défense ? ou simple perte de repères dans une histoire qui échappe à tous ?
Le scénario repose sur une amnésie partielle, et c’est dans cette brèche entre conscience et oubli que le film tente de creuser sa tension. L’enquête piétine, les souvenirs affleurent, et la vérité — ou plutôt les vérités — se chevauchent, se contredisent. Le titre est bien choisi. Car ce que nous raconte Christian-Jaque, c’est qu’il n’y a jamais une seule vérité, surtout lorsqu’elle est filtrée par le désir, la jalousie, le remords et les enjeux sociaux.
Certes, Christian-Jaque n’est pas Chabrol. Il n’a ni la cruauté entomologiste ni la précision au scalpel du cinéaste de La Femme infidèle ou des Noces rouges. Il ne cherche pas à disséquer les hypocrisies de la bourgeoisie, même si son film en frôle les contours. On est ici dans un cinéma plus classique, plus soucieux d’efficacité narrative que de subversion sociale. Cela n’empêche pas une tension soutenue, un rythme bien mené, et quelques scènes habilement construites.
Le tandem Robert Hossein / Michèle Mercier fonctionne, mais non sans heurts. Trintignant, tout en retenue, paraît parfois engourdi, comme si l’amnésie de son personnage le contaminait jusque dans son jeu. Mercier, quant à elle, est magnifiquement filmée, mais peine à incarner pleinement la duplicité ou la fragilité que requiert son rôle. On sent les deux comédiens en transition, pas encore totalement libérés d’un registre romanesque, mais déjà dans un cinéma plus trouble. Il faut dire que ce film se situe juste avant leur réunion dans l’univers d’Angélique, beaucoup plus flamboyant.
Là où le film convainc davantage, c’est dans sa mise en scène sobre, presque impersonnelle, mais diablement efficace. Christian-Jaque, artisan solide, filme les décors avec précision, sans chercher l'effet mais en soignant le cadre. Le huis clos judiciaire se double d’un huis clos mental. L’alternance entre souvenirs flous et confrontations policières donne lieu à quelques passages d’une réelle densité dramatique.
Mais voilà, malgré ses qualités, la fin déçoit. Elle semble céder à une logique de facilité, presque de morale rétablie, comme si le film, trop ambigu, devait à tout prix se refermer sur un dénouement net, quasi pédagogique. Ce retournement final — que l’on ne dévoilera pas ici — laisse une impression d’artifice, comme si le puzzle avait été bouclé à contre-courant de ce que l’ensemble laissait espérer. Une fin « réparatrice » qui affadit ce que le film avait de plus singulier.
La Seconde Vérité n’est pas un chef-d’œuvre méconnu, mais un film respectable, solide dans sa forme, intriguant dans son propos, parfois frustrant dans son exécution. Il vaut surtout pour cette tentative de faire basculer deux icônes du cinéma populaire (Trintignant et Mercier) dans une zone d’ombre, plus sèche, plus ambiguë. Et même si le trouble est de courte durée, il laisse une trace. Comme un songe un peu trop vite dissipé.
NOTE : 7.70
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Christian-Jaque
- Scénario : Christian-Jaque et Paul Andréota, d'après un roman de Jean Laborde inspiré de l'affaire Jaccoud[1]
- Dialogues : Jacques Sigurd
- Décors : Max Douy
- Photographie : Pierre Petit
- Montage : Jacques Desagneaux
- Son : Antoine Archimbaud
- Musique : Jacques Loussier
- Production : Agnès Delahaie
- Pays de production :
France
- Michèle Mercier : Nathalie Neuville
- Robert Hossein : Maître Pierre Montaud
- André Luguet : l'avocat
- Bernard Tiphaine : Vaden, stagiaire de Pierre Montaud
- Pascale de Boysson : Suzanne, secrétaire de Pierre Montaud
- Raymond Gérôme : le juge
- Jacques Castelot : le procureur
- Jean-Pierre Darras : le commissaire
- Jean Marchat : le procureur
- Bernard Musson
- Fernand Guiot : un reporter
- Pierre-Louis : le radio reporter
- Malka Ribowska : Hélène Montaud
- Jean-Claude Rolland : Olivier Lacat, la victime

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire