Vu le film Mort sur le Nil de John Guillermin (1978) avec Peter Ustinov Jane Birkin Angela Lansbury Bette Davies Maggie Smith David Niven Mia Farrow Simon MacCorkindale Lois Chiles
Sur le bateau à vapeur Karnak qui parcourt le Nil, Hercule Poirot doit élucider un mystérieux meurtre. Chacun des passagers ayant au moins une raison d'avoir assassiné Linnet Ridgeway, l'enquête n'en est que plus difficile pour le célèbre détective.
Les Escaliers oui évidement pour monter en haut des monuments face au Pyramide, mais surtout ces escaliers entre chaque étage du ferry où les intrigues se nouent, où Poirot espionne et où les couples se faufilent
Un décor de rêve, un crime en huis clos, un détective à moustaches et une galerie de suspects aussi distingués que perfides. Mort sur le Nil, version 1978, est à la fois un hommage fastueux au roman d’Agatha Christie et un pur produit d’un cinéma qui savait encore convoquer les grandes stars autour d’un simple cadavre.
L’histoire est bien connue des amateurs :
En Égypte, à bord d’un luxueux vapeur remontant le Nil, la belle et richissime Linnet Ridgeway (Lois Chiles), jeune héritière fraîchement mariée, est retrouvée assassinée d’une balle dans la tête. Très vite, les soupçons se tournent vers la passionnée et hystérique Jacqueline de Bellefort (incarnée avec intensité par Mia Farrow), ex-meilleure amie de Linnet et ancienne fiancée du mari, qui les suit partout comme une ombre. Mais ce serait trop simple, trop évident.
Hercule Poirot, en croisière plus qu’en vacances, se retrouve naturellement au centre de cette enquête. Armé de son calme imperturbable, de ses méthodes déductives infaillibles et de ses petites manies irrésistibles — les "petites cellules grises", son obsession pour la symétrie, son accent belge à couper au couteau — il observe, écoute, compile et finit par convoquer tous les suspects dans une scène d’explication théâtrale et délicieuse dont Agatha Christie avait le secret.
Le film de John Guillermin s’inscrit dans la tradition des adaptations luxueuses de Christie à l’écran, à l’image de Le Crime de l’Orient-Express (1974). On y retrouve le même goût pour les décors historiques, les costumes somptueux, et surtout cette idée que les crimes les plus odieux naissent souvent dans les milieux les plus policés. La haute société y est épluchée avec une ironie mordante : derrière les bonnes manières, on découvre des ruines financières, des rancunes, des trahisons, de vieilles histoires de famille et de puissants désirs de vengeance.
Bette Davis, impériale en vieille harpie sarcastique, flanquée d’une Maggie Smith plus qu’aigrie, son infirmière-complice au fiel acide.
Angela Lansbury, impayable en romancière alcoolique et intrusive, qui semble jouer une version déglinguée d’elle-même.
David Niven, charmant colonel anglais toujours tiré à quatre épingles.
George Kennedy, Jack Warden, Olivia Hussey, Jane Birkin… chacun tient son rôle avec panache.
Et puis, bien sûr, Peter Ustinov, dans sa première incarnation de Poirot au cinéma (il le jouera six fois par la suite). Son interprétation ronde et presque bonhomme, à mille lieues du Poirot sec et rigide des livres, fait mouche : il est malicieux, toujours légèrement en retrait, moqueur sans méchanceté, mais redoutablement intelligent. Ses manies deviennent presque affectueuses : il ajuste les couverts, lisse ses moustaches, se plaint du climat ou du manque de confort avec des airs de diva continentale — mais sous la comédie, perce l’œil du lynx.
Le suspense, lui, est savamment construit.
Guillermin prend son temps : l’intrigue s’installe lentement, à coups de scènes de jalousie, de conversations feutrées, de regards échangés sur le pont du bateau, jusqu’au basculement — le meurtre — qui ouvre le véritable bal des mensonges. L’enquête se déploie ensuite à rebours : chaque personnage est passé au crible, chaque alibi est revisité, chaque mobile revisité dans une spirale dramatique savoureuse.
La reconstitution de l’Égypte est somptueuse : tourné en décors réels, avec temples, sables et soleil écrasant, le film offre un vrai dépaysement. Mais ce cadre idyllique n’est qu’un trompe-l’œil : sous la surface, c’est la mesquinerie humaine qui règne.
Mort sur le Nil version 1978, c’est un plaisir coupable parfaitement assumé, un cocktail de cynisme, de glamour, de cruauté feutrée et d’intelligence narrative. Un whodunit classique mais redoutablement efficace, qui fascine toujours par la mécanique infernale de son scénario et le charme de son détective moustachu, Belge, s’il vous plaît ! dont les tics et l’élégance restent inimitables. Un modèle du genre, à savourer comme un bon poison dans une coupe de champagne.
NOTE : 14.10
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : John Guillermin
- Scénario : Anthony Shaffer, d'après le roman Mort sur le Nil d'Agatha Christie
- Musique : Nino Rota
- Photographie : Jack Cardiff
- Montage : Malcolm Cooke
- Décors : Peter Murton (en)
- Costumes : Anthony Powell, Rosemary Burrows, Germinal Rangel
- Production : John Brabourne et Richard B. Goodwin
- Société de production : Mersham Productions
- Société de distribution : Paramount Pictures
- Peter Ustinov (VF : Roger Carel) : Hercule Poirot, détective belge
- Jane Birkin (VF : Elle-même) : Louise Bourget, femme de chambre de Linnet
- Lois Chiles (VF : Anne Kerylen) : Linnet Ridgeway, riche héritière
- Bette Davis (VF : Lita Recio) : Madame Van Schuyler, vieille dame riche portée sur les perles
- Mia Farrow (VF : Arlette Thomas) : Jacqueline Jackie de Bellefort, meilleure amie de Linnet et ancienne fiancée de Simon
- Jon Finch (VF : Pierre Arditi) : Jim Ferguson, philosophe marxiste
- Olivia Hussey (VF : Brigitte Morisan) : Rosalie Otterbourne, fille de Salome
- George Kennedy (VF : Jean-Claude Michel) : Andrew Pennington, avocat et oncle de Linnet
- Angela Lansbury (VF : Paule Emanuele) : Madame Salomé Otterbourne, romancière alcoolique
- Simon MacCorkindale (VF : Jean Roche) : Simon Doyle, jeune comptable pauvre, époux de Linnet
- David Niven (VF : Roland Ménard) : Le colonel John Race, magistrat à la cour
- Maggie Smith (VF : Nadine Alari) : Miss Bowers, dame de compagnie de Mrs Van Schuyler
- Jack Warden (VF : Henri Labussière) : Dr. Ludwig Bessner, médecin allemand, directeur de clinique
- Harry Andrews (VF : Georges Atlas) : Barnstaple, maître d'hôtel de Linnet
- I. S. Johar (VF : Jean-Louis Maury) : M. Sharburi, manager du Karnac
- Sam Wanamaker (VF : Claude Joseph) : Rockford, adjoint de Pennington
- Barbara Hicks : l'institutrice (non créditée)
- Celia Imrie : la bonne, Daisy (non créditée)

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