Vu le film Certains l’Aiment Chaud de Billy Wilder (1959) avec Marilyn Monroe Tony Curtis Jack Lemmon George Raft Joe E. Brown Barbara Drew John Shawlee Mike Mazurki
Chicago 1929. Joe et Jerry, deux musiciens au chômage, obtiennent un contrat pour le bal de la Saint-Valentin. Cela fait d'eux, malheureusement, les seuls témoins d'un règlement de comptes entre deux bandes rivales. Le chef de l'une d'entre elles, Spats Colombo, les a repérés et voulus les éliminer.
"Certains l’aiment chaud" de Billy Wilder (1959) : personne n’est parfait, sauf peut-être ce film
Il y a des films qu’on admire, d’autres qu’on respecte, et quelques rares qui nous rendent heureux à chaque visionnage. Some Like It Hot appartient à cette dernière catégorie : c’est une comédie euphorisante, une machine à rire et à s’émouvoir, une dose de pur plaisir cinématographique, inusable, inoxydable, l’anti-dépresseur ultime. Si vous avez le blues, Billy Wilder a la solution : sortez votre DVD, votre VHS ou peu importe le support, et laissez-vous emporter une fois de plus par ce feu d’artifice de folie douce, de glamour éclatant et de burlesque ravageur.
Chicago, 1929. Joe et Jerry, deux musiciens fauchés, assistent malgré eux au tristement célèbre massacre de la Saint-Valentin orchestré par la pègre locale. Pour échapper aux tueurs lancés à leurs trousses, ils se déguisent en femmes et rejoignent un orchestre féminin en partance pour la Floride. Sous les pseudonymes de Josephine et Daphné, ils vont tenter de passer inaperçus… jusqu’à ce que Joe (Tony Curtis) tombe amoureux de la chanteuse Sugar Kane (Marilyn Monroe), tandis que Jerry (Jack Lemmon) se retrouve courtisé avec acharnement par un milliardaire un brin excentrique, Osgood Fielding III (formidable Joe E. Brown). Pendant ce temps, les gangsters se rapprochent dangereusement...
Ce qui frappe d'abord, c’est la virtuosité avec laquelle Wilder mêle les genres : il part d’un décor de film noir pur jus (avec gangsters, mitraillettes, costumes rayés et un George Raft impérial dans son meilleur rôle depuis Scarface), et fait basculer l’intrigue dans une comédie à déguisements, digne du Songe d’une nuit d’été. Le travestissement devient prétexte à toutes les transgressions, les jeux de rôles se multiplient, les identités se floutent — et c’est là que la folie du film surgit. On rit, mais pas bêtement : Certains l’aiment chaud est une mécanique de précision qui flirte sans cesse avec l’absurde, le pastiche, et même la tendresse.
Tony Curtis, splendide comme un jeune premier peint par Rembrandt, incarne Joe avec une aisance insolente. Il singe Cary Grant avec son accent snob quand il joue les millionnaires, mais finit toujours par trébucher dans les jupes de Sugar. Son complice Jerry, alias Daphné, est l’âme du film : Jack Lemmon, encore inconnu ou presque à l’époque, déchaîne un vent de folie pure. Sa gestuelle, ses mimiques, son regard halluciné quand il réalise qu’il prend plaisir à se faire courtiser par Osgood, tout est comique et bouleversant à la fois. C’est du slapstick mâtiné de psychanalyse, du burlesque existentiel.
Et puis il y a elle. Marilyn. Étincelante, sexy, maladroite, radieuse, un peu nunuche mais terriblement touchante. Quand elle apparaît avec son ukulélé (Julien Doré peut retourner à ses reprises), on comprend que Sugar Kane est déjà plus qu’un personnage : c’est une projection de Marilyn elle-même, star en pleine fragilité, séductrice malgré elle, enfant perdue en quête d’amour véritable. Wilder, qui la dirigea avec fermeté (et parfois exaspération), capte cette ambivalence dans chaque plan : Sugar est la douceur, la mélancolie sucrée qui donne au film sa tonalité doucement amère.
Le rythme est implacable. Pas un temps mort, pas une scène inutile. Wilder et son complice I.A.L. Diamond ont écrit des dialogues ciselés comme de la haute joaillerie : ça claque, ça fuse, ça chante. Entre les quiproquos, les doubles sens et les moments de pur non-sens, le spectateur est entraîné dans une spirale de rires et d’émotions. Même la scène finale, devenue légendaire, résume à elle seule l’esprit du film : "Nobody’s perfect", dit Osgood à Daphné-Jerry quand celui-ci, désespéré, lui avoue être un homme. Et Osgood de sourire, imperturbable. Rideau. Applaudissements.
Ce qui rend Certains l’aiment chaud si unique, c’est cette liberté folle qui y règne : liberté de ton, de genre, de désir. En 1959, tourner un film aussi ouvertement queer, où un homme tombe (sincèrement ?) amoureux d’un autre en robe du soir, où le travestissement ne prête pas seulement à rire mais à remise en question, c’était audacieux. Et ça le reste. Le film ne juge jamais, il embrasse. Il assume l’ambiguïté, la désobéissance, la confusion des sentiments. En cela, il est terriblement en avance sur son temps.
Aujourd’hui encore, Some Like It Hot reste l’un des sommets du cinéma comique. Il n’a pas vieilli : il s’est même bonifié. C’est un vin rare, un élixir de joie, une partition sans fausse note. On peut le revoir dix, vingt, cent fois : il y a toujours un gag qu’on n’avait pas vu, un éclat de rire qui surgit, une émotion qui nous saisit.
Alors oui, “Nobody’s perfect”. Mais ce film, lui, l’est presque.
NOTE : 17.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Billy Wilder
- Scénario : Billy Wilder et I. A. L. Diamond, d'après une histoire de Robert Thoeren et Michael Logan
- Musique : Adolph Deutsch
- Direction artistique : Ted Haworth
- Décors : Edward G. Boyle
- Costumes : Bert Henrikson et Orry-Kelly pour les robes de Marilyn Monroe
- Coiffures : Alice Monte et Agnes Flanagan
- Maquillage : Emile LaVigne
- Photographie : Charles Lang Jr.
- Effets spéciaux : Milt Rice
- Son : Fred Lau
- Montage : Arthur P. Schmidt ; Eve Newman (musique)
- Production : Doane Harrison, I. A. L. Diamond et Billy Wilder
- Société de production : Ashton Productions, Inc., Mirisch Company
- Société de distribution : United Artists Corporation
- Budget : 2 883 848
- Marilyn Monroe (VF : Claire Guibert) : Alouette Kane Kowalczyk (Sugar dans la VO[1])
- Tony Curtis (VF : Jean-Claude Michel) : Joe / Joséphine / Junior
- Jack Lemmon (VF : Roger Carel ; Roger Rudel pour la voix féminine) : Jerry / Géraldine / Daphné
- George Raft (VF : Jean Martinelli) : « Le Marquis » (Spats dans la VO) Colombo
- Joe E. Brown (VF : Alfred Pasquali) : Osgood Fielding III
- Pat O'Brien (VF : René Blancard) : Détective Mulligan
- Nehemiah Persoff (VF : Frédéric O'Brady) : le Petit Bonaparte
- Joan Shawlee (VF : Danièle Roy) : Sue
- Billy Gray (VF : Henri Charrett) : Sig Poliakoff
- George E. Stone (VF : Leonce Corne) : Toothpick Charlie
- Dave Barry (en) (VF : Jacques Hilling) : monsieur Beinstock
- Mike Mazurki (VF : Raymond Destac) : un homme de main de Colombo
- Harry Wilson : un homme de main de Colombo
- Barbara Drew (VF : Raymonde Devarennes) : Nellie
- Beverly Wills (en) (VF : Nadine Alari) : Dolores
- Edward G. Robinson Jr. (VF : Serge Sauvion) : Johnny Paradise
- Acteurs non crédités
- Al Breneman : le groom
- Pat Comiskey : un homme de main de Colombo
- Tom Kennedy : un videur
- Tipp McClure : un homme de main de Colombo
- Tito Vuolo : Mozzarella

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