Vu le film Lads de Julien Menanteau (2025) avec Marco Luraschi Phenix Brossard Marc Barbé Jeanne Balibar Ethelle Gonzalez Lardued Léon Vital
Ethan, 17 ans, devient apprenti-jockey dans une écurie d'obstacles, l'épreuve la plus violente du galop. Au contact des purs-sangs, il découvre le monde des courses, des paris et de l'argent. Sa passion grandit, sa frustration aussi. Courir pour gagner, mais toujours au service des autres. Bientôt il devra choisir : transgresser les règles ou sauver sa peau.
Julien Menanteau avait en main une matière passionnante : le monde des courses hippiques, ses lads, ses jockeys, ses coulisses souvent méconnues. On aurait pu espérer un film à la fois réaliste et romanesque, une fresque qui rende hommage à un univers où la passion des chevaux, les amitiés de piste et les rêves de gloire côtoient aussi les tricheries et les désillusions. Malheureusement, Lads échoue à trouver sa ligne directrice et donne l’impression de se perdre dans un discours univoque sur le dopage et les courses truquées, comme si le scénariste avait voulu solder des comptes personnels avec ce milieu. Bien sûr que ces dérives existent, mais réduire les courses à cela, c’est passer à côté de la grandeur et de la beauté que le turf peut offrir.
L’histoire suit Ethan (Marco Luraschi), un jeune lad d’écurie, censé représenter cette jeunesse prête à tout pour entrer dans le circuit. Mais dès les premières scènes, on sent un décalage : l’acteur, solide cavalier dans la vie, sait monter à cheval – héritage évident de son père, Mario Luraschi, cascadeur équestre réputé – mais son physique plus mûr et massif rend difficile l’illusion du jeune apprenti. Surtout, son jeu reste limité, manquant de nuances pour exprimer la passion, l’ambition ou les dilemmes d’un tel personnage. Cela fragilise d’emblée l’identification du spectateur.
À ses côtés, heureusement, Phénix Brossard apporte une bouffée d’air et de justesse. Chaque fois qu’il apparaît, le film gagne en intensité. Son charisme, sa présence sobre mais magnétique, rappellent qu’il fait partie des meilleurs comédiens de sa génération, trop rarement mis en avant. Dans Lads, il incarne un camarade de Ethan, oscillant entre rivalité et fraternité, et c’est dans ces moments-là que l’on entrevoit ce que le film aurait pu être : une chronique humaine, une plongée sensible dans la vie de ces garçons des écuries.
Le problème majeur réside dans la mise en scène. Menanteau filme les hippodromes et les courses, mais sans cohérence. Les lieux cités ne correspondent pas toujours aux épreuves montrées, et pour un spectateur averti – qui connaît le turf sur le bout des doigts – cela sonne faux et fait immédiatement décrocher. On sent qu’il y avait de belles images à capturer, mais la caméra se contente d’illustrer un discours sans véritable lien avec la réalité du terrain. Les plans de courses, pourtant au cœur du sujet, manquent de souffle et de continuité : on ne vibre jamais comme on le devrait face à une ligne droite finale ou un départ au cordeau.
L’intrigue, elle, aurait pu explorer la solidarité des lads, les rêves de gloire avortés, la relation fusionnelle entre un cavalier et sa monture. Mais non : le récit s’enlise dans une mécanique de dénonciation, autour du dopage et de la manipulation des courses, qui finit par lasser. Le spectateur espérait des émotions, de la sueur, de la poussière, des histoires d’hommes et de chevaux, et il se retrouve face à une sorte de pamphlet qui tourne en rond.
Certes, il y a de beaux plans, des images soignées qui flattent parfois l’œil, notamment dans les scènes au petit matin dans les écuries, ou lors des séquences en extérieur. Mais cela ne suffit pas. Le film, trop lent, trop appuyé dans son message, finit par devenir ennuyeux. L’absence de rythme dramatique se fait cruellement sentir, au point que l’on oublie presque que l’on est censé suivre une histoire de passion et de sport.
À la sortie, le sentiment est amer : un potentiel gâché. On aurait aimé un récit à la fois authentique et vibrant, comme il en existe tant dans le milieu hippique, où les lads, souvent venus de rien, se battent pour leur place et vivent des aventures humaines incroyables. On aurait aimé sentir la ferveur d’un hippodrome un dimanche de Grand Prix, l’émotion d’une victoire inattendue, la beauté d’un cheval lancé à pleine vitesse. Au lieu de cela, on sort avec l’impression d’avoir assisté à une démonstration figée, un film qui dénonce mais qui oublie de raconter.
Lads se résume à un paradoxe : il avait tout pour être un grand film populaire et poignant, mais il reste prisonnier d’un scénario étroit et d’une direction d’acteurs inégale. Marco Luraschi, bon cavalier mais comédien maladroit, peine à porter le rôle principal. Phénix Brossard, lui, confirme une fois de plus son talent, mais sa présence ne suffit pas à sauver l’ensemble. Quant à la mise en scène, elle accumule les incohérences qui irritent les connaisseurs et empêchent l’immersion. Résultat : un film au potentiel certain, mais qui, faute de vision claire, nous laisse sur notre faim.
Un comble pour une histoire de turf : à force d’avoir voulu dénoncer les tricheries, Lads oublie la magie des courses, et l’on sort de la salle comme on quitte un pari raté – avec la désagréable sensation d’avoir misé sur le mauvais cheval.
NOTE : 9.90
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Julien Menanteau
- Scénario : Julien Menanteau et Nour Ben Salem
- Musique : Jack Bartman
- Décors : Laure Satgé
- Costumes : Marta Rossi
- Photographie : Julien Ramirez Hernan
- Son : Romain Cadilhac, Renaud Guillaumin et Philippe Charbonnel
- Montage : Manon Falise
- Production : Laurent Lavolé
- Société de production : Beside Productions, Gloria Films et Pictanovo
- Société de distribution : ARP Sélection
- Marco Luraschi : Ethan
- Jeanne Balibar : Suzanne
- Marc Barbé : Hans
- Phénix Brossard : Lucas
- Léon Vital : le père
- Ethelle Gonzalez Lardued : Zoé

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