Vu le film The Party de Blake Edwards (1968) avec Peter Sellers Sharon Kimberly Claudine Longet Dick Crockett Marge Champion Nataloa Borisova Fay McKenzie Al Checco Steve Franken
Bakshi, un acteur indien extrêmement maladroit et distrait, engagé dans une grosse production hollywoodienne, fait exploser par mégarde la forteresse construite à grands frais pour les besoins du film. Le producteur Fred Clutterbuck entre dans une colère terrible et entreprend d'inscrire Bakshi sur sa liste noire.
Oublions d’abord le blackface de Peter Sellers – qui ferait aujourd’hui hurler bien des sensibilités – pour entrer de plain-pied dans cent minutes de délire comique orchestrées par Blake Edwards à l’écriture et Peter Sellers à l’interprétation. Edwards conçoit un terrain de jeu millimétré où chaque gag est préparé avec précision, et Sellers y déploie un numéro ininterrompu qui va bien au-delà de la simple grimace. C’est du burlesque raffiné, subtil, construit comme une mécanique de précision, mais qui donne l’impression d’une improvisation folle.
The Party est sans doute le film sonore le plus proche du cinéma muet de l’âge d’or : impossible de ne pas penser à Laurel et Hardy. On est littéralement emporté par une pluie – que dis-je, un ouragan – de rires, tant le comique n’y connaît aucune pause. Edwards a cette spécialité rare : non seulement le premier plan est comique, mais l’arrière-plan l’est aussi. Tout, absolument tout dans le cadre, est conçu pour être un gag potentiel. Et c’est ce qui rend le film inépuisable : il faut le voir plusieurs fois, une fois en se concentrant sur Sellers, une autre en observant ce qui se passe autour, à gauche, à droite, derrière lui.
Peu de spectateurs savent qu’Edwards a conçu ce film comme une parodie de La Nuit d’Antonioni, qu’il trouvait d’une lenteur insupportable. Résultat : là où Antonioni s’attarde sur le vide existentiel, Edwards s’amuse à le dynamiter par une avalanche de catastrophes. Pour beaucoup, The Party reste l’un des sommets de la comédie, peut-être même le film le plus drôle jamais tourné. Pour ma part, je considère depuis toujours que c’est le film comique par excellence du cinéma parlant, malgré une copie qui a un peu vieilli.
Le pitch est minimaliste : Hrundi V. Bakshi (Peter Sellers), un acteur indien maladroit, est viré d’un tournage après avoir fait exploser un décor. Par erreur, il est invité à une soirée mondaine hollywoodienne, dans une villa luxueuse. À partir de là, tout dérape : Sellers est un éléphant dans un magasin de porcelaine… et, clin d’œil, Edwards en fait venir un vrai, peint de couleurs psychédéliques, qui traverse le salon transformé en champ de bataille de mousse.
Le film est construit comme un long crescendo. Chaque détail est prétexte à gag : une chaussure qui se coince, un instrument de musique qui se brise, un bouton qui lâche, une chasse d’eau qui résonne sous les notes de Mancini. Tout devient prétexte à catastrophe. Sellers y déploie l’étendue de son registre : maladresse, naïveté, dignité contrariée, improvisation géniale.
À ses côtés, deux personnages volent régulièrement la vedette : d’abord le serveur (Steve Franken), dont l’occupation principale est de finir tous les verres qu’il trouve. Son ivresse progressive devient un fil rouge hilarant, chaque chute et chaque réplique accentuant le chaos général. Ensuite, évidemment, Bakshi lui-même, dont la bonne volonté entraîne une succession de malentendus jusqu’à une guerre nucléaire miniature qu’il déclenche presque à lui seul sous le regard ahuri des invités.
Ce que fait Edwards est simple mais rare : il compose une véritable symphonie de gags. Chaque fil, chaque objet, chaque personnage est une note, et Sellers en est l’instrumentiste principal. Le spectateur, lui, est ballotté, essoufflé, pris de fous rires qui font mal au ventre – prévoir plusieurs culottes pour tenir les 90 minutes, comme je le dis toujours.
Quant à la musique, Henry Mancini fait des merveilles. Sa partition est omniprésente, élégante, ironique, et épouse chaque gag comme un partenaire comique. Même une chasse d’eau devient musicale, et Edwards recycle des échos de La Panthère Rose dans ce chaos organisé. La bande-son ne souligne pas seulement l’action : elle danse avec elle.
The Party est plus qu’une comédie : c’est un hommage au burlesque muet, une satire de l’ennui mondain, et une démonstration éclatante de l’art comique de Sellers. On n’y trouve pas la Panthère Rose, mais bel et bien un éléphant bariolé qui piétine la bienséance et fait éclater la mousse. Une fête de cinéma, totale, délirante, où chaque plan déborde de gags. Bref, un carton d’invitation qu’on aimerait tous recevoir.
NOTE : 17.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Blake Edwards
- Scénario : Blake Edwards, Frank Waldman (en) et Tom Waldman (en) d'après une histoire originale de Blake Edwards
- Direction artistique : Fernando Carrere
- Décors : Reg Allen et Jack Stevens
- Costumes : Jack Bear
- Photographie : Lucien Ballard
- Son : Robert Martin
- Montage : Ralph E. Winters (image), Ben Smith (son)
- Musique : Henry Mancini
- Conseiller musical sitar : Ravi Shankar (non crédité)
- Production : Blake Edwards ; Ken Wales (associé) ; Walter Mirisch (exécutif)
- Société de production : The Mirisch Corporation
- Société de distribution : United Artists, Les Artistes associés (France)
- Peter Sellers (VF : Michel Roux) : Hrundi V. Bakshi
- Claudine Longet : Michelle Monet
- J. Edward McKinley (VF : Claude Bertrand) : Fred Clutterbuck
- Marge Champion : Rosalind Dunphy
- Sharron Kimberly : la princesse Helena
- Denny Miller (VF : Jean-Claude Michel) : Wyoming Bill Kelso
- Gavin MacLeod : C. S. Divot
- Buddy Lester : Davey Kane
- Fay McKenzie : Alice Clutterbuck
- Kathe Green : Molly Clutterbuck
- Stephen Liss : Geoffrey Clutterbuck
- Steve Franken : Levinson, le serviteur saoul
- Jean Carson : la nounou
- Al Checco : Bernard Stein
- Corinne Cole : Janice Kane
- Dick Crockett (en) : Wells
- Frances Davis : la domestique
- Danielle De Metz : Stella D'Angelo
- Herbert Ellis : le réalisateur
- Paul Ferrara : Ronnie Smith
- Allen Jung : le cuisinier
- James Lanphier : Harry
- Jerry Martin : Bradford
- Elianne Nadeau : Wiggy
- Tom Quine : le député Dunphy
- Timothy Scott : Gore Pontoon
- Ken Wales : l'assistant réalisateur
- Carol Wayne : Julie Warren
- Donald R. Frost : le batteur
- Helen Kleeb : la secrétaire de Clutterbuck
- Linda Gaye Scott : la starlette
- Natalia Borisova : la ballerine
- Jerry Martin : Bradford
- Vin Scully : lui-même (voix) (non crédité)

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