Vu le Film Les Hommes du Président de Alan J.Pakula (1976) avec Robert Redford Dustin Hoffman Jason Robards Hal Holbrook Jacl Warden Meredith Baxter Jane Alexander Stephen Collins Martin Balsam Ned Beatty F.Murray Abraham
Washington, juin 1972. Alors que le premier mandat de Richard Nixon s'achève et que la campagne des primaires vient de commencer, la police surprend des cambrioleurs nocturnes au siège du parti démocrate, dans l'immeuble du Watergate.
Les Hommes du Président (1976) reste, presque cinquante ans après sa sortie, l’un des témoignages les plus puissants de ce que le cinéma américain des années 70 a su accomplir : un mélange de rigueur journalistique, de tension dramatique et de cinéma d’investigation, porté par un souffle réaliste qui ne s’est pas démodé. Alan J. Pakula signe ici le troisième volet officieux de sa « trilogie de la paranoïa » (Klute, The Parallax View puis ce film), et atteint sans doute son sommet en reconstituant minutieusement l’enquête du Washington Post sur le scandale du Watergate. L’histoire est connue : en 1972, cinq hommes sont arrêtés pour avoir pénétré par effraction dans l’immeuble du Watergate, siège du Parti Démocrate. Ce qui pourrait n’être qu’un fait divers se transforme, grâce à l’acharnement de deux jeunes journalistes, Bob Woodward (Robert Redford) et Carl Bernstein (Dustin Hoffman), en une enquête d’une ampleur telle qu’elle finit par mettre en cause le président des États-Unis lui-même.
Ce qui fascine d’emblée, c’est la précision du scénario de William Goldman, adapté du livre des deux reporters. Le film se refuse aux effets spectaculaires et préfère s’appuyer sur un travail d’orfèvre : chaque source doit être vérifiée, chaque détail recoupé, chaque mot pesé. Le spectateur devient à son tour enquêteur, partagé entre l’obsession de la vérité et la peur de ne pas pouvoir la faire éclater. C’est une véritable leçon de cinéma et de journalisme, où le suspense naît moins de la menace physique que de la fragilité de l’information. La mise en scène de Pakula, toujours discrète et millimétrée, souligne cette tension : ses plans larges, souvent habités par le vide et le silence, donnent à voir la solitude de la recherche de vérité dans un monde dominé par la puissance du pouvoir politique.
La photographie de Gordon Willis, surnommé « le prince des ténèbres », participe de cette atmosphère unique. Ses contrastes marqués, ses plongées dans les archives et ses jeux d’ombres transforment une salle de rédaction en théâtre dramatique. On a parfois l’impression que la lumière elle-même se bat pour faire émerger les faits. Cette stylisation sert parfaitement l’idée que la vérité est enfouie, qu’il faut l’arracher à l’opacité du pouvoir.
Le duo Redford/Hoffman incarne à merveille cette complémentarité journalistique : le premier, méthodique, presque froid, le second, nerveux, instinctif. Leurs démarches, leurs façons de poser des questions, de convaincre une source réticente, composent une partition à deux voix qui fait encore école aujourd’hui. Autour d’eux, les seconds rôles achèvent de donner au film sa densité : Jason Robards, formidable en rédacteur en chef Ben Bradlee, autoritaire et protecteur à la fois, incarne la conscience morale de la presse. Hal Holbrook, dans l’ombre, devient une figure mythique avec son « Gorge Profonde », ce mystérieux informateur dont l’identité sera révélée seulement des décennies plus tard.
Voir aujourd’hui Les Hommes du Président, c’est aussi mesurer ce que la liberté de la presse signifiait aux États-Unis dans les années 70. Un journal pouvait, à force de ténacité, renverser un président. On imagine difficilement un tel rapport de force en France à la même époque, où la presse restait plus bridée. Et si l’Amérique actuelle, à l’ère Trump et des fake news, ne se reconnaît plus toujours dans ce modèle, le film rappelle combien le quatrième pouvoir est indispensable à la démocratie. À l’heure où certains journalistes privilégient la vitesse ou la rumeur à la vérification, ce récit minutieux apparaît comme un manifeste : rien n’a plus de valeur qu’un fait vérifié, recoupé, attesté.
le film de Pakula est à la fois un thriller politique, un document historique et un hommage au journalisme d’investigation. Il illustre l’âge d’or du Nouvel Hollywood, celui où des cinéastes osaient mettre en scène la défiance envers les institutions et la quête de vérité des individus. C’est cette audace, cette précision et ce respect de l’intelligence du spectateur qui font de Les Hommes du Président un bijou du cinéma américain, un film dont on ne se lasse pas et qui reste, plus que jamais, d’actualité. *
NOTE : 17.90
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Alan J. Pakula
- Scénario : William Goldman, d'après le livre Les Hommes du président de Carl Bernstein et Bob Woodward
- Photographie : Gordon Willis
- Décors : George Jenkins, George Gaines
- Musique : David Shire
- Montage : Robert L. Wolfe (de)
- Son : Arthur Piantadosi, Les Fresholtz, Rick Alexander et James E. Webb
- Effets spéciaux : Henry Millar
- Producteur : Walter Coblenz (de)
- Société de production : Wildwood Enterprises
- Société de distribution : Warner Bros.
- Pays de production :
États-Unis - Budget : 8 500 000 $
- Dustin Hoffman (VF : Francis Lax) : Carl Bernstein
- Robert Redford (VF : Claude Giraud) : Robert « Bob » Woodward
- Jack Warden (VF : André Valmy) : Harry M. Rosenfeld (en), rédacteur chargé des informations locales
- Martin Balsam (VF : Albert Médina) : Howard Simons (en), chef d'édition
- Hal Holbrook (VF : François Chaumette) : « Gorge profonde »
- Jason Robards (VF : René Arrieu) : Ben Bradlee, rédacteur en chef
- Jane Alexander : Judy Hoback Miller (en)
- Meredith Baxter (VF : Béatrice Delfe) : Deborah Sloan
- Ned Beatty (VF : Jacques Ferrière) : Martin Dardis
- Stephen Collins (VF : Pierre Fromont) : Hugh Sloan
- Penny Fuller (VF : Évelyn Séléna) : Sally Aiken
- John McMartin : Scott, le rédacteur chargé de l'étranger
- Robert Walden (VF : Bernard Murat) : Donald Segretti
- Frank Wills (en) : lui-même
- F. Murray Abraham (VF : Maurice Sarfati) : le sergent Paul Leeper
- Nicolas Coster : Markham
- Lindsay Crouse : Kay Eddy
- Valerie Curtin : Miss Milland
- Richard Herd : James McCord
- David Arkin : Eugene Bachinski
- Henry Calvert : Bernard L. Barker
- Dominic Chianese : Eugenio R. Martinez
- Nate Esformes : Virgilio R. Gonzales
- Ron Hale : Frank Sturgis
- James Karen (VF : Raoul Delfosse) : l'avocat de Hugh Sloan
- Gene Lindsey : Alfred D. Baldwin
- Allyn Ann McLerie : Carolyn Abbott
- Jess Osuna : Joe, l'agent du FBI
- Neva Patterson : la femme du Comité de réélection du président
- George Pentecost : George
- Penny Peyser : Sharon Lyons
- Joshua Shelley : Al Lewis
- Ralph Williams : Ray Steuben
- Polly Holliday : la secrétaire de Dardis
- Paul Lambert (en) : le rédacteur chargé du national
- Frank Latimore : le juge
- Gene Dynarski : l'employé de la cour
- Bryan Clark : le procureur
- James Murtaugh : l'employé de la bibliothèque du congrès
- Anthony Mannino et Lelan Smith : les agents procédant à l'arrestation
- John O'Leary et George Wyner : les avocats
- Sloane Shelton : la sœur de Judy Hoback Miller
- Jaye Stewart : le bibliothécaire
- Leroy Aarons : le rédacteur chargé de l'économie
- John Devlin : le rédacteur chargé de la métropole
- John Furlong (en) : le rédacteur chargé des nouvelles
- Stanley Bennett Clay : un assistant du rédacteur chargé de la métropole
- Basil Hoffman : un assistant du rédacteur chargé de la métropole
- Jess Nadelman : un assistant du rédacteur chargé de la métropole
- Richard Venture : un assistant du rédacteur chargé de la métropole
- Wendell Wright : un assistant du rédacteur chargé de la métropole
- Carol Coggin et Shawn Shea : les assistants aux nouvelles
- Laurence Covington : la présentatrice des nouvelles
- Sidney Ganis : le pigiste de Los Angeles
- Jamie Smith-Jackson et Ron Menchine : les bibliothécaires du Post
- Doug Llewelyn : un assistant de la Maison Blanche
- Christopher Murray (en)] : un assistant photographe
- Florence Pepper : la réceptionniste du Post
- Barbara Perlman : la réceptionniste du CRP
- Louis Quinn : le vendeur
- Carol Trost : la secrétaire de Ben Bradlee
- Bill Willens : un hippie
- Donnlynn Bennett, Amy Grossman, Cynthia Herbst, Mark Holtzman, Barbara Lipsky, Jeff MacKay, Irwin Marcus, Greg Martin, Noreen Nielson, Peter Salim, Marvin Smith, Pam Trager : des reporters

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