Vu le film Le Domaine de GiovannI Aloi (2025) avec Félix Lefebvre Lola de Lann Rachid Guelaz Raphael Thierry Lina Camelia Lumbroso Patrick D’Assumçao Marguerite Perrotte
Damien, étudiant à la dérive, accepte un emploi dans un relais de chasse tenu par deux malfrats locaux. Ces derniers utilisent leur domaine pour couvrir des activités illégales où jeux d'argent et prostitution se mêlent. Suite à la disparition d'une escort, Damien s'engouffre dans une spirale de règlements de comptes.
Avec Le Domaine, Giovanni Aloi signe un deuxième long-métrage aussi troublant qu’ambitieux, après le très prometteur La Troisième Guerre. Ici, il délaisse l’univers militaire pour plonger dans une affaire criminelle réelle, la « Tuerie de Belhade », transposée à Saint-Nazaire. En 1985, un relais de chasse devient le théâtre d’une série de meurtres, mêlant violence, rumeurs de proxénétisme et témoignages contradictoires. Plus qu’un simple polar, le film se veut une interprétation, presque une hallucination, autour d’un mystère judiciaire encore nimbé d’ombre. Aloi ne cherche pas à reconstituer les faits de manière documentaire mais à saisir la psyché d’un garçon happé par une mécanique criminelle qu’il ne comprend pas.
Ce garçon, c’est Damien, étudiant sans véritable volonté, interprété par un Félix Lefebvre hypnotique. Aloi a l’intelligence de filmer Damien comme un personnage dissocié : une voix-off parcourt tout le film, comme si le héros se parlait depuis un ailleurs, déjà détaché du monde tangible. C’est par cette voix, détimbrée et presque monotone, que l’on perçoit le gouffre entre ce qu’il vit et ce qu’il ressent. Le Domaine devient alors moins une fresque criminelle qu’un rêve fiévreux, où les gestes semblent dictés par d’autres, où les choix ne sont plus que des réflexes d’obéissance.
Félix Lefebvre, depuis Été 85, fait toujours les bons choix et confirme ici sa finesse d’acteur : pas d’esbroufe, pas de surjeu, juste une présence nerveuse, inquiète, jamais ridicule. Il porte le film, littéralement, sur ses épaules. Mais Aloi ne l’abandonne pas seul dans ce labyrinthe. Patrick D’Assumçao, massif et inquiétant, incarne une figure d’autorité trouble, presque paternelle mais toujours dominatrice, tandis que Lola Le Lann, d’une grâce presque détachée, glisse dans l’intrigue comme une apparition : présence douce, mais jamais vraiment rassurante. Ces personnages ne sont jamais totalement expliqués, ni héroïsés, ni diabolisés — ils appartiennent à ce flou qui constitue l’ADN du film.
L’ambiance, poisseuse, fait merveille. On pense parfois à Fabrice Du Welz : ce mélange d’étrangeté, de trivialité et de visions presque mystiques qui traversent des contextes sordides. Aloi filme la crasse et le luxe d’un même geste, il parvient à rendre ces Landes déplacées à Saint-Nazaire à la fois réalistes et irréelles, comme si le décor lui-même s’était mis à respirer la culpabilité des protagonistes. La mise en scène aime les silences, les hors-champs, les regards qui ne se croisent pas. Les images, parfois magnifiques, semblent raconter autre chose que le scénario, comme si l’appareil captait le vertige intérieur de Damien mieux que ses mots.
C’est aussi là que réside la force du film : dans ses imperfections, dans ses zones d’opacité. Le scénario ne cherche pas à tout clarifier, ni à moraliser. La mécanique criminelle reste
NOTE : 13.40
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Giovanni Aloi
- Scénario : Giovanni Aloi, Dominique Baumard, Sébastien Gendron, Thierry Lounas et Claire Bonnefoy
- Musique : Frederic Alvarez
- Décors : Florent Chicouard
- Costumes :
- Photographie : Martin Rit
- Son : Jean Collot
- Montage : Rémi Langlade
- Production : Thierry Lounas
- Société de production : Capricci Production
- Société de distribution : Capricci Production
- Félix Lefebvre : Damien
- Patrick d'Assumçao : Malaury
- Raphaël Thiéry : Pasquini
- Lina-Camélia Lumbroso : Daria
- Lola Le Lann : Célia
- Rachid Guellaz : Malik
- Marguerite Perrotte : Gladys

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