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dimanche 7 septembre 2025

12.00 - MON AVIS SUR LE FILM LA SOURIS QUI RUGISSAIT DE JACK ARNOLD (1959)


 Vu le Film La Souris qui Rugissait de Jack Arnold (1959) avec Peter Sellers Jean Seberg Davis Kossof WilliamHartnell Léo McKern MacDonald Park Alan Gifford 

Le Duché du Grand Fenwick est un minuscule État des Alpes, dirigé par la Grande-Duchesse Gloriana. La situation économique devenant désastreuse en 1959, le gouvernement décide de déclarer la guerre aux États-Unis pour la perdre aussitôt et obtenir une aide économique pour le développement du pays (dans la logique du plan Marshall). Une pitoyable armée d'archers moyenâgeux est envoyée en Amérique, dirigée par le très modeste Tully Bascombe. 

La Souris qui rugissait (The Mouse That Roared, 1959) de Jack Arnold est de ces fables insensées qui tiennent miraculeusement debout parce qu’elles assument jusqu’au bout leur folie douce. Le postulat seul donne le ton : le minuscule duché du Grand Fenwick, quelque part dans les Alpes, pas plus grand qu’Andorre ou le Liechtenstein, au bord de la ruine, décide de déclarer la guerre aux États-Unis. Non par haine ni par vengeance, mais par pur calcul financier : perdre face à l’Amérique garantirait une reconstruction aux frais du vainqueur. Sauf qu’un concours de circonstances transforme cette farce diplomatique en triomphe militaire accidentel. 

Jack Arnold, connu jusque-là pour ses séries B de science-fiction (L’Étrange créature du lac noirTarantula), signe ici une comédie politique d’une audace réjouissante. Sous ses airs d’opérette loufoque, le film met en jeu des thématiques graves : l’absurdité des alliances, la dissuasion nucléaire, la petitesse des ambitions humaines face aux armes de destruction massive. Mais Arnold ne le fait jamais frontalement : il le travestit dans un humour à mi-chemin entre Benny Hill, les Monty Python avant l’heure et ce que ZAZ (les auteurs d’Y a-t-il un pilote dans l’avion ?fera plus tard avec la parodie à grande échelle. 

Le scénario repose sur un principe de dissonance constante : un conflit planétaire mené par une poignée de soldats en armures médiévales avec arcs et hallebardes ; des diplomates qui raisonnent comme des boutiquiers ; un chef de guerre si stupide qu’il en devient désarmant ; un scientifique américain brillant, mais candide au point de livrer à l’ennemi la bombe la plus puissante jamais conçue. Les protagonistes sont tous à un degré de bêtise qui force l’attachement. Ce n’est pas de la satire méchante, mais de la dérision tendre, presque caressante, qui souligne à quel point le monde moderne peut être gouverné par le hasard et l’incompétence. 

Et c’est là qu’intervient Peter Sellers, absolument irrésistible. Avant la gloire de Dr. Folamour, il s’essaie déjà ici au défi de l’ubiquité : il incarne trois rôles – la Grande-Duchesse Gloriana XII, le Premier ministre et le commandant de l’armée, Tully Bascomb. Chacun est une variation d’idiotie, mais chacun possède aussi un petit éclat d’humanité, ce qui donne au film une chaleur inattendue. On devine déjà dans ce jeu multiple le futur génie de Sellers pour les compositions dédoublées et les personnalités contradictoires. 

À ses côtés, Jean Seberg, fraîchement lancée à Hollywood et sur le point de devenir l’icône de la Nouvelle Vague dans À bout de souffle, apporte une élégance fraîche et légèrement lunaire au rôle d’Helen, la fille du professeur américain inventeur de la fameuse bombe. Elle incarne la douceur dans un univers d’imbéciles, une sorte de pivot romantique qui humanise encore la fable sans jamais la ralentir. 

La mise en scène d’Arnold est étonnamment vive : montage sec, gags visuels précis, tempo soutenu – rien ne s’éternise, chaque séquence pousse le ridicule un cran plus loin, mais avec une logique interne solide. Là où d’autres comédies s’essouffleraient, celle-ci trouve sans cesse de nouvelles idées : l’invasion “discrète” de New York, la capture accidentelle de l’arme nucléaire, la diplomatie mondiale prise de court par ce minuscule royaume devenu puissance dominante par erreur. 

Ce qui rend le film si délicieux, c’est cette capacité à transformer l’improbable en évidence, à faire croire sans effort qu’un duché d’opérette peut renverser les équilibres mondiaux par pure bévue. C’est une satire à l’anglaise dans l’âme, même tournée par un Américain, car elle observe la politique internationale comme une vaste cour de récréation où les plus idiots ne sont pas forcément les plus inoffensifs. 

La Souris qui rugissait est une réussite totale : drôle, vif, irrévérencieux, mais jamais gratuit. Jack Arnold, sans renier le burlesque, met en lumière les absurdités du pouvoir, la fragilité des superpuissances et la logique souvent grotesque qui gouverne les affaires humaines. Et grâce à Sellers et Seberg, le film gagne ce supplément d’âme qui transforme la farce en petite merveille intemporelle. 

NOTE : 12.00

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