Vu le Film Brubaker de Stuart Rosenberg (1980) avec Robert Redford David Keith Yaphet Kotto Morgan Freeman Jane Alexander Murray Hamilton Matt Clark Everett McGill Tim McIntyre M.Emmet Walsh Joe Spinell Konrad Sheeman
Henry Brubaker, le nouveau directeur du pénitencier de Wakefield, se dissimule pendant plusieurs jours parmi trois cents détenus du pénitencier de Wakefield afin de mener incognito l'enquête sur la vie carcérale de l'établissement. Sa mission : assainir et réformer l'établissement.
Brubaker est un de ces films qui marquent dès leur première séquence. L’histoire, inspirée de faits réels, s’ouvre dans une prison rurale de l’Arkansas, où la brutalité, l’injustice et la corruption forment le quotidien. On y suit un prisonnier parmi d’autres, malmené, racketté, humilié. Rien ne distingue cet homme des autres, jusqu’à ce moment où, à la stupeur générale, il révèle sa véritable identité : il est en réalité Henry Brubaker, le nouveau directeur de la prison, venu incognito pour découvrir de l’intérieur la réalité des conditions de détention. À une époque où il n’y avait ni internet, ni réseaux sociaux, cette révélation frappait encore plus fort : spectateurs comme personnages sont pris de court, et la scène où Brubaker traverse les bureaux pour prendre sa place officielle reste un choc.
À partir de là, le film déroule un récit tendu entre idéalisme et réalité politique. Brubaker veut réformer un système profondément injuste, mais il se heurte aux habitudes, aux magouilles et à l’indifférence des autorités locales. Le film prend le temps de montrer la cruauté ordinaire d’une prison : travaux forcés, cellules insalubres, détention arbitraire, discriminations raciales et violences multiples. Plus qu’un thriller, Brubaker devient une dénonciation frontale du système carcéral américain, particulièrement pour les prisonniers noirs souvent victimes d’abus, coupables ou innocents.
Une des scènes les plus marquantes est celle où Brubaker fait sortir un prisonnier surnommé Walter, enfermé depuis des semaines dans un cachot sans lumière. Incapable d’affronter le soleil, aveuglé, presque brisé, Walter symbolise à lui seul la déshumanisation que Rosenberg filme sans détour. Le spectateur découvre à cette occasion un jeune acteur appelé à devenir immense : Morgan Freeman, dans un rôle bref mais saisissant.
Le film ne se limite pas à l’exposition d’horreurs. Il suit aussi la volonté obstinée de Brubaker d’apporter un souffle de dignité : améliorer les repas, supprimer les châtiments inhumains, instaurer des règles plus justes. Mais ces efforts rencontrent la résistance des gardiens compromis, des notables qui profitent de la main-d’œuvre gratuite, et même de certains prisonniers résignés. La corruption se révèle systémique, et la lutte de Brubaker se transforme en véritable combat politique.
Le casting est d’une justesse remarquable. Robert Redford, d’abord, dans un rôle taillé pour lui : sa retenue, ses petits tics de bouche, ses regards déterminés mais fatigués, sa démarche singulière, tout contribue à en faire un directeur charismatique mais vulnérable. Il porte le film avec une intensité qui ne tombe jamais dans la démonstration. À ses côtés, David Keith incarne un jeune prisonnier fougueux qui devient son allié, apportant une énergie brute et une sincérité qui équilibrent le côté plus stoïque de Redford. Yaphet Kotto, quant à lui, est formidable en prisonnier qui joue parfois le rôle de relais et de gardien de l’ordre intérieur.
Les seconds rôles enrichissent encore cette fresque. Murray Hamilton, M. Emmet Walsh, Matt Clark et Albert Salmi composent un chœur de “gueules” crédibles, figures d’un monde rural où la justice se confond trop souvent avec l’arbitraire et l’intérêt personnel. Chacun de ces acteurs contribue à rendre le milieu carcéral palpable, avec ses tensions, ses trahisons et ses compromis.
La mise en scène de Rosenberg évite tout effet de manche. Elle privilégie le réalisme et la durée des scènes, pour mieux immerger le spectateur dans un quotidien poisseux, sans échappatoire. On sent le poids de la chaleur, de la saleté, des murs oppressants. La caméra ne cherche pas le spectaculaire : elle montre, elle expose, et c’est cette sobriété qui rend le film si fort.
La conclusion reste l’une des plus belles réussites du film. Lorsque Brubaker est contraint de démissionner, victime de son idéalisme et du rejet des autorités politiques locales, il quitte la prison sous les regards de centaines de détenus. Tous l’applaudissent, non pas parce qu’il a réussi à tout changer, mais parce qu’il a incarné pour un temps l’espoir d’une dignité retrouvée. C’est un moment d’émotion pure, presque bouleversant dans sa simplicité, où la musique et les images se rejoignent pour laisser une empreinte durable.
Brubaker ne cherche pas à enjoliver : il montre la prison comme une institution en crise, un reflet des fractures raciales et sociales des États-Unis. Mais il reste avant tout une œuvre de cinéma, portée par un scénario habile, une galerie de personnages marquants et la force tranquille d’un Robert Redford en état de grâce.
Pour moi, ce film fait partie des incontournables du cinéma carcéral, au même rang que Les Évadés ou La Ligne Verte, mais avec une dimension plus politique et moins romanesque. C’est une œuvre que je conseille vivement, non seulement pour la puissance de ses scènes, mais aussi pour ce qu’elle révèle : un combat perdu d’avance, mais nécessaire, pour rendre un peu d’humanité là où tout semble condamné à disparaître.
NOTE : 17.60
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Stuart Rosenberg
- Scénario : W. D. Richter et Arthur A. Ross, d'après Accomplices to the Crime: The Arkansas Prison Scandal de Thomas O'Murton et Joe Hyams
- Direction artistique : J. Michael Riva
- Décors : John Franco Jr.
- Costumes : Tom Bronson et Bernie Pollack
- Photographie : Bruno Nuytten
- Effets spéciaux : Al Wright Jr
- Son : Charles Wilborn
- Montage : Robert Brown (de)
- Musique : Lalo Schifrin
- Production : Ron Silvermann ; Ted Mann (exécutif)
- Société de production : 20th Century Fox
- Société de distribution : 20th Century Fox
- Robert Redford (VF : Marc De Georgi) : Henry Brubaker
- Yaphet Kotto (VF : Georges Aminel) : Dickie Coombes
- Jane Alexander (VF : Évelyne Séléna) : Lilian Gray
- Murray Hamilton (VF : Gabriel Cattand) : John Deach
- David Keith (VF : Georges Poujouly) : Larry Lee Bullen
- Morgan Freeman (VF : Med Hondo) : Walter
- Matt Clark (VF : Roger Crouzet) : Purcell
- Tim McIntire (VF : Jean-Pierre Leroux) : Huey Rauch
- Richard Ward (VF : Henry Djanik) : Abraham Cooke
- Jon Van Ness (VF : Serge Lhorca) : Zaranska
- M. Emmet Walsh (VF : Roger Carel) : C. P. Woodward
- Albert Salmi : Rory Poke
- Linda Haynes : Carol
- Everett McGill (VF : Bernard Murat) : Caldwell
- Val Avery (VF : Jean Violette) : Wendell
- Ronald C. Frazier (VF : Pierre Guillermo) : Willets
- David D. Harris : Duane Spivey
- Joe Spinell (VF : Claude Joseph) : Birdwdell
- James Keane (VF : Marc François) : Pinky
- Konrad Sheeham : Gleen Eldwood
- Roy Poole : Dr Gregory
- Nathan George (VF : François Leccia) : Leon Edwards
- Don Blakely : Jerome Boyd
- Lee Richardson (VF : Georges Atlas) : Renfro
- John McMartin : Sénateur Hite
- Alex A. Brown : Fenway Park
- John Chappell : Capitaine Cleaves
- Harry Groener (VF : Jean Roche) : Dr Campbell
- Noble Willingham (VF : Jacques Ferrière) : Dr Fenster
- Wilford Brimley : Rogers
- Jane Cecil : Bea Williams
- Ebbe Roe Smith : Pavitch
- Young Hwa Han : Léonard
- Vic Polizos : Billy Bailock
- Jack O'Leary : le laveur de sol
- J. C. Quinn : le premier barbier
- Jerry Mayer : le deuxième barbier
- Ivy Feathersone : Peterson
- Kent Broadhurst : Whitley
- Hazen Gifford : Partridge
- Elane Rower Richardson : Ackroyd
- John R. Glover
- Bill McNulty : Richard

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