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lundi 15 septembre 2025

14.20 - MON AVIS SUR LE FILM CA DE ANDY MUSCHIETTI (2017)


 Vu le Film Ca de Andy Muschietti (2017) avec Bill Skarsgard Jaeden Martell Winn Wolfhard Jack Dylan Grazer Wyatt Oleff Jeremy Ray Taylor Jackson Robert Scott Chosen Jacobs Sophia Lillis 

 

À Derry, dans le Maine, sept gamins ayant du mal à s'intégrer se sont regroupés au sein du Club des Ratés. Rejetés par leurs camarades, ils sont les cibles favorites des gros durs de l'école. Ils ont aussi en commun d'avoir éprouvé leur plus grande terreur face à un terrible prédateur métamorphe qu'ils appellent Ça. 

Ça, d’Andrés Muschietti, n’est pas seulement une relecture d’un roman culte de Stephen King, c’est aussi une démonstration de la manière dont le cinéma contemporain affronte la lourde tâche d’adapter un imaginaire qui, à sa sortie en 1986, était encore profondément ancré dans une époque, une culture, un climat social. King écrivait à hauteur d’enfant, mais en ayant toujours un œil sur les adultes : leurs lâchetés, leurs violences, leurs silences. Le roman, foisonnant, se déroulait dans les années 60, une Amérique en mutation. Muschietti, en déplaçant l’action dans les années 80, transpose cette peur à une génération qui correspond davantage à celle des spectateurs d’aujourd’hui, imprégnés de nostalgie, de VHS et de posters de Gremlins ou Les Goonies. Ce choix peut surprendre, mais il permet de rapprocher l’univers de King de références visuelles immédiatement reconnaissables. 

L’histoire est simple et terrifiante : à Derry, petite ville du Maine rongée par une suite de disparitions inexpliquées, un groupe de sept adolescents – Bill, Beverly, Ben, Eddie, Richie, Mike et Stan – découvre que derrière ces drames se cache une entité démoniaque prenant souvent l’apparence d’un clown nommé Pennywise. Chacun des enfants incarne une facette de l’adolescence : Bill (Jaeden Martell), le leader blessé par la disparition de son frère, incarne la culpabilité et le besoin de justice ; Beverly (Sophia Lillis), seule fille du groupe, cristallise le passage brutal à l’âge adulte et la découverte douloureuse de la sexualité ; Ben (Jeremy Ray Taylor), le nouvel arrivant en surpoids, symbolise la solitude et l’amour idéalisé ; Richie (Finn Wolfhard), le bavard insupportable, masque sa peur par le sarcasme ; Eddie (Jack Dylan Grazer), hypocondriaque, vit prisonnier des obsessions de sa mère ; Mike (Chosen Jacobs), jeune Noir isolé dans une ville blanche, porte la marque de la différence ; et Stan (Wyatt Oleff), enfant juif, incarne la fragilité face à une autorité religieuse pesante. Ensemble, ils forment ce “Club des ratés” qui, par l’amitié, apprend à défier l’horreur. 

Face à eux, Pennywise, incarné par Bill Skarsgård, est une création mémorable. Son jeu repose moins sur la monstruosité brute que sur une étrangeté permanente : yeux divergents, sourire carnassier, voix modulée entre la douceur et le grotesque. Pourtant, si Skarsgård impressionne, Muschietti cède parfois à la tentation du numérique, donnant à la créature des excroissances surnaturelles qui, paradoxalement, réduisent la peur. Là où la suggestion aurait suffi, l’image de synthèse surgit, et dans la dernière partie du film, l’accumulation d’effets nuit à la terreur. 

Le scénario, fidèle à King dans ses grandes lignes, se concentre sur la première partie du roman – l’enfance. On retrouve la structure initiatique : des adolescents, confrontés à leurs cauchemars personnels, découvrent qu’ils ne peuvent survivre qu’en affrontant ensemble une peur collective. Muschietti a dû opérer des coupes. L’épisode le plus fameux, celui de l’orgie dans les égouts, a été effacé : impensable à l’écran, même s’il joue un rôle symbolique dans le roman (le passage à l’âge adulte par l’expérience commune). Plus largement, on sent la logique du “Best-Of” : garder les moments les plus spectaculaires, les visions les plus marquantes, quitte à réduire certains personnages secondaires à des silhouettes. Les parents, souvent décrits par King comme complices du mal par leur passivité, sont ici peu développés, et c’est une perte. 

Mais l’essentiel est là : la manière dont le film traduit l’adolescence comme un champ de bataille. Beverly, confrontée aux abus de son père, vit une horreur bien plus concrète que les dents de Pennywise. Eddie, prisonnier d’une mère castratrice, découvre qu’il peut s’affranchir. Richie, derrière ses blagues incessantes, apprend à accepter sa peur. Chacun affronte un double cauchemar : celui, intime, des violences du quotidien, et celui, fantastique, incarné par “Ça”. Le film brille précisément lorsqu’il tisse ces deux dimensions. 

Muschietti réussit aussi un film d’ambiance. Les années 80 ne sont pas qu’un décor : elles sont la réminiscence d’une époque où l’enfance semblait libre, mais où rôdait toujours une menace diffuse. Les vélos, les flippers, les posters dans les chambres donnent un parfum nostalgique, mais cette douceur est toujours contrebalancée par une noirceur profonde : les adultes sont aveugles, la ville est pourrie, et les enfants doivent se sauver seuls. 

Mon reproche principal  est celui du rythme. En voulant condenser une matière aussi riche, Muschietti accentue les pics d’horreur au détriment des creux, des respirations. Certains passages qui, chez King, participaient à la construction psychologique, disparaissent, et l’on sent que les personnages secondaires auraient mérité davantage d’espace. Mais, malgré ces manques, le film parvient à être plus qu’une adaptation illustrative : il capture l’esprit de King, cette idée que l’horreur surnaturelle n’est jamais plus terrifiante que la réalité sociale et intime. 

Ça est une première partie solide, spectaculaire, parfois trop démonstrative dans son recours au numérique, mais réussie dans son cœur : la peinture de l’adolescence comme un combat, où l’amitié et la solidarité deviennent des armes contre la peur. Les jeunes comédiens, depuis 2017, ont tous poursuivi leur route, et cela ajoute aujourd’hui une saveur supplémentaire : on revoit le film comme une capsule de jeunesse, où chacun, encore inconnu, portait déjà un rôle marquant. 

Un film imparfait, mais profondément attachant, qui montre bien que Muschietti a su comprendre ce que Stephen King met toujours au centre : l’humain avant le monstre. 

NOTE : 14.20

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