Vu le Film La Réparation de Régis Wargnier (2024) avec Clovis Cornillac Julia de Nunez Julia de Saint Jean J.C Lin Antoine Pelletier Louis-Do de Lencquesaing Anne Azoulay Matthias Van Kache
Un chef cuisinier, qui va bientôt recevoir sa troisième étoile au guide Michelin, disparaît corps et biens avec son principal collaborateur lors d’une partie de chasse. Sa fille, jeune adulte et compagne du second de son père, tente de prendre leur succession…
Avec La Réparation, Régis Wargnier revient derrière la caméra après une longue absence et s’attaque à un genre qui n’est pas son terrain de prédilection : le thriller. Le cinéaste qui avait fait de l’exotisme et du souffle romanesque sa marque de fabrique — on pense bien sûr à Indochine — tente ici de mêler enquête, secrets intimes et monde de la haute gastronomie. Le pari est audacieux, mais le résultat laisse un sentiment mitigé.
Le film s’ouvre sur la disparition brutale d’un très grand maître-queux, incarné par Clovis Cornillac. Figure charismatique mais mystérieuse, il disparaît en même temps que son collaborateur, joué par Julien de Saint Jean, encore une fois formidable. L’alchimie entre ces deux hommes, jamais appuyée mais palpable, nourrit la première partie du film d’une tension contenue. Cornillac impose une stature, tandis que de Saint Jean apporte finesse et intensité dans un rôle où il excelle à suggérer autant qu’à montrer.
L’intrigue se déploie ensuite en deux temporalités : le passé, qui dévoile peu à peu les liens complexes entre le maître et son collaborateur, et le présent, où la fille du cuisinier (Julia de Nunez) mène sa propre enquête. Elle cherche à comprendre ce qui s’est réellement passé, d’autant plus qu’elle était la maîtresse du collaborateur disparu. Ce croisement entre la quête filiale et la passion amoureuse devrait porter le film vers des zones vertigineuses, mais Wargnier, mal à l’aise avec les codes du thriller, peine à maintenir le suspens.
Certes, on va de rebondissement en rebondissement, mais tout paraît assez prévisible. Les fausses pistes se voient venir, les révélations tombent sans grand effet. On devine vite où le récit veut nous mener, et l’enquête de Julia de Nunez manque de nervosité. L’actrice, pourtant très exposée, n’apporte pas le peps nécessaire pour incarner une héroïne moderne, déterminée, mais vulnérable. Son jeu reste trop lisse, trop convenu, comme si elle n’osait pas embrasser pleinement la complexité de son personnage.
En revanche, Julien de Saint Jean tire une nouvelle fois son épingle du jeu. Il capte la lumière dans chacune de ses apparitions, avec cette intensité trouble qui le rend insaisissable. Cornillac, lui, habite son rôle avec solidité, mais reste cantonné à une silhouette un peu figée, presque mythifiée par la mise en scène.
Là où Wargnier reste fidèle à lui-même, c’est dans l’art d’évoquer l’exotisme et de magnifier les décors. Les cuisines deviennent des cathédrales sensorielles, les plats filmés comme des paysages, les gestes des chefs comme des rituels. On succombe à ces odeurs imaginaires et à la beauté plastique des images. On retrouve là son goût pour l’ampleur visuelle, même si le scénario, lui, se révèle fade, sans l’intensité dramatique espérée.
Au fond, La Réparation ressemble à un téléfilm de luxe. On pourrait parfaitement l’imaginer programmé un lundi soir sur TF1 : une intrigue policière suffisamment claire pour ne pas perdre le spectateur, des personnages dessinés avec efficacité mais sans excès de subtilité, et une conclusion attendue. Tout est propre, élégant, mais rarement surprenant.
Le film n’est donc pas déplaisant : il se regarde, il flatte l’œil, il chatouille les papilles. Mais il ne décolle jamais vraiment. On attendait de Wargnier une plus grande audace, ou au moins une intensité dramatique à la hauteur de son sujet. On se retrouve avec un bel emballage visuel, mais un contenu un peu creux.
La Réparation est un objet de cinéma soigné, parfois séduisant, mais qui manque de chair et d’émotion. L’exotisme wargnierien flotte encore, mais ne suffit pas à masquer la faiblesse d’un thriller qui n’en est pas vraiment un. Restent les performances de Cornillac et surtout de Julien de Saint Jean, seul véritable moteur de ce récit qui se voulait haletant mais finit par ronronner.
NOTE : 13.00
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Régis Wargnier
- Scénario : Régis Wargnier, en collaboration avec Manon Feuvray et Thomas Bidegain
- Musique : Romano Musumarra
- Décors : Hsiehjun Yang et Chen Ming-jen
- Costumes : Alexis Crisp-Jones et Daw Chyi Wu
- Photographie : Renaud Chassaing
- Son : François Boudet, Nicolas Mas, Patrice Grisolet et Xavier Thieulin
- Montage : Benjamin Favreul
- Production : David Gauquié, Julien Deris et Renan Artukmaç
- Société de production : Cinéfrance Studios
- Sociétés de distribution : Nour Films (France), Praesens-Film (Suisse)
- Pays de production :
France
DISTRIBUTION
- Julia de Nunez : Clara Jankovski
- Clovis Cornillac : Paskal Jankovski
- Julien de Saint Jean : Antoine
- J.C. Lin (en) : Lian
- Louis-Do de Lencquesaing : Maxime Mangenot
- Antoine Pelletier : Charles
- Anne Azoulay : Sylvana Brisson
- Andrzej Seweryn : Bogdan
- Jay Huang : Mister Shan
- Matthias Van Khache : Michel

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