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mercredi 17 septembre 2025

15.20 - MON AVIS SUR LE FILM SEULES LES BETES DE DOMINIK OLL (2021)


 Vu le Film Seules Les Bêtes de Dominik Moll (2021) avec Denis Menochet Valéria Bruni-Tedeschi Damien Bonnard Laure Calamy Bastien Bouillon Guy Roger N’Drin Nadia Tereszkiewicz  Colin Niel et Fred Ulysse 

Une femme disparaît. Le lendemain d'une tempête de neige, sa voiture est retrouvée sur une route qui monte vers le plateau où subsistent quelques fermes isolées. Alors que les gendarmes n'ont aucune piste, cinq personnes se savent liées à cette disparition. 

Avant La Nuit du 12, Dominik Moll signait déjà un polar de haute tenue avec Seules les bêtes (2019), adapté du roman de Colin Niel. On retrouve dans ce film ce qui fait la force de son cinéma depuis Harry, un ami qui vous veut du bien : une maîtrise absolue du récit, une atmosphère singulière, et une attention particulière aux personnages, toujours dessinés avec une précision troublante. 

L’histoire se déroule entre deux univers que tout semble opposer. D’un côté, les Causses du Massif Central, paysages enneigés, hostiles et magnifiques, où une disparition mystérieuse va bouleverser la vie de plusieurs habitants. De l’autre, Abidjan, chaleur écrasante, monde virtuel et arnaques sentimentales. Moll relie ces deux réalités, comme deux faces d’une même pièce, dans un récit éclaté mais parfaitement cohérent. 

Tout commence par la disparition d’une femme, Évelyne (Valeria Bruni-Tedeschi), lors d’une tempête de neige. Autour de ce fait divers, Moll tisse une toile complexe où chaque personnage a son chapitre. On suit d’abord Alice (Laure Calamy), assistante sociale qui entretient une liaison avec Joseph (Damien Bonnard), paysan solitaire marqué par une folie douce et une violence latente. Puis vient Michel (Denis Ménochet), mari trompé, homme massif et naïf, qui croit avoir trouvé une chance d’amour et de bonheur en échangeant en ligne avec une mystérieuse jeune femme. Mais cette idylle virtuelle n’est qu’une escroquerie montée depuis la Côte d’Ivoire par Armand, qui lui-même se laisse emporter par une passion interdite. 

Ce dispositif narratif, qui reprend le principe des récits croisés et des points de vue multiples, n’a rien de nouveau au cinéma, mais Moll l’utilise avec une efficacité redoutable. Chaque segment éclaire différemment l’intrigue, et peu à peu, le puzzle s’assemble. Ce qui semblait complexe devient limpide, et l’on comprend que derrière les manipulations, les mensonges et les malentendus, tout repose sur une question simple : que sommes-nous prêts à faire pour un peu d’amour ? 

La force du film réside aussi dans sa capacité à mêler polar et drame social. Les paysages glacés des Causses traduisent l’isolement, la misère affective et la dureté des existences rurales. En contrepoint, Abidjan révèle un autre type de solitude, celle de jeunes hommes tentés par l’arnaque pour survivre et pour aimer. Moll filme ces univers avec la même rigueur, la même empathie, sans jugement. 

La mise en scène est d’une sobriété exemplaire. Pas d’effets de style gratuits, mais une tension constante, un rythme qui tient le spectateur en haleine, et un art du détail qui rend chaque personnage crédible. Les scènes de neige, notamment, sont d’une beauté hypnotique, presque oppressante, tandis que les séquences africaines apportent une respiration inattendue, un contrechamp lumineux. 

Côté casting, rien à redire. Denis Ménochet incarne à merveille ce colosse fragile, perdu dans ses illusions. Laure Calamy, comme toujours, impressionne par sa justesse, entre dureté et tendresse. Damien Bonnard, inquiétant et imprévisible, impose une intensité rare. Valeria Bruni-Tedeschi, dans un rôle bref mais marquant, donne au mystère d’Évelyne une dimension tragique. Enfin, Nadia Tereszkiewicz, révélation du film, confirme un charisme indéniable, promesse d’une grande carrière. 

Le suspense est mené avec une main de maître. Chaque révélation surprend, chaque point de vue rebat les cartes, et l’intrigue se déploie comme une mécanique parfaitement huilée. Pourtant, derrière cette construction brillante, se cache une émotion simple, poignante. Ces personnages, aussi faillibles soient-ils, touchent parce qu’ils cherchent tous la même chose : un peu de chaleur dans un monde glacial. 

Seules les bêtes est bien plus qu’un polar efficace. C’est une fresque humaine, un récit qui interroge nos solitudes contemporaines, nos illusions amoureuses et la fragilité de nos désirs. Dominik Moll confirme ici qu’il est un cinéaste majeur du cinéma français, capable d’allier suspense, émotion et intelligence narrative. 

Un thriller fascinant, glaçant et lumineux à la fois. Une réussite totale. 

NOTE : 15.20

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

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