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jeudi 18 septembre 2025

17.60 - MON AVIS SUR LE FILM IMPITOYABLE DE CLINT EASTWOOD (1992)


 Vu le Film Impitoyable de Clint Eastwood (1992) avec Clint Eastwood Gene Hackman Morgan Freeman Richard Harris Anna Thomson Frances Fisher  Jaimz Woolvett Rob Campbell 

En 1880, à Big Whiskey, une petite ville du Wyoming, Delilah, une prostituée, est défigurée au couteau par un client ivre pour avoir ri de la taille de son pénis. Le shérif de la ville, « Little Bill » Daggett, un ancien tueur qui fait régner l'ordre dans la ville, impose au coupable une amende de sept chevaux à verser au proxénète. Les prostituées de la maison close, indignées par la clémence du shérif, promettent une récompense de mille dollars à quiconque tuera le coupable et son complice. 

Impitoyable (Unforgiven, 1992) marque un sommet dans la carrière de Clint Eastwood et, plus largement, dans l’histoire du western. Le film s’ouvre sur une Amérique crépusculaire, à la fin du XIXe siècle, où la légende de l’Ouest s’efface au profit d’une vision plus âpre, plus désenchantée. William Munny (Clint Eastwood), ancien tueur repenti, élève seul ses enfants dans une ferme boueuse après la mort de sa femme. Il vit dans la misère, tentant maladroitement d’élever des cochons, et semble avoir laissé derrière lui ses années sanglantes. Mais le passé finit par le rattraper lorsque le jeune Kid Schofield (Jaimz Woolvett), un gamin impulsif rêvant de devenir une légende, vient lui proposer un contrat : venger une prostituée défigurée par deux cowboys dans une petite ville tenue d’une main de fer par le shérif Little Bill Daggett (Gene Hackman). 

Munny hésite, il a promis à sa femme défunte de ne plus replonger dans la violence. Pourtant, poussé par la pauvreté et par le souvenir de ce qu’il fut, il accepte. Il part sur la route avec son vieil ami Ned Logan (Morgan Freeman), ancien compagnon de ses chevauchées sanglantes, lui aussi vieilli, fatigué, tenté mais craintif. Les trois hommes s’engagent alors dans une quête ambiguë, où l’appât du gain se mêle au désir de rédemption et au besoin de prouver encore une fois qu’ils appartiennent à un monde en train de disparaître. 

Le film repose sur un casting magistral. Gene Hackman, récompensé par l’Oscar du meilleur second rôle, incarne un shérif terrifiant, autoritaire, brutal et manipulateur, qui impose sa loi plus par la peur que par la justice. Son personnage est fascinant : cruel mais charismatique, il symbolise un pouvoir corrompu sous couvert d’ordre. Morgan Freeman, en Ned Logan, apporte une humanité bouleversante : son personnage se rend compte qu’il n’a plus l’estomac pour tuer, qu’il vieillit, et que la violence a un prix terrible. Jaimz Woolvett, en Kid maladroit et vantard, incarne la jeunesse naïve fascinée par la gloire, mais qui découvre trop tard l’horreur de la réalité. Et Clint, lui, habite William Munny avec une intensité bouleversante : un homme usé, hanté par ses crimes passés, qui finit par redevenir ce qu’il voulait fuir. 

Ce qui frappe dans Impitoyable, c’est l’absence de romantisme. L’Ouest n’a rien de glorieux : c’est un monde de boue, de sang, de misère et de solitude. Jack N. Green filme des paysages crépusculaires, grisâtres, traversés par le vent et la pluie. La photographie traduit la fin d’un monde mythifié au cinéma. Lennie Niehaus signe une musique discrète, élégiaque, presque funèbre, qui accompagne le récit comme un murmure. Rien n’est flamboyant : tout est sec, rude, implacable, à l’image du titre. 

Eastwood déconstruit le western classique. Ici, pas de héros flamboyant, pas de duel stylisé : la violence est sale, lâche, terrifiante. La scène où le premier cowboy est tué est un modèle : longue, douloureuse, loin de toute exaltation. Lorsque Munny finit par redevenir le tueur qu’il était, armé dans le saloon, l’explosion de violence a des allures d’apocalypse, mais elle n’apporte aucune gloire, seulement le silence et la peur. 

Le film a remporté quatre Oscars majeurs : Meilleur Film, Meilleur Réalisateur pour Eastwood, Meilleur Second Rôle pour Hackman et Meilleur Montage. Il redonne ses lettres de noblesse au western, un genre que l’on croyait moribond. Avec Danse avec les loups de Kevin Costner (1990), il forme un diptyque qui ressuscite le mythe tout en le démystifiant. Là où Costner magnifiait l’Ouest dans une fresque humaniste, Eastwood le plonge dans la boue et le sang, refusant toute idéalisation. 

Ce qui rend Impitoyable inoubliable, ce sont ses personnages complexes, chacun porteur d’un monde intérieur qui pourrait suffire à un film entier : Munny et sa lutte contre lui-même, Ned et son désir de paix, le Kid et son apprentissage de la désillusion, Little Bill et sa soif de pouvoir. Eastwood prouve, comme dans Mystic River dix ans plus tard, qu’il sait peindre des fresques morales où chaque figure humaine est ambivalente, à la fois victime et bourreau. 

À mes yeux, Impitoyable est plus qu’un western : c’est une méditation sur la mémoire, la violence et la légende. Eastwood signe une œuvre testamentaire qui regarde en arrière sur toute l’histoire du genre, mais aussi sur sa propre carrière, lui qui fut l’icône de Sergio Leone et du western spaghetti. Le film enterre les illusions de gloire, et ne laisse qu’un constat amer : l’Ouest a existé, mais il fut impitoyable. 

 NOTE : 17.60

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