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mardi 16 septembre 2025

15.90 - MON AVIS SUR LE FILM ALAMO DE JOHN WAYNE (1960)

 


Vu le film Alamo de John Wayne (1960) avec John Wayne Richard Widmark Laurence Harvey Linda Cristal Frankie Avalon Patrick Wayne Richard Boone Joan O’Brien Chill Wills Denver Pyle Hank Worden 

En 1836, cent quatre-vingt-cinq civils américains insoumis au Mexique, parmi lesquels les légendaires Davy Crockett et Jim Bowie, se sacrifient à Fort Alamo face aux assauts des premières colonnes d'hommes des troupes régulières mexicaines en attendant l'arrivée de l'armée texane. 

Alamo n’est pas seulement un western, c’est l’acte de foi d’un cinéaste qui croyait profondément en l’Amérique et en ses mythes fondateurs. John Wayne, patriote convaincu, signe ici son premier grand film en tant que réalisateur. Son ambition : magnifier le sacrifice de quelques hommes décidés à tenir un fort dérisoire face à l’armée écrasante du général Santa Anna, au Texas, en 1836. Une poignée de héros, une cause perdue d’avance, un combat disproportionné : tout est réuni pour bâtir une fresque tragique. 

Wayne s’offre le rôle de Davy Crockett, figure légendaire de l’Ouest américain, reconnaissable à son chapeau orné d’une queue de raton laveur. Face à lui, Richard Widmark incarne Jim Bowie, autre mythe de la frontière, colonel fatigué mais valeureux, et Laurence Harvey prête sa prestance militaire au colonel William Travis, jeune officier fougueux. Ces trois hommes, si différents, se retrouvent condamnés à unir leurs forces pour défendre le Fort Alamo. 

L’histoire est connue : environ 180 volontaires face à des milliers de soldats mexicains. Une résistance héroïque qui dura treize jours avant que le fort ne tombe et que tous ses défenseurs ne périssent. Historiquement, Wayne prend des libertés, beaucoup de libertés. Les dialogues, les scènes d’intimité, les fêtes improvisées entre les assiégés relèvent plus de la légende que de la vérité. Mais qu’importe : pour le spectateur adolescent que j’ai été, la grandeur du geste surpassait les minuties de l’Histoire. Le cinéma ne se contente pas d’instruire, il forge aussi des mythes. 

Ce que Wayne réussit, c’est de créer une fresque qui se vit comme un Massada américain : un lieu clos, une communauté de sacrifiés, un processus inexorable qui mène tous ces hommes vers leur fin. Le film joue habilement entre la légèreté et le tragique. On voit ces soldats rire, se chamailler, séduire, chanter, avant que la fatalité ne les rattrape. Dans ce contraste réside la beauté du récit : les héros ne sont pas des statues, mais des hommes qui vivent pleinement avant de mourir héroïquement. 

La montée dramatique est implacable. Le spectateur sait d’avance que tout est perdu, mais il se laisse happer par la mise en scène qui accumule les moments de camaraderie, de doute, de courage. Quand arrive l’assaut final, les murs du fort explosent, les corps tombent, et l’émotion envahit la salle. On ne peut retenir quelques larmes devant cette épopée sacrificielle, même en sachant qu’elle repose sur une réécriture nationaliste de l’Histoire. 

John Wayne filme large, majestueux, avec un sens évident de la composition. Ses cadrages exaltent l’héroïsme, ses scènes de bataille embrasent l’écran. Oui, tout est excessif, tout est grandiloquent, mais c’est cette grandiloquence qui fait de Alamo une œuvre hors du commun. Wayne ne cherche pas la nuance historique, il cherche la flamme mythologique. 

Et au fond, ce film nous interroge sur nous-mêmes. Que ferions-nous enfermés dans ces murs, conscients que la mort est certaine ? Aurions-nous le courage de ces hommes qui, malgré la peur, choisissent de rester, de tenir, de mourir ensemble pour une cause qui les dépasse ? Wayne propose une réponse cinématographique : le sacrifice est peut-être une forme de grandeur, une élévation qui transforme l’individu en symbole. 

La vérité historique ? Elle est lointaine, déformée. Mais la légende a ses propres droits, surtout au cinéma. En faisant d’Alamo un mythe, Wayne a gravé dans nos mémoires une image de bravoure et de loyauté. Et quand j’ai découvert ce film adolescent, ce n’était pas la précision factuelle qui comptait, mais l’élan, le souffle, la certitude qu’il existe en chacun de nous une valeur endormie capable de s’éveiller face au destin. 

Dimitri Tiomkin, déjà habitué aux grandes fresques hollywoodiennes, offre ici une partition à la mesure de l’ambition de John Wayne : ample, lyrique, patriotique. Son thème principal, à la fois solennel et mélodieux, est conçu comme une ballade héroïque. On y entend l’appel à la bravoure, mais aussi la mélancolie d’une lutte perdue d’avance. La chanson “The Green Leaves of Summer”, reprise dans le film, installe une nostalgie qui contrebalance la pompe guerrière. C’est typique de Tiomkin : même dans les moments de grandeur, il insuffle une dimension intime, presque élégiaque. 

Quant au siège des Mexicains, Tiomkin lui donne une couleur musicale toute particulière. Il ne cherche pas l’exotisme forcé mais une rythmique martiale, obsédante, qui fait ressentir le rouleau compresseur de l’armée de Santa Anna. Les percussions et les cuivres scandent l’avancée, créant une tension presque inévitable : la musique annonce la défaite bien avant qu’elle ne survienne à l’écran. 

Avec Rio Bravo (1959). Howard Hawks y utilisait déjà la musique comme signal dramatique, notamment avec la fameuse marche des assiégeants mexicains. Wayne, qui avait tourné Rio Bravo juste avant Alamo, a certainement gardé en tête cette intensité sonore. La différence, c’est qu’avec Tiomkin, la musique devient plus opératique, plus monumentale : là où Hawks restait dans la sécheresse et le minimalisme, Wayne et Tiomkin cherchent l’emphase héroïque, la légende. 

C’est ce qui fait que le siège dans Alamo résonne non seulement comme un moment de cinéma mais comme une cérémonie tragique : les images et les notes s’unissent pour transformer une défaite en mythe 

Alamo est une fresque démesurée, imparfaite sans doute, mais inoubliable. Entre héroïsme et tragédie, rire et larmes, vérité et légende, Wayne livre une épopée qui dépasse l’Histoire pour toucher à l’universel : le rêve qu’un sacrifice puisse donner un sens à l’existence. 

NOTE : 15.90

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