Vu le film Les Musiciens de Grégory Magne (2025) avec Mathieu Spinosi Frédéric Pierrot Marie Vialle Valérie Donzelli Emma Ravier Valentin Pradier Nicolas Bridet
Astrid Carlson (Valérie Donzelli), fille d'un homme d'affaires et mécène décédé, s'est mis en tête de réaliser un des rêves que son père n’a pas pu réaliser avant de mourir : réunir quatre instruments stradivarius pour un concert unique sur une partition inédite d'un compositeur contemporain, Charlie Beaumont (Frédéric Pierrot). Elle est prête à se ruiner pour réaliser ce rêve, au grand dam de son frère, qui a pris la succession de son père dans l'affaire familiale. Mais au delà des instruments, un quatuor est aussi la réunion de quatre musiciens qui doivent s'écouter et constituer un ensemble. Les quatre musiciens d'exception réunis pour un concert unique et un enregistrement ont des personnalités fortes. Le film suit, durant les sept jours précédant le concert, leurs répétitions heurtées
Grégory Magne avait déjà exploré l’art de l’invisible dans Les Parfums, où l’odorat devenait un langage, une manière d’appréhender le monde. Avec Les Musiciens, il choisit un autre domaine sensible : celui de la musique, et plus particulièrement de la musique classique. D’entrée, le film s’annonce comme un objet délicat, porté par des sonorités qui ne cherchent pas à séduire par l’excès, mais à accompagner la narration, à poser une atmosphère. C’est un soulagement de ne pas être assailli par ces partitions électroniques interchangeables qui polluent tant de films contemporains. Ici, ce sont les cordes, les archets, le souffle de l’ensemble qui adoucissent notre regard et permettent de nous installer dans le récit.
L’histoire repose sur un quatuor de musiciens, interprétés avec nuances et fragilités. Chacun porte ses blessures, ses frustrations, ses ego. Le film commence par une scène de répétition tendue : on comprend très vite que l’harmonie est rompue, que l’équilibre fragile d’un groupe où chacun veut briller ne tient plus qu’à un fil. Grégory Magne filme alors les silences, les regards en coin, les respirations contenues. Cette première partie est réussie, car elle installe le spectateur dans une proximité presque intime avec les personnages, sans forcer l’identification, mais en faisant ressentir leurs tiraillements.
Puis se met en place la trajectoire du récit : un compositeur a confié à ce quatuor l’interprétation d’une œuvre inédite. Les tensions vont inévitablement resurgir, et le chemin dramatique sera celui de la réconciliation. Or, c’est précisément là que réside le défaut majeur du film. Très tôt, on comprend ce qui va arriver. On devine que les disputes, les jalousies et les rancunes finiront par s’apaiser, que la musique deviendra ciment et rédemption. Dès la première demi-heure, le spectateur n’a plus qu’à attendre ce dénouement, prévisible et un peu trop lisse : la dernière scène où, sous l’œil du compositeur bouleversé, les quatre musiciens joueront à l’unisson, réconciliés et transcendés.
Ce manque de surprise pèse sur le film. On a la sensation de ne pas être invité à ce fameux bal dont tu parlais : on reste spectateur à distance, témoin d’un cheminement attendu. Le récit, malgré son élégance, n’ouvre pas assez de brèches, ne propose pas de véritables aspérités. Là où la musique pourrait provoquer l’imprévu, l’émotion brute, Magne reste dans une dramaturgie sécurisée, presque académique.
Reste le travail des comédiens, qui sauve souvent l’ensemble. Le jeune Mathieu Spinosi, dans un rôle qui le rapproche de sa pratique réelle de musicien, parvient à donner une crédibilité rare. Son personnage, à la fois passionné et maladroit, trouve un ton juste, ni trop appuyé, ni trop démonstratif. Face à lui, Frédéric Pierrot prouve une fois de plus sa solidité. Cet acteur qu’on retrouve depuis des décennies, toujours dans la retenue et la précision, incarne avec une sobriété remarquable un musicien usé mais tenace, portant en lui une forme de mélancolie tendre.
Les autres membres du quatuor complètent ce tableau de petites fêlures humaines. Chacun se débat avec son désir de reconnaissance, avec ses blessures d’orgueil. Magne leur accorde de beaux moments de silence, d’intériorité, même si le scénario ne leur permet pas toujours d’exister pleinement au-delà de leur fonction dans la mécanique dramatique.
Les Musiciens est un film éminemment sympathique. On y trouve de la douceur, de la beauté, une attention sincère à l’art musical. Mais il demeure prisonnier d’un schéma trop attendu, trop écrit, qui empêche la surprise et la véritable émotion. On aurait aimé être bousculé, emporté par une dissonance, une improvisation, un éclat inattendu. À la place, on assiste à un déroulé convenu, certes agréable, mais sans la fulgurance qu’on espérait.
NOTE : 7.30
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Grégory Magne
- Scénario : Grégory Magne et Haroun
- Musique : Grégoire Hetzel et Daniel Garlitsky
- Décors : Valérie Faynot
- Costumes : Bénédicte Mouret-Cherqui
- Photographie : Pierre Cottereau
- Son : Nicolas Cantin, Daniel Sobrino, Fanny Martin et Olivier Goinard
- Montage : Béatrice Herminie
- Production : Frédéric Jouve et Pierre-Louis Garnon
- Société de production : Les Films Velvet et Baxter Films
- Société de distribution : Pyramide Distribution
- Budget : 3,3 millions d'euros
- Valérie Donzelli : Astrid Carlson
- Frédéric Pierrot : Charlie Beaumont
- Mathieu Spinosi : George Massaro, 1er violon
- Emma Ravier : Apolline de Castre, alto
- Daniel Garlitsky : Peter Nicolescu, 2e violon
- Marie Vialle : Lise Carvalho, violoncelle
- Valentin Pradier : Louis
- Nicolas Bridet : le frère d'Astrid
- François Ettori : le luthier
- Grégory Montel : le curé

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire