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vendredi 26 septembre 2025

15.10 - MON AVIS SUR LE FILM LA NUIT DU 12 DE DOMINIK MOLL (2022)


 Vu le film La Nuit Du 12 de Dominik Moll (2022) avec Bastien Bouillon Bouli Lanners Théo Cholbi Pierre Lottin Anouk Grinberg Lula Cotton Frasier Julien Frison Charline Paul Jules Poirier Mouna Soualem Pauline Seryes David Murgia Johan Dionnet 

À la PJ, chaque enquêteur tombe un jour ou l’autre sur un crime qu’il n’arrive pas à résoudre et qui le hante. Pour Yohan, c’est l'assassinat de Clara, brûlée vive une nuit alors qu'elle revenait d'une fête entre amies. 

Les interrogatoires se succèdent, les suspects ne manquent pas, et les doutes de Yohan ne cessent de grandir. Une seule chose est certaine, le crime a eu lieu la nuit du 12. 

La Nuit du 12 de Dominik Moll est un polar sec, sans gras, qui fait mal par ce qu’il ne résout pas. Frustration, c’est le mot qui vient d’abord : pas de fin, pas de vérité, pas de coupable. Et c’est bien là que le film devient obsessionnel. Pour l’inspecteur Yohan Vivès (Bastien Bouillon, magnifique de retenue), cette affaire est comme un vélodrome où l’on tourne sans jamais trouver l’ouverture. Comme le Col du Glandon, qu’il grimpe en solitaire, symbole d’une enquête qui s’élève mais qui ne mène qu’à plus de souffrance. 

À ses côtés, l’inspecteur Marceau (Bouli Lanners, superbe en flic usé, au bord de la chute) n’a pas la patience ni la froideur de son collègue. Lui finit par lâcher avant la déraison, avant la bavure, avant la perte totale. Deux trajectoires qui se croisent et se séparent, deux manières d’encaisser la même impasse. 

Moll, depuis Harry, un ami qui vous veut du bien jusqu’à Seules les bêtes, est l’un de nos cinéastes qui sait le mieux étirer la tension. Ici encore, il refuse les artifices, les grandes scènes spectaculaires. Tout est dans l’usure, dans le désarroi qui s’installe, dans les visages fatigués de cette brigade de la PJ de Grenoble, condamnée à travailler dans la précarité. C’est un autre sous-texte fort du film : montrer comment ces flics mènent leurs enquêtes avec peu de moyens, beaucoup de temps, et une usure qui se paie au quotidien. Plus proche du terrain qu’Overdose ou Balle perdue, le film se rapproche par son ton d’un Zodiac de Fincher : la traque comme rituel infini, obsession qui broie les hommes. 

Et puis il y a cette galerie de suspects, interrogés un par un, qui défilent dans le bureau. Chaque tête à claque devient un fragment du puzzle. Pierre Lottin, extraordinaire en petite frappe arrogante, donne envie de voir s’abattre sur lui une pluie de baffes ou un Bottin bien épais. D’autres suspects plus troubles, plus lisses, mais chacun révèle une société malade dans son rapport aux femmes, aux violences banalisées, aux non-dits. 

Côté brigade, Théo Cholbi est excellent en technicien des images, discret mais précieux. Bouli Lanners, immense, fait sentir à chaque scène la fatigue d’un homme qui craque lentement. Mais le cœur du film, c’est Bastien Bouillon : calme, lumineux, mais hanté. Plus qu’un jeune espoir, il impose ici une stature d’acteur majeur. Son Yohan incarne la droiture, la patience, le doute. Le genre de flic qu’on aimerait croire indestructible, mais qu’on sent déjà fragilisé par le vide de cette enquête. 

Pas d’action à gros budget, pas de résolution spectaculaire. Juste l’évidence : un polar glaçant, réaliste, tendu, qui s’inscrit comme l’un des meilleurs thrillers français de ces dix dernières années. Avec Dominik Moll, la vérité est peut-être hors de portée, mais le cinéma, lui, frappe en plein cœur. 

NOTE : 15.10

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