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samedi 6 septembre 2025

8.10 - MON AVIS SUR LE FILM EL GRINGO DE SILVIO NARIZANNO (1968)


 Vu le film El Gringo de Silvio Narizanno et Yakima Kanutt (1968) avec Karl Malden Terence Stamp Joanna Pettet Ricardo Montalban Stathis Giallelis Peggy Lipton Sally Karkland Robert Lipton 

Elevé par un chef de gang mexicain, Blue tombe amoureux de la fille d'un docteur texan. Blue est alors tiraillé entre le désir de se rapprocher de ses racines américaines et la fidélité qu'il doit à sa famille d'adoption. 

 Avec El Gringo, Silvio Narizzano – épaulé ici par le vétéran cascadeur et metteur en scène Yakima Canutt – s’invite dans le western spaghetti au cœur des années 60, période  le succès fulgurant des films de Sergio Leone donnait des idées à toute l’industrie italienneC’est un film hybride, oscillant entre les codes du western américain classique et la rugosité de cette nouvelle école italiennemais qui ne possède ni l’élan visionnaire d’un Leone ni le goût très particulier qu’il avait pour transformer la mythologie en opéra sanglant. On sent le désir de coller à la mode, mais sans y insuffler de réelle identité. 

L’histoire suit Blue, un jeune homme qui revient au village après des années d’absenceporteur de secrets familiaux et d’une colère sourde. Sa relation avec son père, autoritaire, brutal, hanté par son propre passé, est au cœur du récitAutour de ce duo tendu gravitent des figures secondaires : des villageois méfiants, une famille éclatée, des compagnons d’infortune qui tous servent d’écho à la question centrale du film — l’héritage, non pas seulement de la terre ou du nom, mais des fautes et des haines. La paternité est ici interrogée de manière un peu schématiquemais la remise en cause de Blue, son propre cheminement moral, donne à l’ensemble une épaisseur inattendue. 

Le casting surprend par son allure internationale : Terence Stamp prête ses traits à Blue, figure mi-ange (dans le physique, d’une beauté presque trop pure pour cet univers poussiéreux) mi-démon (dans la morale, instable, vengeressehésitante), mais un peu trop renfrogné, trop muet pour que l’on saisisse toute la complexité qui voudrait émerger derrière ses silences. Face à lui, Karl Malden campe un patriarche dur, intransigeant, dont le charisme tient plus à la densité d’acteur qu’à l’écriture parfois paresseuse du personnage. En second plan, si l’on regarde attentivement, on reconnaît Robert Lipton, futur journaliste de l’Actors Studio, dans un petit rôle qui témoigne aussi du côté « casting patchwork » typique des coproductions de l’époque. 

La mise en scène de Narizzano n’a rien de la flamboyance des maîtres du genre. Elle est fonctionnellecorrectemais rarement inventive. Quelques plans citent ouvertement Leone sans jamais en retrouver la nervosité ni la dimension mythique. On perçoit un cinéaste qui observe les codes (le duel, la tension dans les regards, les silences avant les déflagrationsmais sans jamais parvenir à en faire une écriture personnelle. Yakima Canutten revanche, assure des scènes d’action solides, et cela se ressent : la dernière bataille est impressionnante d’efficacitéparfaitement découpéemême si le contexte dramatique (un village qui se range sans cohérence derrière un homme qu’il méprise) laisse songeur. 

Pour autantEl Gringo n’est pas déplaisant. Il s’en dégage un parfum d’époque : celui d’un cinéma qui se cherche, qui tâtonne entre les ruines du western américain classique et l’émergence d’un nouveau langage plus âpre, plus ambiguPlusieurs séquences retiennent l’attention — la fête, qui condense en un moment suspendu toute la tension entre le plaisir collectif et la tragédie imminente ; la confrontation père-fils, intense et sèche, qui parvient enfin à injecter de la chair à cette relation au départ trop schématique. Et cette fin, moins attendue qu’il n’y paraît le récit bifurque sans éclat mais avec un certain sens du tragique. 

El Gringo ne réinvente rien, mais il témoigne d’une époque  des acteurs anglo-saxons venaient, le temps d’un tournageprêter leur talent à une industrie italienne en pleine effervescence. Le film, à défaut d’être marquant, se regarde avec un plaisir certain, porté par l’intensité de quelques moments et le charisme de ses interprètes. Un western de transition, ni raté ni inoubliablemais qui, plus de cinquante ans après, conserve son intérêt pour qui aime voir comment la machine à mythes du western a su voyager et se transformer, parfois maladroitementmais toujours avec cette énergie brute propre à son temps. 

NOTE : 8.10

FICHE TECHNIQUE

  • Réalisation : Silvio Narizzano et Yakima Canutt
  • Assistant réalisateur : Joseph Lenzi
  • Scénario : Ronald M. Cohen et Meade Roberts
  • Musique : Mános Hadjidákis
  • Société de distribution : Paramount Pictures

DISTRIBUTION

 

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