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jeudi 18 septembre 2025

12.20 - MON AVIS SUR LE FILM JOHN MCCABE DE ROBERT ALTMAN (1971)


 Vu le Film John McCabe de Robert Altman (1971) avec Warren Beatty Julie Christie René AuberjonoiShelley Duvall Keith Carradine John Schuck Michael Murphy William Devane 

En 1902, John McCabe arrive à Presbyterian Church, une petite ville de l'Ouest américain, pour ouvrir un bordel. Mme Constance Miller, une prostituée, lui propose son aide et son expérience en échange d'une partie des bénéfices. Mc Cabe accepte, mais le succès de l'établissement fait des jaloux. 

 

John McCabe s’inscrit dans une période charnière du western. Nous sommes en 1971, l’âge d’or fordien est déjà loin, Leone et Peckinpah viennent d’imposer leur vision baroque et violente, et Eastwood n’a pas encore livré Impitoyable. Altman, sortant du succès de M.A.S.H. (1970), s’attaque au western mais en le détournant, en le vidant presque de ses codes héroïques. Le résultat : un film étrange, froid, expérimental, qui divise encore plus de cinquante ans après sa sortie. 

L’histoire suit John McCabe (Warren Beatty), un joueur de cartes mystérieux, qui arrive dans une petite bourgade minière encore en construction. Très vite, il se lance dans les affaires en installant une maison close, persuadé que l’or et les mineurs assureront sa fortune. Il croise alors Constance Miller (Julie Christie), une prostituée pragmatique, forte et lucide, qui lui propose de gérer avec lui l’établissement. Ensemble, ils bâtissent un lieu prospère, alliant affaires et dépendance affective. Mais l’irruption de compagnies minières capitalistes, prêtes à tout pour s’approprier le terrain, va transformer cette réussite fragile en tragédie. 

Le casting porte le film. Warren Beatty est fascinant : derrière sa barbe et son allure de faux dur, il incarne un homme maladroit, orgueilleux mais pas si courageux, un joueur qui s’improvise entrepreneur sans en avoir l’étoffe. Julie Christie, dans un rôle d’une modernité rare pour le western, incarne une femme lucide, consciente de la dureté du monde, gérant son bordel comme une véritable cheffe d’entreprise, mais prisonnière de son addiction à l’opium. Le duo fonctionne dans une alchimie fragile, une relation plus fondée sur le besoin et le pragmatisme que sur l’amour romantique. Autour d’eux, les seconds rôles dessinent une fresque d’ouvriers, de prostituées et de notables, autant de silhouettes qui font exister la petite ville dans le froid canadien. 

Ce qui frappe d’abord, c’est le style. Altman opte pour un naturalisme déroutant : une caméra qui zoome sans cesse, comme pour chercher un détail, mais qui perd souvent en lisibilité. Ces zooms aujourd’hui paraissent maladroits, presque datés, et créent une distance avec le spectateur. Pourtant, la photographie sépia de Vilmos Zsigmond donne une beauté picturale indéniable. La ville sous la neige, la boue, les lumières vacillantes des lampes à huile, tout concourt à donner l’impression d’un Ouest rude, glacé, à mille lieues des chevauchées solaires de Ford ou des duels de Leone. 

L’ambiance douce-amère du film doit beaucoup à la musique de Leonard Cohen. Ses chansons — dépouillées, mélancoliques, à la guitare et à la voix grave — se marient parfaitement avec ce récit désenchanté. Elles ne commentent pas l’action mais installent un voile poétique, une distance ironique parfois, qui renforce le sentiment que l’on assiste non pas à une épopée mais à une désillusion. 

Le problème du film réside peut-être dans cette approche trop froide. Là où Eastwood, vingt ans plus tard, donnera au western crépusculaire une intensité dramatique, Altman semble se complaire dans l’observation. Le spectateur regarde, mais sans toujours être saisi. On traverse deux heures de film en se demandant ce qui nous est réellement raconté : la construction d’une ville ? La naissance d’un bordel ? La déchéance lente de deux personnages ? Tout semble volontairement flou, comme si Altman refusait toute dramaturgie claire. 

Et pourtant, quelques moments marquent. Certains dialogues de McCabe, où Beatty impose sa classe, font mouche. Quelques échanges entre lui et Mrs. Miller laissent transparaître une tendresse maladroite. Et la fin, tragique, dans la neige, où McCabe lutte seul contre des tueurs envoyés par la compagnie, reste une scène d’une beauté glaciale, un contrepoint amer à tous les duels glorieux du western classique. 

John McCabe est un western de transition. Ni classique, ni encore totalement moderne, il se situe dans cette zone grise où Hollywood cherche de nouvelles voies. Altman, cinéaste inclassable, s’y essaie avec un certain talent visuel mais sans la puissance dramatique qu’on pourrait attendre du genre. On reste partagé entre admiration pour la beauté visuelle et frustration face au vide narratif. 

À mes yeux, c’est un film intéressant mais pas totalement abouti. Une expérience plus qu’un grand western. Son style naturaliste, ses zooms maladroits, son ton volontairement désenchanté créent une œuvre singulière mais distante. Ce qui sauve l’ensemble, ce sont Beatty, Christie et Cohen. Le reste laisse un goût doux-amer, comme si Altman avait voulu filmer la fin d’un rêve sans offrir au spectateur autre chose que le constat glacé d’une illusion qui se dissipe. 

NOTE : 12.20

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

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