Vu le Film The Crow de Rupert Sanders (2023) avec Bill Skarsgard FKA Twigs Danny Huston Josette Simon Laura Birn Isabella Wei Sami Bouajila Jordan Bolger
Poursuivis par des tueurs envoyés par une secte, Eric Draven et sa fiancée Shelly se font tous les deux assassiner sous l'ordre du chef de l'organisation dont Shelly est membre. Mais peu après, Eric est mystérieusement ressuscité par un corbeau. Sous le costume de The Crow, il va alors se venger.
Rupert Sanders signe avec The Crow une adaptation qui, dès ses premières images, plonge le spectateur dans une atmosphère gothique et sombre, digne héritière des pages de James O’Barr. On retrouve cette noirceur viscérale des comics, une ville corrompue, dévorée par la violence et les fantômes du passé. Là où Alex Proyas en 1994 avait opté pour une stylisation expressionniste presque baroque, Sanders choisit un univers visuel plus proche de la série Gotham, saturé de décors urbains étouffants et de ruelles noyées sous la pluie. Le film ne copie pas son aîné, il s’en détache, et c’est ce qui lui permet de surprendre.
L’histoire reste fidèle : Eric Draven, musicien passionné, est assassiné avec sa compagne Shelly Webster lors d’une nuit de violence gratuite. Un an plus tard, un corbeau mystique le ramène d’entre les morts pour qu’il accomplisse sa vengeance. Mais Sanders et son scénariste choisissent d’aller plus loin que le simple schéma du justicier implacable : ils insistent sur l’amour éternel qui unit Eric et Shelly, sur la douleur d’un homme qui n’est pas seulement une machine à tuer mais une âme brisée en quête de rédemption. Ce décalage subtil enrichit considérablement le récit, qui ne se contente pas de rejouer le mythe culte.
Bill Skarsgård impressionne. Le défi était immense : reprendre un rôle marqué à jamais par Brandon Lee. Mais l’acteur suédois trouve sa propre voie. Plus tourmenté, plus vulnérable, il confère à Eric une intensité à fleur de peau, parfois glaciale, parfois bouleversante. Sa gestuelle féline, son regard hanté, son physique longiligne collent parfaitement à l’iconographie du corbeau. Et son nouveau look, plus moderne et moins figé dans l’esthétique gothique des années 90, fonctionne étonnamment bien. On ne sent jamais la caricature, mais une vraie incarnation.
Autour de lui, le casting offre des seconds rôles solides : FKA Twigs apporte une dimension tragique et presque onirique à Shelly, transformant son personnage en plus qu’un simple souvenir, en véritable ancre émotionnelle du récit. Les antagonistes, certes moins marquants que Top Dollar dans le film de Proyas, sont néanmoins bien servis par des comédiens qui trouvent chacun leur part d’ombre. Laurent Lucas et David Murgia (dans des rôles secondaires pervers et troubles) ajoutent une tension dérangeante. Sergi López, fidèle à sa réputation, incarne la cruauté avec un réalisme glaçant.
Sur le plan visuel, Sanders déploie une mise en scène léchée : travellings élégants, jeux de lumière qui sculptent les visages, contrastes entre les couleurs froides de la mort et les éclats chauds des souvenirs amoureux. Il y a des plans qui semblent tout droit sortis des cases du comics, mais aussi des envolées qui rappellent les toits nocturnes de Gotham. On sent une vraie recherche esthétique, même si parfois le budget semble avoir limité l’ampleur de certaines séquences. Les effets spéciaux, souvent décriés, ne m’ont pas semblé ratés : ils renforcent la dimension surnaturelle sans basculer dans l’excès numérique. Certes, on aurait aimé des audaces visuelles plus radicales, mais l’équilibre choisi évite le kitsch.
La musique accompagne bien cette ambiance, moins marquée par le rock alternatif des années 90 mais toujours habitée par une noirceur mélancolique. Sanders ne cherche pas à rivaliser avec la mythique B.O. de 1994, mais à proposer un écrin sonore en adéquation avec son époque.
Alors, est-ce une trahison ? À mes yeux, non. Le film de Proyas reste un monument, porté par la tragédie de Brandon Lee et son aura culte. Mais cette nouvelle version ne cherche pas à l’écraser ni à le copier. Elle raconte la même histoire autrement, en assumant sa différence de ton et de style. Sanders offre une relecture honnête, respectueuse, et parfois brillante.
The Crow version 2025 n’est pas parfait. Certaines scènes manquent de souffle, certains personnages secondaires auraient mérité plus d’épaisseur. Mais le film possède deux atouts majeurs : sa mise en scène visuelle, noire et élégante, et l’interprétation intense de Bill Skarsgård. Ces deux éléments suffisent à donner vie à un nouvel Eric Draven, digne héritier du mythe, et à inscrire cette adaptation dans une continuité qui ne déshonore pas l’original.
En définitive, plutôt que de comparer en termes de “meilleur” ou “moins bon”, je dirais que ce film est une variation. Là où Proyas jouait sur la fureur et la vengeance, Sanders choisit la mélancolie et l’amour éternel. Et c’est cette différence, assumée, qui rend son film précieux, malgré ses défauts.
NOTE : 13.00
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Rupert Sanders
- Scénario : Zach Baylin et William Schneider, d'après les comics The Crow de James O'Barr
- Musique : Volker Bertelmann
- Direction artistique : Guy Bradley
- Décors : Robin Brown
- Costumes : Kurt and Bart
- Photographie : Steve Annis
- Montage : Jason Ballantine
- Production : Victor Hadida, Molly Hassell, John Jencks et Edward R. Pressman
- Production déléguée : Dan Farah et Kevan Van Thompson
- Sociétés de production : Hassell Free Productions, Electric Shadow Company, Davis Films, Edward R. Pressman Film Corporation et 30WEST
- Sociétés de distribution : Lionsgate (États-Unis), Metropolitan Filmexport (France)
- Bill Skarsgård (VF : Gauthier Battoue ; VQ : Kevin Houle) : Eric Draven / The Crow
- FKA Twigs (VF : Amélia Ewu ; VQ : Naïla Louidort) : Shelly Webster[3]
- Danny Huston[] (VF : Thierry Hancisse ; VQ : Jacques Lavallée) : Vincent Roeg
- Josette Simon (VF : Maïk Darah) : Sophia Webster
- Laura Birn (VF : Marie-Eugénie Maréchal ; VQ : Julie Beauchemin) : Marion
- Isabella Wei (VF : Rebecca Benhamour ; VQ : Sandrine Fagnant) : Zadie
- Sami Bouajila (VF : lui-même ; VQ : Frédéric Desager) : Kronos[5]
- Jordan Bolger (VF : Grégory Lerigab) : Chance
- Sebastian Orozco (VF : Baptiste Marc ; VQ : Nicolas Centeno Benoît) : Dorm

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