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dimanche 21 septembre 2025

16.10 - MON AVIS SUR LE JEREMIAH JOHNSON DE SYDNEY POLLACK (1972)


 Vu le Film Jeremiah Johnson de Sydney Pollack (1972) avec Robert Redford Will Geer StefaGierasch Josh Albee Delle Bolton Paul Benedict Jack Colvin Joaquin Martinez Ally Ann McLerie 

Dans les années 1850, Jeremiah Johnson, un vétéran de la guerre américano-mexicainedécide de fuir la violence des hommes et la civilisation pour gagner les hauteurs sauvages des montagnes Rocheuses. Mal préparé à cette rude vie, il connaît des débuts difficiles ; jusqu’au jour  il fait la rencontre de « Griffes d’Ours », un vieux chasseur de grizzlis qui lui apprend le dur métier de trappeur et les coutumes des Indiens. 

Jeremiah Johnson est sans doute l’un des films les plus liés à Robert Redford, non seulement parce qu’il en est l’interprète principal dans un rôle taillé pour luimais aussi parce qu’il a profondément marqué son imaginaire au point d’ancrer plus tard le Sundance Institute dans ces mêmes montagnes de l’Utah. Le film raconte l’histoire de Jeremiah Johnson (Redford), un ancien soldat de la guerre du Mexique, qui décide de tourner le dos aux hommes et à leurs guerres pour s’enfoncer dans les Rocheuses, vivant en trappeur solitaire. C’est le récit d’un refus : refus du bruit, refus de la violence organiséerefus d’un monde  la survie passe par le meurtre ou la soumission. 

La première partie du film, quasiment muetteinstalle ce choix radical. Johnson, vêtu d’une vieille capote militairetente d’apprendre à pêcher, à chasser, à faire du feu. Redford y est immense, sa silhouette se confondant avec le paysageses gestes maladroits puis de plus en plus précis traduisant le combat pour la survie. Pollack prend le temps : le silence, le froid, la neige, la faim, tout est palpable. On a rarement vu un western débuter ainsi, sur une lente initiation, où l’homme semble minuscule face aux montagnes. 

Au fil de ses errances, Johnson croise des figures décisives : le vieux trappeur Del Gue (Stefan Gierasch), qui lui apprend les règles de survie et dont l’excentricité contraste avec sa propre gravitéou encore Swan (Delle Bolton), jeune indienne Flathead qu’il épouse malgré lui, et le petit Caleb (Josh Albee), enfant mutique qu’il recueille. Ensemble, ils forment une famille improbable, fragile et pourtant pleine de tendresse. La tragédie survient lorsque des soldats blancs, au mépris des rites, profanent une sépulture sacrée indienne, déclenchant une spirale de vengeance dont Johnson sera malgré lui la victime désignée. La suite du film, marquée par une violence sourde, le montre traqué par les guerriers Crow, survivant à tous les assauts mais perdant tout ce qui pouvait lui rattacher à une vie humaine. 

Ce qui rend le film unique, c’est son ton. Pollack signe un western de transition : ni héroïque comme les classiques des années 50, ni entièrement crépusculaire comme ceux de Peckinpah, mais naturalistedocumentaire presque. Le film se nourrit des paysages réels de l’Utahfilmés dans leur nudité, avec une lenteur majestueuse. On sent l’influence des grands fresques comme La Conquête de l’Ouest, avec son ouverture et son entractemais ici le décor cesse d’être un simple cadre : il devient protagoniste. L’homme, le cheval, le fusil, tout cela paraît dérisoire face à la blancheur d’une plaine enneigée ou à l’ombre menaçante d’une forêt. 

Historiquement, le scénario s’inspire librement de la vie de Liver-Eating Johnson, un trappeur du XIXᵉ siècle dont la légende raconte qu’il aurait survécu à des années de traque indienne après la mort de sa femme. Mais Pollack et Redford choisissent une voie plus métaphorique : Jeremiah Johnson n’est pas tant une machine de guerre qu’un homme blessémarqué par une perte originelle, qui cherche une forme de paix impossible dans une nature indomptable. 

Le casting reste sobre mais juste : Redford porte le film, quasi seul, avec une intensité remarquable. Delle Bolton apporte une grâce discrète dans le rôle de Swan, tandis que Josh Albee incarne une innocence brisée dans celui de Caleb. Les seconds rôlescomme Gierasch en Del Gue, ou Will Geer en vieux sage excentriqueponctuent l’errance du héros de touches d’humour et de sagesse. 

Pour moiJeremiah Johnson est un western essentiel parce qu’il condense plusieurs mutations du genre en 1972. C’est un western du refus : refus de glorifier la conquêterefus de célébrer la guerre. C’est aussi un western de la nature,  la montagne devient une cathédrale, et  la survie prend le pas sur l’épopée. Et enfinc’est un western personnel, reflet d’une époque américaine marquée par le Vietnam et par le rejet des institutions. Jeremiah s’éloigne des hommes pour trouver sa vérité, mais découvre que la violence le rattrape toujours. 

Au-delà de sa beauté plastique, le film touche parce qu’il ne cherche pas à flatter : il est âpremélancoliquepresque fatalistePourtant, la dernière scène, ce salut silencieux échangé entre Johnson et un guerrier Crow, ouvre une brèche : celle d’un respect mutuel, d’une reconnaissance au-delà de la haine. Comme si Pollack, à travers Redford, nous disait qu’il reste toujours, au milieu des neiges, une possibilité de réconciliation. 

NOTE : 16.10

FICHE TECHNIQUE

Producteurs associés : John R. Coonan et Mike Moder

  • Sociétés de production : Sanford Productions et Warner Bros.
  • Sociétés de distribution : Warner Bros. (États-Unis), Warner-Columbia Film (France)
  • Budget : 3,1 millions de dollars

DISTRIBUTION


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