Vu le film Violence au Kansas de Melvin Frank (1959) avec Jeff Chandler Fess Parker Nicole Maurey Herbert Rudley Léo Gordon Frank de Cova Shari Lee
Sam Bleeker, un soldat courageux marqué par la guerre, continue à mener une vie violente qui le conduit derrière les barreaux. Il s'évade et cherche à retrouver sa femme. Quand il arrive à leur ancienne ferme, Sam découvre que son épouse est morte et que la ferme est maintenant occupée par une veuve et ses enfants. Les autorités retrouvent bientôt la trace du fugitif.
À la fin des années 50, alors que le western classique américain vit ses dernières grandes heures fordiennes avant la tempête des westerns spaghetti, surgissent des films intermédiaires, parfois oubliés, mais qui méritent d’être redécouverts. The Jayhawkers ! (traduit chez nous par Violence au Kansas), réalisé par Melvin Frank, en est un exemple parfait. C’est une œuvre qui ne révolutionne pas le genre, mais qui le maintient avec une rigueur narrative et une élégance visuelle qui surprennent encore aujourd’hui. On y retrouve cette atmosphère de poussière, de colts, de villages isolés et de grands espaces en Technicolor, avec une attention soignée portée à l’image qui lui confère un charme certain.
L’histoire, située dans le Kansas à l’aube de la guerre de Sécession, suit Cam Bleeker (Fess Parker), un fermier sorti de prison à qui l’on confie une mission difficile : infiltrer la troupe d’un chef de guérilla charismatique et dangereux, Luke Darcy (Jeff Chandler), qui veut dominer la région en y instaurant sa propre loi. Très vite, la dimension politique du récit se mêle à un drame plus personnel, car Darcy n’est pas seulement un tyran : c’est un homme fasciné par le pouvoir, manipulant ses partisans et cherchant à étendre son influence comme un futur dictateur. En face, Bleeker reste partagé entre le devoir qu’on lui impose et le poids de ses propres dilemmes, notamment sa relation ambiguë avec Jeanne Dubois (jouée par Nicole Maurey), une femme forte qui apporte une touche sensible et humaine à ce monde brutal.
Ce qui frappe, c’est que Melvin Frank – plus connu comme scénariste et producteur que comme réalisateur – signe ici un western très carré. Le scénario, coécrit avec Norman Panama, est classique mais tient en haleine grâce à ses rebondissements et à une montée progressive de la tension. On se demande vraiment jusqu’au bout comment se dénouera l’affrontement entre Bleeker et Darcy, et la conclusion, sans être flamboyante, garde une force dramatique qui marque.
Côté casting, on retrouve quelques têtes familières. Jeff Chandler, qui incarne Luke Darcy, est correct en chef de bande impitoyable, même si sa présence manque parfois de la puissance d’un vrai monstre sacré du genre. Fess Parker, connu pour son rôle dans Davy Crockett, fait un héros honnête mais un peu fade, solide sans jamais être véritablement charismatique. Nicole Maurey, en revanche, insuffle une réelle intensité à ses scènes, apportant une dimension plus nuancée que le simple rôle féminin de soutien. Et parmi les seconds rôles, on note la présence efficace de Henry Silva, déjà spécialisé dans les silhouettes inquiétantes, qui donne au film une rugosité supplémentaire.
Il est vrai que le long métrage manque de stars de tout premier plan : pas de Gary Cooper, pas de John Wayne, pas de Kirk Douglas. Cela limite sans doute son aura auprès du grand public de l’époque. Mais c’est aussi ce qui en fait une curiosité : libéré du poids des grandes figures, le film trouve son propre ton, oscillant entre l’action pure, le western psychologique et la fresque historique.
La mise en scène, si elle ne possède pas le souffle lyrique d’un Ford ou d’un Anthony Mann, reste élégante, bien cadrée, attentive aux paysages et à la tension dramatique. Les couleurs donnent à l’ensemble une lumière presque pastorale, contrastant avec la violence des thèmes abordés. On sent que Melvin Frank voulait livrer une œuvre sérieuse, peut-être plus ambitieuse que ce que son statut de « western de transition » lui permettait.
Découvert par hasard, ce film se révèle donc être une agréable surprise. On part en pensant voir un western banal, daté, et on se retrouve pris par une intrigue captivante, des personnages plus complexes qu’il n’y paraît et une reconstitution honnête de cette période agitée de l’histoire américaine. Ce n’est pas un chef-d’œuvre du genre, mais un film solide, attachant, qui illustre parfaitement la période charnière du western à la fin des années 50.
The Jayhawkers ! est un western à conseiller aux amateurs comme aux curieux. Une œuvre qui ne prétend pas rivaliser avec les sommets du genre, mais qui tient ses promesses et s’offre même quelques belles fulgurances. Un film honnête, soigné, à la fois traditionnel et singulier, qui mérite d’être revu.
NOTE : 8.50
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Melvin Frank
- Scénario : A.I. Bezzerides, Frank Fenton, Melvin Frank et Joseph Petracca
- Directeur de la photographie : Loyal Griggs
- Montage : Everett Douglas
- Musique : Jerome Moross
- Costumes : Edith Head
- Production : Melvin Frank et Norman Panama
- Jeff Chandler (VF : René Arrieu) : Luke Darcy
- Fess Parker (VF : Jean-Claude Michel) : Cam Bleeker
- Nicole Maurey (VF : Elle-même) : Jeanne Dubois
- Henry Silva (VF : Michel Roux) : Lordan
- Herbert Rudley (VF : Claude Péran) : le gouverneur William Clayton
- Frank DeKova : Evans
- Don Megowan : China
- Leo Gordon (VF : Jacques Deschamps) : Jake Barton
- Shari Lee Bernath (VF : Sylvie Dorléac) : Marthe DuBois
- Jimmy Carter : Paul DuBois
- Renata Vanni : l'indienne

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