Vu le Film La Venue de l’Avenir de Cedric Klapish (2025) avec Suzanne Lindon Cécile de France Vincent Macaigne Pomme Abraham Wapler Vassili Schneider Julie Piaton Paul Kircher Sara Giraudeau Zinedine Soualem Fred Testot Vincent Perez François Berléand
Une trentaine de personnes issues d'une même famille apprennent qu'ils vont recevoir en héritage une maison abandonnée depuis des années. Quatre de ces cousins lointains sont chargés d'en faire l'état des lieux. Ils vont alors découvrir des trésors cachés et se retrouver sur les traces d'une mystérieuse Adèle, qui a quitté sa Normandie natale pour la capitale, en 1895.
La Venue de l’Avenir de Cédric Klapisch est un film qui, au premier abord, semble rassembler tout ce qui fait la signature du cinéaste : le rapport intime à Paris, le goût pour les histoires de bandes, la curiosité pour la jeunesse, avec ses contradictions, ses emballements, ses élans de révolte. Mais cette fois, Klapisch choisit un terrain plus ambitieux, en faisant dialoguer deux époques : le Paris d’aujourd’hui et celui de 1895. Cette idée forte, séduisante sur le papier, donne lieu à de belles images, mais peine parfois à trouver sa cohérence dramatique, comme si deux films distincts cohabitaient sans vraiment fusionner.
Le récit s’articule autour de deux intrigues parallèles. D’un côté, on suit un groupe de cousins, assez éloignés les uns des autres, qui se retrouvent dans le présent pour régler une affaire d’héritage. Il s’agit d’une vieille bâtisse parisienne, pleine de recoins et de souvenirs, qui cache des trésors inattendus, matériels mais aussi affectifs. Klapisch retrouve ici son talent à filmer les dynamiques de groupe : chamailleries, complicités, petits règlements de comptes familiaux et éclats de tendresse surgissent tour à tour, dessinant un portrait de la jeunesse actuelle, un peu bordélique mais attachante.
De l’autre côté, par un procédé narratif qui reste volontairement mystérieux, nous basculons dans le Paris de 1895, celui des impressionnistes, de la modernité qui pointe, et des révolutions artistiques en germe. Là, nous découvrons le personnage de Suzanne Lindon, héroïne ancrée dans ce passé mais qui dialogue presque en miroir avec la jeunesse contemporaine. Klapisch filme ses déambulations dans la capitale avec une élégance picturale : les ruelles pavées, les cafés enfumés, les ateliers d’artistes deviennent des tableaux vivants. La photographie accentue la beauté de ces passages, donnant parfois le sentiment de feuilleter un album de peintures.
Le problème, à mes yeux, c’est que le film perd en fluidité à force de passer d’une époque à l’autre. On sent bien le désir du réalisateur de montrer que les questionnements de la jeunesse — la liberté, l’amour, la recherche de sens, la volonté de bouleverser l’ordre établi — traversent les siècles. Mais la mécanique du montage finit par devenir un peu pesante, et j’ai eu du mal à entrer dans ce va-et-vient constant. Là où Klapisch m’avait déjà embarqué dans des récits choraux comme L’Auberge espagnole ou Ce qui nous lie, ici j’ai ressenti une certaine froideur, comme devant un tableau accroché au Louvre : beau, travaillé, mais distant.
Côté casting, le réalisateur s’entoure d’un véritable “gratin” du cinéma français, parfois trop. On retrouve Vincent Macaigne, toujours surprenant, qui apporte un contrepoint comique et décalé, même si son énergie semble parfois appartenir à un autre film. Il est comme un électron libre qui refuse de s’inscrire dans le sérieux ambiant, et c’est tant mieux : ses apparitions donnent de l’air à un récit qui se prend par moments un peu trop au sérieux. Suzanne Lindon, quant à elle, trouve dans le rôle de la jeune héroïne du passé une occasion de démontrer une grâce singulière : elle habite cette époque avec naturel, et son regard nous entraîne dans ce XIXe siècle finissant.
La véritable révélation reste Abraham Wapler. Jeune acteur dont le jeu surprend par sa sincérité, il incarne un cousin moderne, fragile et drôle, qui finit par devenir le véritable point d’ancrage du spectateur. Là où certains rôles secondaires semblent seulement décoratifs, lui impose une présence vivante, énergique, qu’on n’oublie pas. Autour de lui, le quatuor de cousins existe bel et bien, mais c’est sa spontanéité qui empêche le groupe de sombrer dans la caricature.
L’histoire de l’héritage, fil rouge du présent, est un prétexte pour explorer la question de la transmission. Que fait-on des biens, des souvenirs, des rêves légués par les générations précédentes ? Faut-il s’en libérer ou au contraire les assumer ? Ce sont des thématiques typiques de Klapisch, mais cette fois enrichies par le parallèle avec 1895, où l’art, l’impressionnisme et les révolutions esthétiques renvoyaient à d’autres formes de transmission : celle de la beauté et de la création.
Et pourtant, malgré tout cela, je reste réservé. Le film a des fulgurances visuelles, particulièrement dans ses séquences du passé. Les lumières, les couleurs, la manière de capter Paris comme un décor éternel, sont splendides. Mais au-delà de l’esthétique, l’émotion peine à se frayer un chemin. Les personnages restent trop souvent archétypaux, et la confrontation entre les deux temporalités ne produit pas l’étincelle espérée. Là où je m’attendais à être pris par une grande fresque sur la jeunesse et l’héritage, je suis resté extérieur, spectateur admiratif mais distant.
La Venue de l’Avenir est un film ambitieux, parfois séduisant, mais qui ne parvient pas à totalement marier ses deux ambitions : chronique familiale moderne et fresque impressionniste du passé. On s’y promène avec intérêt, on admire les images, on sourit devant les excès de Macaigne, on salue la sincérité de Wapler, mais on reste sur sa faim. Pas le meilleur Klapisch, certes, mais pas non plus un film indigne : plutôt une tentative inégale, belle mais froide, qui confirme que le cinéaste aime Paris et la jeunesse, mais que cette fois son regard est plus cérébral que viscéral.
NOTE : 11.80
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Cédric Klapisch
- Scénario : Cédric Klapisch et Santiago Amigorena
- Musique : Rob
- Photographie : Alexis Kavyrchine
- Montage : Anne-Sophie Bion
- Décors : Marie Cheminal
- Costumes : Pierre-Yves Gayraud
- Production : Cédric Klapisch, Bruno Lévy
- Sociétés de production : Ce qui me meut, en association avec 9 SOFICA
- Budget : 15,6 millions d'euros
- Suzanne Lindon : Adèle
- Abraham Wapler : Seb / Claude Monet en 1874
- Vincent Macaigne : Guy
- Julia Piaton : Céline
- Zinedine Soualem : Abdelkrim
- Paul Kircher : Anatole
- Vassili Schneider : Lucien
- Sara Giraudeau : Odette
- Cécile de France : Calixte de La Ferrière
- Pomme : Fleur
- Fred Testot : Félix Nadar
- Vincent Perez : Oncle Théophraste
- François Berléand : Victor Hugo
- Philippine Leroy-Beaulieu : Sarah Bernhardt
- Olivier Gourmet : Claude Monet en 1895
- Alice Grenier-Nebout : Berthe Morisot
- Raïka Hazanavicius : Rose
- François Chattot : Marcel, le grand-père de Seb
- Aurore Broutin : Mme Michard
- Stéphane Foenkinos : Louis Leroy
- Jean-Marc Roulot : le maire de Saint-Jouin Bruneval
- Marie-Christine Orry : la généalogiste
- Catherine Salée : Georgette, la tenancière du Rat Mort
- Louise Pascal : la cliente de Nadar
- Virgil Davin : Henri
- Marco Prince : un cousin
- Raphaël Thiéry : le charretier
- Valentin Campagne : Gaspard
- Cassandra Cano : Leslie

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire