Vu le film Les Cruels de Sergio Corbucci (1967) avec Joseph Cotten Norma Bengell Gino Bernice Julian Mateos Angel Aranda Aldo Sambrell Benito Stefanelli Al Mulock
La guerre de Sécession s'est soldée par la victoire des Nordistes. Pourtant, Jonas, un ex-soldat Sudiste, ne peut se résoudre à cette fin. Il établit un plan pour reformer l'armée Sudiste : voler une importante somme d'argent à leurs ennemis. Une fois l'embuscade réussie, en compagnie de son fils et de sa prétendue femme, ils essayent de traverser le pays en dissimulant l'argent dans un cercueil. La route sera semée d'embûches.
Sergio Corbucci est un cinéaste qui a marqué l’histoire du western spaghetti avec des titres flamboyants comme Django ou Le Grand Silence. Pourtant, avec Les Cruels (Gli Specialisti, 1967, parfois titré The Hellbenders), on sent une baisse d’inspiration qui laisse le spectateur sur sa faim. Le film part pourtant d’un postulat intéressant : le colonel Jonas, interprété par Joseph Cotten, est un sudiste fanatique qui refuse la défaite et cherche à reconstituer la cause confédérée. Pour cela, il organise avec ses trois fils le pillage d’un convoi fédéral, massacrant sans pitié les soldats nordistes pour s’emparer d’une cargaison censée contenir de l’or. Ce trésor devient l’objet d’un long transport à travers des paysages désertiques, où l’avidité, la suspicion et la violence vont peu à peu miner le groupe.
Sur le papier, le scénario aurait pu donner lieu à un western tendu, imprégné de paranoïa et de désillusion, à la manière des meilleurs films de Corbucci. Mais le résultat est nettement plus fade. L’histoire, qui devrait s’embraser au fil du trajet, s’étire mollement et donne l’impression d’un récit écrit sur un emballage de carambar : de grandes idées esquissées mais jamais pleinement exploitées. On retrouve quelques thématiques chères au réalisateur — la violence nue, la corruption morale, la fin des idéaux — mais elles semblent ici traitées sans l’énergie ni le souffle qu’on lui connaît.
La mise en scène, elle, reste néanmoins maîtrisée sur certains points. Corbucci sait filmer les fusillades avec un réalisme brutal, et les séquences de massacre frappent par leur crudité. Il y a une sécheresse dans la violence qui renvoie directement à la dureté du western italien, sans concession. Certaines scènes laissent entrevoir un vrai savoir-faire, notamment quand les attaques de convois dégénèrent en boucherie. Mais cela ne suffit pas à donner une âme au film : entre deux éclats de violence, tout retombe dans une torpeur pesante, comme si la caméra peinait à se passionner pour ce qu’elle raconte.
Le casting est probablement le maillon le plus faible. Joseph Cotten, immense acteur du Citizen Kane ou de L’Ombre d’un doute, semble parachuté dans cet univers sans vraiment y croire. Il incarne le colonel Jonas avec une raideur qui frôle l’ennui. Le choix de confier ce rôle à une star hollywoodienne déclinante paraît discutable : là où un acteur italien rompu au western aurait pu donner une dimension fiévreuse, Cotten paraît désengagé, presque en RTT . Autour de lui, les comédiens chargés d’incarner ses fils n’apportent pas plus de relief : on peine à distinguer des personnalités fortes, et leur jeu manque de la sauvagerie ou du charisme nécessaires pour porter un tel récit.
Certes, Les Cruels possède quelques atouts : une ambiance sombre, une certaine radicalité dans la représentation du Sud vaincu, et des éclairs de violence sèche qui rappellent le talent du cinéaste. Mais ces qualités isolées ne suffisent pas à hisser le film au rang des réussites du genre. On ressort avec le sentiment d’avoir assisté à un western pâle, sans âme, qui n’exploite pas pleinement son sujet.
Les Cruels est un Corbucci mineur : pas déshonorant, mais décevant, surtout au regard de ce qu’il a pu accomplir par ailleurs. Un western qui a quelques fulgurances, mais qui reste très en dessous des attentes, tant par son casting que par la maigreur de son scénario.
NOTE : 6.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Sergio Corbucci, assisté de Ruggero Deodato
- Scénario : José Gutiérrez Maesso (it), Ugo Liberatore, d'après une histoire de Virgil C. Gerlach, Albert Band et Ugo Liberatore
- Dialogues additionnels : Louis Garfinkle
- Musique : Ennio Morricone (crédité Leo Nichols)
- Photographie : Enzo Barboni
- Montage : Nino Baragli et Alberto Gallitti
- Direction artistique : Jaime Pérez Cubero
- Production : Albert Band
- Sociétés de production : Alba Cinematografica et Tecisa avec l'aide de Productores Exhibidores Films Sociedad Anónima
- Distribution : Cineriz
- Joseph Cotten : le colonel Jonas
- Norma Bengell : Claire, alias Mme Ambrose Allen
- Julián Mateos (en) : Ben
- Gino Pernice : Jeff
- Ángel Aranda : Nat
- María Martín : Kitty
- Claudio Gora : le révérend
- Al Mulock : le mendiant
- Aldo Sambrell : Pedro
- José Canalejas : un bandit mexicain
- Álvaro de Luna : Bixby
- Claudio Scarchilli : le chef indien
- Benito Stefanelli : Slim, le joueur de poker
- José Nieto : le shérif
- Gene Collins (non crédité) : le soldat de l'Union qui compte l'argent
- William Conroy (non crédité) : un soldat de l'Union

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