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mardi 30 septembre 2025

11.30 - MON AVIS SUR LE FILM L'ASSASSIN EST DANS L'ANNUAIRE DE LEO JOANNON (1962)

 


Vu le film l’Assassin est dans l’Annuaire de Léo Joannon (1962) avec Fernandel Marie Déa Edith Scob Georges Chamarat Maurice Teynac Robert Dalban Henri Crémieux Noel Roquevert Léo Joannon 

Albert Rimoldi, modeste et timide employé de banque au Crédit Central de Rouen, mène une vie discrète, rythmée par la routine et les moqueries de ses collègues. Un jour, ces derniers lui jouent un mauvais tour en lui adressant une fausse lettre d’amour signée « Jenny », une mystérieuse admiratrice. Rimoldi, naïvement séduit par cette attention, se rend au rendez-vous… pour découvrir qu’il a été la cible d’une farce cruelle. 

L’Assassin est dans l’annuaire de Léon Joannon est un objet filmique curieux, qui déroute autant qu’il déconcerte. Adapté d’un roman de Charles Exbrayat, dont le titre promettait une plongée sombre dans le polar, le film vire davantage vers une comédie maladroite, où l’humour et l’intrigue criminelle se parasitent mutuellement sans jamais vraiment s’épouser. L’effet de déception vient surtout du décalage entre ce que l’on attendait – une enquête noire et tendue – et ce qui nous est servi : une fable étrange, bancale, parfois absurde, où l’on rit peu et où l’on frémit encore moins. 

Fernandel, placé au centre du récit, incarne un employé de banque naïf, tendre et un peu gauche, malmené par ses collègues. Le personnage, habituellement cantonné aux comédies populaires ou aux drames pagnolesques, se retrouve ici dans une situation insolite : humilié au travail, victime d’une blague cruelle sous forme de fausse lettre d’amour, il glisse peu à peu dans une spirale de doute et de colère. Fernandel est impeccable : il joue avec sobriété, sans cabotinage, offrant un visage inhabituel de douceur blessée. Mais si son interprétation intrigue, elle ne suffit pas à donner corps à un scénario qui hésite en permanence entre satire sociale, comédie policière et drame psychologique. 

Les seconds rôles – collègues de bureau, personnages de la banque, figures périphériques – servent surtout de repoussoirs à la naïveté du héros. Mais la mécanique tourne court : on ne sait jamais si l’on doit prendre cette histoire au sérieux, si la menace est réelle ou si tout n’est qu’un mauvais canular. Cette confusion narrative, au lieu de nourrir l’ambiguïté, désamorce le suspense et finit par lasser. 

La mise en scène de Léon Joannon reste fonctionnelle, trop sage, presque télévisuelle. Elle se contente de poser les personnages dans des décors neutres sans jamais les sublimer ni les plonger dans une atmosphère véritablement inquiétante. Quant à la musique de Marc Lanjean, déjà entendu sur Razzia sur la chnouf, elle s’avère ici catastrophique : décalée, lourde, parfois grotesque, elle écrase les scènes au lieu de les souligner. 

On retiendra malgré tout quelques éclats : la scène où Fernandel, las d’être humilié, rend les coups à ses collègues ; ou encore ces moments où, derrière son regard doux, perce une inquiétante étrangeté. Mais cela reste des fragments isolés dans un ensemble confus. 

L’Assassin est dans l’annuaire est un film bizarre, ni tout à fait comédie, ni franchement polar, ni même satire aboutie. Fernandel, irréprochable et presque émouvant, s’y promène en décalage complet, prisonnier d’un scénario mal ficelé et d’une mise en scène trop simple. Un rendez-vous manqué, qui aurait mérité plus d’audace et plus de noirceur pour honorer son matériau de départ.

NOTE : 11.30

FICHE TECHNIQUE



DISTRIBUTION

Distribution complémentaire

Rôles crédités sans rôle précisé :

17.90 - MON AVIS SUR LE FILM LES HOMMES DU PRESIDENT DE ALAN J.PAKULA (1976)

 


Vu le Film Les Hommes du Président de Alan J.Pakula (1976) avec Robert Redford Dustin Hoffman Jason Robards Hal Holbrook Jacl Warden Meredith Baxter Jane Alexander Stephen Collins Martin Balsam Ned Beatty F.Murray Abraham 

Washington, juin 1972. Alors que le premier mandat de Richard Nixon s'achève et que la campagne des primaires vient de commencer, la police surprend des cambrioleurs nocturnes au siège du parti démocrate, dans l'immeuble du Watergate. 

Les Hommes du Président (1976) restepresque cinquante ans après sa sortie, l’un des témoignages les plus puissants de ce que le cinéma américain des années 70 a su accomplir : un mélange de rigueur journalistique, de tension dramatique et de cinéma d’investigationporté par un souffle réaliste qui ne s’est pas démodé. Alan J. Pakula signe ici le troisième volet officieux de sa « trilogie de la paranoïa » (KluteThe Parallax View puis ce film), et atteint sans doute son sommet en reconstituant minutieusement l’enquête du Washington Post sur le scandale du Watergate. L’histoire est connue : en 1972, cinq hommes sont arrêtés pour avoir pénétré par effraction dans l’immeuble du Watergate, siège du Parti Démocrate. Ce qui pourrait n’être qu’un fait divers se transforme, grâce à l’acharnement de deux jeunes journalistes, Bob Woodward (Robert Redford) et Carl Bernstein (Dustin Hoffman), en une enquête d’une ampleur telle qu’elle finit par mettre en cause le président des États-Unis lui-même. 

Ce qui fascine d’embléec’est la précision du scénario de William Goldman, adapté du livre des deux reporters. Le film se refuse aux effets spectaculaires et préfère s’appuyer sur un travail d’orfèvre : chaque source doit être vérifiéechaque détail recoupéchaque mot pesé. Le spectateur devient à son tour enquêteurpartagé entre l’obsession de la vérité et la peur de ne pas pouvoir la faire éclaterC’est une véritable leçon de cinéma et de journalisme le suspense naît moins de la menace physique que de la fragilité de l’information. La mise en scène de Pakula, toujours discrète et millimétréesouligne cette tension : ses plans larges, souvent habités par le vide et le silence, donnent à voir la solitude de la recherche de vérité dans un monde dominé par la puissance du pouvoir politique. 

La photographie de Gordon Willis, surnommé « le prince des ténèbres », participe de cette atmosphère unique. Ses contrastes marqués, ses plongées dans les archives et ses jeux d’ombres transforment une salle de rédaction en théâtre dramatique. On a parfois l’impression que la lumière elle-même se bat pour faire émerger les faits. Cette stylisation sert parfaitement l’idée que la vérité est enfouiequ’il faut l’arracher à l’opacité du pouvoir. 

Le duo Redford/Hoffman incarne à merveille cette complémentarité journalistique : le premier, méthodiquepresque froid, le second, nerveuxinstinctifLeurs démarches, leurs façons de poser des questions, de convaincre une source réticentecomposent une partition à deux voix qui fait encore école aujourd’huiAutour d’eux, les seconds rôles achèvent de donner au film sa densité : Jason Robards, formidable en rédacteur en chef Ben Bradlee, autoritaire et protecteur à la foisincarne la conscience morale de la presse. Hal Holbrook, dans l’ombredevient une figure mythique avec son « Gorge Profonde », ce mystérieux informateur dont l’identité sera révélée seulement des décennies plus tard. 

Voir aujourd’hui Les Hommes du Présidentc’est aussi mesurer ce que la liberté de la presse signifiait aux États-Unis dans les années 70. Un journal pouvait, à force de ténacitérenverser un président. On imagine difficilement un tel rapport de force en France à la même époque,  la presse restait plus bridée. Et si l’Amérique actuelle, à l’ère Trump et des fake news, ne se reconnaît plus toujours dans ce modèle, le film rappelle combien le quatrième pouvoir est indispensable à la démocratie. À l’heure  certains journalistes privilégient la vitesse ou la rumeur à la vérificationce récit minutieux apparaît comme un manifeste : rien n’a plus de valeur qu’un fait vérifiérecoupéattesté. 

le film de Pakula est à la fois un thriller politique, un document historique et un hommage au journalisme d’investigation. Il illustre l’âge d’or du Nouvel Hollywood, celui  des cinéastes osaient mettre en scène la défiance envers les institutions et la quête de vérité des individusC’est cette audace, cette précision et ce respect de l’intelligence du spectateur qui font de Les Hommes du Président un bijou du cinéma américainun film dont on ne se lasse pas et qui reste, plus que jamais, d’actualité. *

NOTE : 17.90

FICHE TECHNIQUE


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