Vu le film La Légende d’Ochi de Isaiah Jackson (2025) avec Willem Dafoe Emily Watson Helena Zengel Finn Wolfhard
Dans un village isolé des Carpates, une jeune fille nommée Yuri a été élevée dans la crainte des créatures solitaires de la forêt : les Ochis. On lui a ainsi toujours interdit de sortir la nuit. Lorsqu'un bébé ochi est abandonné par sa meute, Yuri va tenter de l'aider pour qu'il retrouve les siens. Pour cela, la jeune fille va devoir abandonner sa famille
La Légende d’Ochi (2024) est un drôle d’objet cinématographique, à la fois séduisant et frustrant. Son emballage visuel évoque une fable familiale pleine de mystère et de tendresse : une créature toute douce, un enfant perdu, des montagnes brumeuses, une magie primitive. Sur le papier, on imagine une sorte de conte moderne dans la lignée d’E.T. ou des films Amblin des années 80, avec une touche de folklore est-européen. Mais très vite, le film montre un tout autre visage, plus sombre, plus rigide, presque hostile — et surtout pas du tout adapté aux jeunes enfants, malgré un marketing qui joue à fond sur l’animal-adorable et les paysages merveilleux.
L’histoire se déroule dans un monde montagnard fictif, aux allures des Carpates, où vivent des clans en lien mystérieux avec les forces de la nature. Une jeune fille, Zoya, douée d’un étrange pouvoir qui lui permet de communiquer avec les créatures sauvages, part à la recherche de son père, disparu dans les forêts profondes après une expédition. Accompagnée d’un Ochi, petit être étrange au pelage doux et aux grands yeux humides, elle pénètre dans des territoires interdits où rôdent des entités anciennes, entre légendes oubliées et menaces militaires.
Ce point de départ prometteur est malheureusement alourdi par une narration assez opaque, voire désincarnée. Le réalisateur Isaiah Saxon, dont c’est le premier long métrage après des travaux dans l’animation et le clip, a une vraie sensibilité graphique. Le monde qu’il bâtit est riche, touffu, organique, avec une direction artistique inspirée, notamment dans les décors forestiers et les créatures, qui évoquent parfois Hayao Miyazaki ou Guillermo Del Toro. Mais cette richesse visuelle ne suffit pas à combler un manque cruel de souffle narratif. Le rythme est lent, parfois engourdi. Le scénario hésite entre allégorie écologique, fable spirituelle et dystopie tribale, sans jamais trouver sa cohérence interne.
Dès les premières scènes, le film installe une ambiance lourde, presque guerrière, avec une vision très hiérarchisée du monde — entre chefs de clans, militaires, rites de passage et pouvoirs mystiques. Le ton est étrangement réactionnaire pour un film censé s’adresser aux jeunes ou aux familles. On sent que le réalisateur veut dire quelque chose à travers cette vision dystopique, mais le message reste flou, et l’émotion se perd dans une mise en scène trop démonstrative.
Le personnage principal, Zoya, est attachante mais peu développée. Son lien avec l’Ochi — adorable créature qui aurait pu devenir emblématique — manque de consistance dramatique. L’alchimie ne prend pas vraiment, et cela nuit à l’impact émotionnel de leur périple. L’Ochi lui-même, qui semble promis à un destin de mascotte, est certes charmant visuellement (on pense aux Gremlins, à Stitch, à Groot), mais trop peu exploité scénaristiquement : il n’a ni la malice ni la profondeur attendue.
Côté casting, Willem Dafoe fait ce qu’il peut avec un rôle d’ancien druide/mentor taciturne. Il dégage toujours une intensité étrange. Mais Finn Wolfhard, censé porter une part importante du récit, est quasiment invisible, sans relief, comme s’il traversait le film sans y croire. Le reste du casting souffre d’un manque de caractérisation, prisonnier d’un univers qui privilégie l’esthétique au développement humain.
Visuellement, le film reste son plus bel atout : la direction artistique est splendide, les paysages grandioses, la photographie crépusculaire très soignée, et la musique accompagne bien ce monde mystérieux. On sent une inspiration profonde dans la culture mythologique, forestière, presque chamanique. Mais tout cela finit par tourner à vide, faute de vraie chair autour des os.
La fin, plus maîtrisée que le reste, réussit quelques beaux instants de poésie sombre, et parvient enfin à conjuguer émotion et tension. Mais c’est un peu tard. On quitte le film avec une sensation de promesse non tenue, de projet ambitieux mais trop froid, trop cérébral pour toucher pleinement.
NOTE : 8.70
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation et scénario : Isaiah Saxon
- Musique : David Longstreth
- Décors : Jason Kisvarday
- Costumes : Elizabeth Warn
- Photographie : Evan Prosofsky
- Montage : Paul Rogers
- Production : Traci Carlson, Richard Peete, Isaiah Saxon et Jonathan Wang
- Producteurs délégués : Len Blavatnik, Anna L. Coats, Danny Cohen, Mike Larocca, Louise Lovegrove, Alex Plapinger, Anthony et Joe Russo et Angela Russo-Otstot
- Sociétés de production : AGBO, Encyclopedia Pictura, Neighborhood Watch, Year of the Rat, IPR.VC et Access Entertainment
- Sociétés de distribution : A24 (États-Unis), KMBO (France)µ
- Helena Zengel : Yuri
- Willem Dafoe : Maxim
- Finn Wolfhard : Petro
- Emily Watson : Dasha

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