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dimanche 25 mai 2025

11.40 - MON AVIS SUR LE FILM DIVINES DE HOUDA BENYAMINA (2016)


 Vu le film Divines de Houda Benyamina (2016) avec Oulaya Amamra Déborah Lukumuena  Jiska Lavanka Kevin Mischel Yasin Houicha Farid Larbi Madjouline Idrissi Mounir Margoum   

En banlieue parisienne, la jeune Dounia a soif de pouvoir et de réussite. Soutenue par sa meilleure amie Maimouna, elle abandonne le lycée professionnel et propose ses services à Rebecca, une dealeuse respectée dont elle gagne progressivement l'estime. Sa rencontre imprévue avec Djiguidanseur troublant de sensualité, va l'ébranler, mais il est difficile de sortir de l'emprise de Rebecca. 

Il y a dans Divines une rage, une impétuosité, un souffle vital qui emporte tout sur son passage – à commencer par les maladresses du scénario ou les outrances de ton. Premier long-métrage de Houda Benyamina, le film a fait irruption au Festival de Cannes comme une gifle, remportant la Caméra d’or, et a confirmé que le cinéma français savait encore accoucher de voix neuves, pas formatées, prêtes à tout bousculer. Avant de sombrer dans les égarements du blockbuster féminisé (Les Trois Mousquetaires), Benyamina signait ici une œuvre âpre, inégale mais furieusement habitée, avec pour trinité explosive un trio de jeunes comédiennes incandescentes : Oulaya Amamra (sa sœur dans la vie), Déborah Lukumuena et Jisca Kalvanda. 

L’histoire est simple mais percutante. Dounia (Amamra), ado de cité, vit dans un bidonville en marge d’une banlieue parisienne, avec une mère paumée, et n’attend plus rien de l’école. Elle est fascinée par le pouvoir, l’argent, la réussite. Avec sa meilleure amie Maimouna (Lukumuena), elle décide de se lancer dans le deal, épaulée par une caïd locale charismatique, Rebecca (Kalvanda). Dounia croise aussi la route d’un danseur de hip-hop, Djigui (Kevin Mischel), beau et aérien, qui réintroduit une tendresse inattendue dans ce monde de violence. Mais dans cet univers sans filet, la chute est rapide, brutale. 

Ce qui frappe d’abord, c’est la mise en scène : nerveuse, charnelle, mobile. La caméra colle aux corps, vibre avec les héroïnes, capture leurs fous rires, leurs colères, leur énergie pure. Le film a quelque chose des 400 coups modernes, oui, mais revus à la lumière crue d’une jeunesse exclue, féminine, racisée, sans illusions mais pas sans rêves. La banlieue n’est plus ici un décor social mais un territoire mythologique, presque shakespearien, où l’on se brûle aux désirs de grandeur. 

Oulaya Amamra est bluffante : agressive, drôle, effrontée, presque insupportable parfois – et donc totalement crédible. Déborah Lukumuena, plus ronde, plus solaire, plus tendre, est le cœur du film, celle qui offre une brèche dans le mur de violence. Leur duo est irrésistible, comme un cri d’amitié dans le chaos. Jisca Kalvanda, en mentor impitoyable, incarne une figure quasi tragique, entre survie et cynisme. Quant à Kevin Mischel, tout en grâce féline, il devient l’antithèse silencieuse de l’univers du film : le rêve, la beauté, la verticalité dans un monde de pesanteur. 

Certes, Divines n’est pas un film "propre" – au sens d’un discours parfaitement tenu. Benyamina en fait parfois trop : elle surligne, elle clame, elle charge la barque de symboles un peu lourds. Le final, très noir, peut même diviser. Mais on pardonne tout à cette fougue, à cette soif de cinéma. Le film est traversé de moments de grâce (cette scène magique où les filles volent dans une voiture imaginaire au son de Vivaldi) et de rage politique. On y sent une urgence, un besoin de filmer qui dépasse la seule ambition esthétique. C’est un cinéma à fleur de nerfs, qui tremble de vie. 

Aujourd’hui, Divines conserve sa force, même si son autrice semble s’être égarée depuis dans des projets plus creux et formatés. Mais ce premier cri, ce coup de poing, ce poème urbain barbelé reste gravé. Un film plein de bruit et de fureur, d’amour aussi, et de contradiction. Comme ses héroïnes. 

NOTE : 11.40

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