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vendredi 16 mai 2025

15.10 - MON AVIS SUR LE FILM TUEURS DE DAMES DE ALEXANDER McKENDRICK (1955)

 


Vu le film Tueurs de Dames de Alexander McKendrick (1955) avec Alec Guiness Peter Sellers Katie Johnson Cecil Parker Herbert Lom Danny Green Philip Stainton Jack Warner Frankie Howerd 

Le « professeur » Marcus et ses complices, se faisant passer pour des musiciens, louent une chambre chez la vieille veuve madame Wilberforce, pour préparer le vol d'un transfert de fonds à la gare de King's Cross voisine. Ils prétendent former un quintette à cordes amateur souhaitant répéter et passent des disques de musique de chambre (notamment le menuet de Boccherini) pendant leurs réunions. La vieille dame est intégrée dans leur plan à son insu, car elle est chargée d'aller récupérer à la gare une malle contenant le butin. 

Tueurs de Dames d’Alexander Mackendrick, joyau des studios Ealing, est une comédie noire à l’anglaise, fine, grinçante et délicieusement absurde. Dans cette farce criminelle aux allures de vaudeville, une vieille dame fantasque devient l’instrument involontairepuis redoutable — d’un groupe de cambrioleurs. Margaret Wilberforce (formidable Katie Johnson), petite bourgeoise excentrique et isolée, vit dans une maison en bois brinquebalante, au bord d’une voie ferrée dans un quartier grisâtre de Londres. Elle loue une chambre à un mystérieux professeur de musique, Marcus (Alec Guinness, au sommet de son art), qui vient répéter avec ses collègues… du moins en apparence. 

Car derrière les airs d’honorables musiciens se cachent en réalité cinq criminels très peu mélomanes, venus préparer un braquage minutieux. Le plan : utiliser la crédulité de la vieille dame comme couverture. Mais les choses se compliquent lorsque cette dernière, sous ses airs éthérés et poliment fêlés, commence à tout comprendre et menace de dénoncer la bande. S’enclenche alors un jeu de massacre rocambolesque les tueurs, plus bêtes que méchants, vont s’entretuer à force de vouloir se débarrasser d’elle… avec un zeste de karma bienvenu. 

Le film est un modèle d’équilibre entre comédie burlesque et satire sociale. Mackendrick, futur maître de Sweet Smell of Success, orchestre cette farce avec un rythme d’orfèvre : portes qui claquent, dialogues savoureux, malentendus, silences comiques… tout fonctionne. Le scénario, écrit par William Rose, est ciselé à la perfection, avec un crescendo irrésistible qui mène le spectateur du sourire au rire éclatant, jusqu’au malaise jubilatoire. L’humour y est noir, mais sans cynisme : on rit de la bêtise humaine, des faux-semblants, et de cette classe criminelle minable qui se heurte à plus rouée qu’elle. 

Alec Guinness, méconnaissable avec son rictus sardonique et ses dents proéminentes, compose un professeur à la fois glaçant et grotesque. À ses côtés, un jeune Peter Sellers en gangster timide, Herbert Lom en psychopathe nerveux, Cecil Parker en gentleman dépassé et Danny Green en colosse attendrissant complètent un casting d’anthologie. Chacun joue sa partition à la perfection, comme un quintette déglingué. Et au centre de tout, Margaret Wilberforce, vieille dame faussement naïve, incarnée avec grâce par Katie Johnson : un personnage inoubliable. 

Londres y est filmé comme un décor presque surréel, gris, humide, avec ses brumes, ses briques et son éternel brouillard. Ce n’est pas le Londres des cartes postales, mais celui des petites gens, des marges, des pensions lugubres. Ce décor colle à merveille à l’atmosphère du film : un monde bancal, presque théâtral, l’absurde surgit à tout moment. 

La force de Tueurs de Dames tient aussi à sa structure simple et resserrée. On est presque dans une pièce de théâtre, un huis clos dynamité par l'invention constante. Chaque scène porte sa dose d’ironie, chaque plan prépare le suivant, dans une logique d’horlogerie narrative. Et si l’on rit, c’est aussi parce que tout cela est très anglais : une distance pince-sans-rire, une politesse de façade, et une détonation soudaine. 

On ressort du film avec un sourire durable, celui que laissent les grands classiques. Tueurs de Dames ne cherche jamais à faire dans le spectaculaire ; il joue tout sur la finesse, l’absurde, la malice. C’est une comédie policière inversée, les méchants sont lamentables, la justice hasardeuse, et la vieille dame invincible — du moins moralement. 

Un film culte, précurseur à sa manière, et toujours aussi savoureux presque 70 ans plus tard. De ceux qui rappellent que le crime ne paie pas, surtout quand il se heurte à une vieille anglaise avec une théière et du caractère. 

NOTE : 15.10

FICHE TECHNIQUE


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